Le choix de la liberté pour une liberté de choix


Je n’ai jamais été convaincu par le suffrage universel direct. Surtout quand il est confié à une majorité sans guère de culture générale ni beaucoup plus d’instruction et, malheureusement, tellement miséreuse pour n’avoir à se vêtir que de tee-shirts de propagande. Je ne suis pas sur la liste électorale. La dernière fois que j’ai été voter, restera donc 1999. Aux municipales d’Antananarivo. Depuis, il y eut des présidentielles (2001, 2006, 2013), des référendums constitutionnels (2007, 2010), des législatives (2002, 2007, 2013), d’autres municipales (2003, 2015). Mais, nous le savons bien «La multiplication des élections ne signifie pas grand-chose quand l’idée démocratique n’est pas ancrée dans les mentalités» (Chronique VANF, Démocratie-attitude, 08.08.2018). Tandis que nous autres Malgaches vivons «une drôle de démocratie», 41% des Français seraient prêts à accepter un régime autoritaire pour réformer le pays (IFOP/Ouest-France, 31 octobre 2018). Le Premier Ministre français avait d’ailleurs présenté la feuille de route d’un «État efficace». «Efficacité», le mot d’ordre de Singapour. Singapour : «Économie d’abord, liberté ensuite» ? Le PAP, seul parti au pouvoir depuis 1959, a réussi que les gens travaillent, qu’ils soient bien payés, et qu’ils revendiquent moins pour les libertés individuelles. Singapour, un des quatre dragons d’Asie (avec Hong Kong, Taïwan et la Corée du Sud), est finalement une république héréditaire : au fondateur Lee Kuan Yew (Premier Ministre de 1959 à 1990, senior minister jusqu’en 2004, décédé le 23 mars 2015) a succédé son fils Lee Hsien Loong, en 2015. «Un État dans lequel rien n’est interdit, mais où la permission est requise pour tout», dit-on. Oui, mais le port de Singapour est le deuxième port de conteneurs au monde et cette Cité-État est la quatrième place financière du monde. Alors, «discipline, obéissance et soumission» ? À Hong-Kong, le «People Bookstore», dernière librairie qui vendaient les livres interdits en Chine continentale, vient de fermer. Cette fermeture survient après l’affaire de l’enlèvement de cinq éditeurs hongkongais de la maison Mighty Current et de leur détention en Chine, en octobre-décembre 2015. Les Hongkongais, vingt ans après la rétrocession (1er juillet 1997, après 156 ans d’occupation britannique), souhaitent l’instauration du suffrage universel, voire l’indépendance de l’ancienne possession britannique qui se dit vivre aux rythme et tempo de l’Occident. La promesse d’«un pays, deux systèmes» n’était sans doute pas tenable et n’engageait-elle finalement que ceux qui y avaient cru. Comme les 56 millions de visiteurs que Hong-Kong a su séduire en 2016. Au classement 2018 de la liberté d’expression, «Reporters Sans Frontières» classe Hong-Kong à la 70e place. Alors que Madagascar arrive 54ème (sur 180 pays) dans ce classement de RSF, les pays qui avaient su associer «capitalisme et démocratie autoritaire» sont loin derrière en terme de liberté de parole : Malaisie (145e), Singapour (151e) ; voire Rwanda (156ème), Éthiopie (150e)... La Chine pointe à la 176ème place. Mais, la Chine, c’est quoi ? Les images de la place Tiananmen, le 4 juin 1989 ? Xi Jinping passant en revue les troupes de l’armée de la Libération à Hongkong en 2017 ? Le plus long pont au-dessus de la mer : 55 km entre Hong Kong, Macao et Zhuhai, inauguré le 23 octobre 2018 ? Les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xaomi) qui rivalisent avec les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ? L’économie socialiste de marché et tant pis les droits de l’homme ? En Éthiopie, les deux chambres du Parlement ont, pour la première fois dans l’histoire du pays, élu une femme comme présidente de la République. Avec un taux de croissance de 9% du PIB constaté par le FMI sur la période 2016-2017, l’Éthiopie aurait été le pays à croissance économique la plus rapide au monde en 2017. Mais, ce «miracle économique» cache mal l’absence de «démocratie» : c’est toujours la même coalition (Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens) qui gouverne le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique depuis 1991, et avec les élections législatives de mai 2015, aucun député de l’opposition ne siège à l’Assemblée. Malgré tout, la stabilité politique aura permis de passer de 19.000 km de routes en 1990 à 121.171 km en 2018 et le régime promet 200.000 km avant les élections générales de 2020. Au Rwanda, Paul Kagame, au pouvoir depuis l’an 2000, a été réélu en 2017 avec un score dit «stalinien» de 99%, La dernière modification constitutionnelle lui permet même de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Oui, mais voilà : selon la Banque mondiale, le Rwanda a connu une croissance moyenne de 7,8% par an, entre 2001 et 2015. S’il n’est donc pas encore tout à fait fréquentable (c’est tout de même le président en exercice de l’Union africaine et il vient de faire adouber une Rwandaise à la tête de la Francophonie), Paul Kagame est définitivement «bancable» : il a acheté, pour 40 millions de dollars sur trois ans, un bout du maillot du club londonien de football Arsenal pour faire la promotion de sa campagne «Visit Rwanda». L’autocratie aurait-elle du bon, interroge le regard depuis l’extérieur qui ignore tout du ressenti de l’intérieur. La liberté d’être sceptique, agnostique, libre-penseur, athée ou croyant ; la liberté de penser différemment ; la liberté d’expression, d’opinion et de religion ; le pluralisme politique ; l’absence de censure : c’est combien de points de PIB ? Je me dis que je ne pourrais pas vivre riche, mais muselé.
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