David Ashley - « Le marché britannique est large et ouvert »


Un accord de partenariat économique entre Madagascar et le Royaume-Uni a été signé, jeudi. Interviewé, hier, David Ashley, ambassadeur du Royaume-Uni, cet acte devrait contribuer au renforcement de la coopération économique et des échanges commerciaux entre les deux pays. Quelle est la portée de cet accord? C’est une grande étape dans le renforcement de la coopération entre nos deux pays. C’est un accord entre le Royaume-Uni et les pays du Sud de l’Afrique et de l’Est et que votre ministre des Affaires étrangères à signé, hier [jeudi]. Il porte sur le commerce et l’investissement. Cet accord donne un élément de sécurité pour les investissements et le commerce pour les partis signataires et permet un renforcement des échanges sur ces domaines. Ça a déjà existé lorsque le Royaume-Uni avait fait partie de l’Union européenne (UE). Après le Brexit, toutefois, il y a eu des interrogations sur d’éventuels changements des termes de l’accord ou non. L’acte signé, hier, renforce le fait que rien ne change. Quelle est la situation des échanges entre les deux pays actuellement? L’année dernière, les échanges entre nos deux pays ont été évalués à 44 millions de livres. Selon moi, c’est très peu. Ce qui implique qu’il y a beaucoup de possibilités pour renforcer cette coopération économique dans les deux sens. Il y a encore beaucoup d'opportunités pour les opérateurs malgaches qui souhaitent conquérir le marché au Royaume-Uni et vice-versa pour les investisseurs britanniques. Vous dites que rien ne change. Concrètement, quelle est la portée de cet accord? Sa portée est très large. L’accord couvre pratiquement tous les secteurs d’activité. Rien ne change dans le sens que Madagascar a déjà eu la possibilité d’exporter ses produits et ses services vers le Royaume Uni, en franchise de droit de douane et de quotas, et ça reste le cas. Seulement, jusqu’à hier [jeudi], ça n’a été qu’un engagement politique du gouvernement britannique. Maintenant, c’est un accord légal entre les deux pays. Il y a, aussi, une possibilité pour les parties signataires de négocier pour le renforcement de la coopération économique sur des secteurs particuliers comme l’agriculture, par exemple. Vous dites qu’il y a plusieurs opportunités à saisir au RoyaumeUni. Pourriez-vous nous en donner quelques exemples qui pourraient intéresser les opérateurs malgaches? Il y en a plusieurs, par exemple, dans le secteur agricole, les produits de pêche. Je redis et j’insiste dessus, le marché britannique est très large et très ouvert. Le Royaume-Uni œuvre maintenant pour faciliter l’entrée des voyageurs. La semaine dernière, par exemple, nous avons reconnu le certificat de vaccination anti-Covid 19 malgache. Après l’accord signé, hier, je vais discuter avec le ministre de l’Industrie et du commerce pour voir plus en détail les possibilités commerciales pour les deux parties. Un investissement plus large des deux côtés sera une bonne chose pour tout le monde. Quels domaines pourraient intéresser les investisseurs britanniques? Je pense que cela reste à voir. Les statistiques en matière d’exportations britanniques à Madagascar, rapportent qu’elles sont restreintes dans des domaines très limités, comme les instruments scientifiques, ou encore, les machineries spécialisées. Pour l’importation, il y a le textile et des produits comme le café. Ce qui veut dire qu’il y a beaucoup de secteurs d’activités à Madagascar qui pourraient intéresser les investisseurs britanniques. Il y a, bien sûr, le tourisme. Des opérateurs touristiques britanniques qui œuvrent aux Seychelles ou à Maurice pourraient être intéressés par le marché malgache. L’amélioration des infrastructures à Madagascar est, aussi, un défi à long terme qui nécessitera beaucoup d’investissements et d’expertises. Nous en sommes seulement qu’au début. Il faudra donner la possibilité aux entreprises malgaches et britanniques de se connaître, d'échanger et voir les opportunités des deux côtés. L’accord signé, hier, pourrait-il faciliter cette connexion? Oui, puisqu’elle donne confiance en l’avenir, en la sécurité pour les investissements à long terme. Maintenant c’est une question de volonté politique de la part des deux parties, pour le renforcement des relations diplomatiques et commerciales. Nous avons une connexion historique qui est bien connue. Il n’y a pas de problème entre les deux pays. En mon sens, il y a une bonne foi, une bonne volonté des deux côtés. Sur un autre sujet, il y a eu la COP 26 qui s’est tenue à Glasgow, en Ecosse. Au-delà des intentions, quelles sont les actions concrètes qui vont en découler? Le Royaume-Uni a défini quatre objectifs pour Glasgow et on peut observer les progrès de chacun. Premièrement, éliminer les centrales alimentées par le charbon (...), mettre fin aux financements des centrales de charbon et investir plus dans les énergies renouvelables. Une alliance de cent quatre vingt dix pays, organisations et entreprises ont déclaré, hier, leur volonté d’aller dans ce sens. La Chine, les Etats-Unis, le Japon, la Corée et les autres membres du G20 se sont engagés à ne plus financer la production de charbon à l’étranger d’ici la fin 2021. Deuxièmement, il est nécessaire d’accélérer la transition pour l’utilisation des véhicules à zéro émission de gaz à effet de serre. Troisièmement, il y a la protection des forêts.Mardi, cent vingthuit pays, dont Madagascar, ont rejoint une déclaration visant à arrêter et inverser la déforestation d’ici 2030. (...) Le quatrième point est l’argent. Justement, l’argent est le nerf de la guerre et ça a été souligné à Glasgow. Madagascar et d’autres pays développés ont, effectivement, souligné le fait qu’à Paris et même avant, les pays développés ont promis qu’à partir de 2020, ils vont décaisser 100 milliards de dollars, chaque année, pour aider les pays en développement, à atténuer les impacts des changements climatiques. Cette promesse n’est pas entièrement concrétisée, mais il y a des progrès. Cela devrait être fait, au plus tard, en 2023. A Glasgow, il a été acté que pour la période 2020 à 2025, les pays développés vont donner 500 milliards de dollars, au moins, pour les pays en difficulté. Mais ce montant n’est qu’un début. Il est nécessaire que des fonds beaucoup plus importants proviennent du secteur privé. Le ministère des Finances britanniques a mené une discussion, hier, sur comment le secteur privé pourrait-il aider la transition énergétique et atteindre l’objectif net de zéro émission d’ici 2050. Une somme conséquente venant du secteur privé y est, également, affectée. Comme il a été dit à Glasgow, la transition écologique n’est pas à la portée de tous les pays. Concrè­tement, qu’est-ce qu’un pays comme la Grande île, peut-il donc attendre du sommet sur le climat? Effectivement, on ne pourra dire que la COP 26 a été un succès, que si dans l’avenir, les résolutions prises ont un impact concret dans des pays comme Madagascar, sur deux éléments. Le premier est, sommes nous parvenus à limiter la hausse de la température au niveau mondial. Deuxièmement, est-ce que les pays comme la Grande île, recevront le soutien nécessaire pour atténuer les effets et s’adapter au changement climatique et se développer dans le respect des impératifs écologiques. Nous ne pouvons pas choisir entre développement et protection de l’environnement. Il faut impérativement faire les deux. Nous pouvons le faire, même dans les pays en développement. Bien sûr, pour ces derniers, cela nécessite des appuis technologiques et financiers. (...) Il y a, effectivement, beaucoup de déclarations et de promesses, mais il est nécessaire de voir la traduction de ces promesses en réalité. Vous avez parlé d’un financement de 500 milliards de dollars sur la période 2020 à 2025, pour les pays en développement. Y a-t-il un plan de décaissement, de répartition ? Quel montant Madagascar pourrait-il bénéficier, par exemple, et à quelles conditions? Il y aura des groupes de travail qui vont discuter de façon plus approfondie sur les questions d’accès aux financements. A l’heure actuelle certes, il est difficile, pour un pays comme Madagascar, d’avoir un accès direct aux financements. La question du financement climatique sera un des sujets au centre des négociations pendant la deuxième semaine de la COP 26. C’est une bonne chose que le président de la République ait fait part aux ambassadeurs, durant la rencontre à Iavoloha, il y a deux semaines, qu’un décret sur le financement carbone. Cela peut être un outil important, car des entreprises, des pays et des particuliers sont prêts à compenser leurs émissions de carbone en payant d’autres pays pour protéger leurs forêts et leurs mangroves. À Glasgow, il y a eu un entretien entre le président Andry Rajoelina et la ministre britannique chargée de l’Afrique. Le renforcement du soutien de votre pays au redressement de la situation dans le Sud, aurait été discuté? Cette année, nous avons donné 5 millions de livres d’aide humanitaire à travers l’UNICEF et le PAM, par exemple, pour soutenir cent mille personnes sur une période de six mois. L’année dernière, en outre, un projet de construction de pipeline par l’UNICEF. Nous sommes, aussi, le principal donateur de la Banque mondiale, pour Madagascar, afin de financer, notamment, des projets d’infrastructures résilients face aux changements climatiques. A cause de ce phénomène, la situation dans le Sud sera un problème à long terme. Il est donc nécessaire d’agir sur deux fronts. Faire face à l’urgence humanitaire, mais aussi, comme le Président l’a souligné lors de la rencontre avec les ambassadeurs, changer le paradigme. Investir plus dans les infrastructures au Sud, pour un développement durable et résilient Dans ce sens, y aurait-il éventuellement, un appui direct aux projets étatiques? À vous entendre, les financements britanniques passent par les organisations internationales. Nous avons différents programmes de financement à Madagascar, par exemple, à travers la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, les agences onusiennes et les ONG. La Grande île fait partie de notre nouveau programme de protection des forêts, d’un montant de 10 millions de livres sur une période de sept ans. Ce programme sera mis en œuvre par une coalition d’ONG [Organisation non gouvernementale] britanniques et malgaches. Mais pour le moment, nous n’avons pas de programme inter-étatique ici. Ce n’est pas juste le Royaume-Uni, en fait. Le constat est que les partenaires internationaux de pays en développement, comme Mada­gascar, préfèrent passer par les canaux des organisations internationales, plutôt que de soutenir directement les projets étatiques. C’est le cas, par exemple, pour la lutte contre l’insuffisance alimentaire dans le Sud. Ce qui fait que les projets étatiques n’avancent pas, faute de financement et les actions internationales ne s’en tiennent qu’aux aides d’urgence. Finalement, rien ne change. Il y a les autres donateurs qui, avant, ont décaissé des financements directs pour soutenir le budget gouvernemental. Il serait mieux de leur demander les raisons pour lesquelles, actuellement, ils ne les font plus. Malheureusement, dans l’ensemble, si l’on prend les aides pour la lutte contre la Covid 19, l’année dernière, il y a toujours quelques doutes sur l’utilisation réelle de ces fonds. Il est nécessaire pour le gouvernement de démontrer que le soutien international est utilisé à bon escient et en toute transparence.
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