Identité artificielle


La démocratisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, malgré le miracle qui rapproche les différentes civilisations, crée un monde chaotique, un bazar inédit qui prive l’homme de tout repère. On vit alors, perdu au milieu de ce chaos technologique, une phase d’égarement de l’histoire humaine : l’identité est à chercher et à conquérir dans l’immense océan virtuel, devenu un univers qui tend à supplanter le monde physique grâce à l’énorme force magnétique universelle qu’il exerce. L’homme, pour avoir une connaissance ou un semblant de connaissance de lui-même, construit et écrit sa biographie au sein de ce macrocosme enfanté par la technologie et fait dérouler les pages de l’histoire de sa vie dans la vaste tribune offerte par les réseaux sociaux. Ainsi que le soutenait Jean-Paul Sartre qui a affirmé que « l’existence précède l'essence », l'identité, pas donnée à l'avance, est construite tout au long de notre vie. Les réseaux sociaux sont maintenant devenus des chantiers où se bâtissent des autobiographies écrites avec une écriture qui néglige souvent le texte au profit d'une prolifération d'images, de photos et de vidéos assorties d'une poignée de phrases rédigées en suivant une nouvelle règle qui minimise les règles élémentaires de l'orthographe. Un dédain qui n'est qu'un des symptômes de l'état d’égarement dans lequel patauge le genre humain qui se cherche dans ce capharnaüm de la mondialisation. Et pour exprimer sa frustration, l'homme se livre, exhibe sa vie sur les réseaux sociaux, des journaux pas aussi intimes que ses ancêtres en papiers dans lesquels se confiaient nos mères et nos grands-mères. Le livre de la vie d'un être humain est aujourd'hui accessible au public qui a accès au mur de la personne qui y expose chaque détail de son histoire personnelle : les heureux événements, les images sombres et lugubres du deuil, les différents épisodes de sa vie amoureuse, les plats exquis et chers auxquels son estomac n'est pas habitué et dont la consommation mérite d'être immortalisée par l'appareil photo, ... Et sur ces compte Facebook, Instagram où Twitter, devenus des miroirs décorés, enjolivés, façonnés par ses mains, l'homme se découvre, peut avoir une idée de son identité au prix du regard de l'autre. « Nous ne sommes nous qu'aux yeux des autres et c'est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes » écrivait toujours Sartre dans son livre L’Être et le Néant (1943). Une affirmation que la vulgarisation des réseaux sociaux a confirmée : la nature d'un individu est lue à travers ce qu'il partage dans le monde virtuel et ainsi autrui, qui est devenu ce Big Brother qui n'arrête pas de le regarder (Cf. 1984, G. Orwell, 1949), devient aussi le créateur et maître de son identité.
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