L’Ikongo, l’Acropole des Tanala


En 1896, le bruit court que des groupes de mécontents se regroupent sur le rocher d’Ikongo, y entassant vivres et munitions. Aussitôt, l’administrateur en chef Besson de Fianaran­tsoa s’y rend du 22 septembre au 1er octobre pour engager des négociations avec les Tanala. Sans succès. Les Français décident alors de recourir à la force des armes. Le massif d’Ikongo affecte la forme d’un gigantesque fer à cheval dont la concavité est tournée vers l’Est. La longueur du nord au sud est d’environ 6 km et la largeur moyenne du plateau d’un kilomètre. Le plateau supérieur (1 050m d’altitude) très mamelonné est arrosé par trois ruisseaux et de nombreuses sources s’y trouvent, ce qui explique les 600 à 800 ha de terres fertiles qui se prêtent à divers genres de cultures. « Cette circonstance enlève à l’assaillant la possibilité de réduire la position par la famine », rapportent l’administrateur en chef de Fianarantsoa et le commandant Cléret. Plusieurs contreforts auxquels on n’accède que par des rampes de 45 à 50° servent de base à cet imposant massif, dont l’accès est défendu de tous côtés par des rochers abrupts, à l’exception toutefois de la partie ouest où se trouve une « sorte de soudure » qui rattache l’Ikongo au massif d’Ambondrombe, la montagne des esprits. Au nord, une sorte d’échancrure d’où s’échappe en cascade le ruisseau d’Ilavaohina constitue « un second point faible de la position ». « Partout ailleurs le massif est à peu près inabordable. Le massif d’Ikongo, qui a mérité à juste titre d’être appelé l’Acropole des Tanala est réellement une position formidable. » D’autant que vainement assiégé par les Merina, le rocher acquiert un renom d’inviolabilité fait pour augmenter la foi et le courage de ses défenseurs. Du 5 au 9 octobre, des engagements très vifs ont lieu dans lesquels les Français font des « pertes sensibles ».  L’opération décisive se déroule le 10 octobre. « Besson sachant que les Tanala croient que les chrétiens sont le dimanche astreints par leurs croyances à un repos absolu, et comptant sur la paresse des Tanala, le froid et le brouillard de la matinée », les Français arrivent sans bruit jusqu’au dernier retranchement  et s’en emparent par surprise. Les Tanala s’enfuient abandonnant tout. Le commandant Cléret choisit, sur une butte à proximité de l’Ilavaohina, un village où s’établiront provisoirement les 40 hommes (dont 15 Européens) destinés au poste créé sur le plateau d’Ikongo. Les denrées abandonnées par les « insurgés » représentent un  approvisionnement de cinq à six mois pour la garnison. Le 14 octobre, le Dr Besson se rend à Maromiandra où se trouvent réunis le roi Ratsian­draofana, les gouverneurs et toute la population soumise. Il fait connaitre aux Tanala les charges qui leur incomberont annuellement: prestation obligatoire mais payée de cinquante jours pour les adultes; impôt de capitation consistant en 20 litres  de riz en coque par adulte, à verser à l’époque de la moisson ; impôt d’un bœuf de belle taille par groupe de 50 habitants mâles adultes ; obéissance absolue aux ordres des chefs nommés par la France et responsabilité de ces derniers ; division du district en quatre arrondissements (Ikongo, Sandrabe, Andriana, Manam­bondro) ; création d’écoles dans le plus bref délai ; remise de toutes les armes à feu sous peine de châtiments les plus sévères. Une amnistie générale est accordée aux « rebelles » d’Ikongo, à l’exception des 16 chefs les plus compromis. Car d’après le Dr Besson, quelques Merina « ont poussé les Tanala à la révolte ». Dans le Sud, dans la province de Toliara, un grand nombre de chefs des Antanosy se soumet et s’engage au paiement annuel de l’impôt.  Dans la province de Tolagnaro, le commandant Brulard réussit à établir une ligne de communication entre le chef-lieu et Antananarivo par Toamasina et Fianarantsoa, et la jalonne de postes. Et pour compléter le tout, les missionnaires anglais affichent dans leurs édifices cultuels une déclaration, où l’on peut lire en substance : « Ceux qui suivent les instructions des missionnaires doivent, en devenant bons chrétiens, devenir aussi bons sujets et bons citoyens de la France. ». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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