Contrefaçon ou faux-monnayage ?


Le 21 juin 1965, le nouvel établissement du ministère des Finances à Antananarivo est inauguré par le Président de la République, chef du gouvernement, Philibert Tsiranana. À cette occasion, le Bulletin de Madagascar consacre un numéro spécial sur ce ministère et ses différents départements. Et quand on parle de finances, on entend avant tout monnaie, la vraie ou la fausse, même si le métier de faussaires est une catégorie professionnelle rarissime à Madagascar jusqu’au XXe siècle. Avant le XIXe siècle, la Grande ile n’a pas de monnaie spécifique. En 1885, le père de La Vaissière, dans son ouvrage « Vingt ans à Madagascar » explique : « Les Malgaches ignorent encore aujourd’hui l’art de battre monnaie. Veulent-ils payer des valeurs moindres que celle de la pièce de 5 francs reçue des Européens ? On les voit s’emparer de l’une de ces pièces, la diviser en fractions ou morceaux de variable grandeur et en soumettre le poids à des balances qu’ils portent habituellement sur eux. » Ainsi, comme le fait remarquer Edmond Heiby, chef du Laboratoire de police, d’une part, les tentatives de faux-monnayage de l’époque ne peuvent porter que sur la contrefaçon de pièces étrangères. Et d’autre part, les connaissances comme les possibilités des habitants en matière de fonderie, d’alliage et d’argenture sont très rudimentaires, « circonstance qui devait rendre difficile et rare une contrefaçon artisanale ». Les anciens Malgaches de la première moitié du XXe siècle, se remémorent certes, du « Vola ratsy », mais l’idée est surtout associée au souvenir transmis par leurs aïeux d’une importation de pièces de 5 francs fabriquées en Angleterre et qui auraient été mises en circulation avec la complicité de Rainilaiarivony lui-même. « Ces pièces connues sous le nom de vola kandaonina du nom de l’Anglais Kingdon, instigateur et intermédiaire de l’opération, étaient plus légères que la pièce française. » Lorsque les usagers s’aperçoivent de la supercherie et se méfient, un second lot est mis en circulation. Cette fois, les pièces ont bon poids, mais sont faites d’un alliage et elles ternissent en vieillissant. « Les usagers prirent l’habitude de les dépister au son, en frappant la pièce suspecte, tenue en équilibre sur la pointe de l’index, avec une autre. » Edmond Heiby affirme avoir recherché, dans les années 1960, des exemplaires de cette monnaie irrégulière, mais si elles existent encore, elles sont certainement rares puisque les piastres sont coupées pour faire le « takalo madinika » ou petites monnaies. De surcroît, « le possesseur d’une pièce irrégulière devait s’empresser d’en faire de petits morceaux plus faciles à écouler ». Quelques-unes de ces pièces sont, en outre, utilisées comme « porte-bonheur » et clouées comme telles sur la pièce de bois du seuil des cases. Le chef du Laboratoire de police, en fait, n’entend pas parler d’un véritable faux-monnayage d’origine malgache. En revanche, les balances sont souvent truquées et les supercheries portent sur les pesées. Il faut dire que le Code des 305 articles, dans son article 9, menace de vingt ans de fers ceux qui « fabriquent » les fausses pièces de monnaie. Une disposition sévère qui est surtout préventive et destinée à décourager ceux qui auraient quelque velléité à se livrer à ce genre d’activité. Pourtant, « on raconte aussi que quelques habiles artisans avaient réussi à fabriquer des pièces fausses ». En tout cas, c’est après la conquête et pendant l’occupation française que les affaires de fabrication artisanale de pièces et, plus tard, de billets de banque, sont mieux connues. Ainsi, en 1915, 1916 et 1917, de fausses pièces de 5 francs en bronze argenté, sont mises en circulation. On en découvre dans le district d’Ambatolampy, province d’Antananarivo, et jusque dans le district de l’Ikongo, province de Farafangana, mais « leur nombre se réduit à quelques spécimens ». Ce sont pour la plupart l’œuvre de deux faussaires qui demeurent à Ambatofotsy. Ils opèrent d’une manière rudimentaire par moulage, « mais le procédé d’argenture n’a malheureusement pas été noté ». Les deux faussaires sont facilement découverts et condamnés l’un à dix ans et l’autre à sept ans de travaux forcés, le 9 février 1918 et leur matériel saisi.
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