Un progrès considérable grâce aux efforts surhumains des Malgaches


Au cours des dix premières années vécues par Madagascar sous la colonisation, les colons s’installent avec l’aide de la nouvelle administration. Aucun cadastre n’existe sous la royauté et cette carence favorise l’établissement des nouveaux venus sur les terres vacantes. De nombreuses concessions de petites dimensions sont accordées aux particuliers venus de La Réunion ou de France. Le climat de l’ile n’est favorable à ces plantations que sur le littoral oriental et nord-occidental. Les Hautes-terres, bien peuplées et où la riziculture irriguée occupe de nombreux bas-fonds et même des versants, offrent beaucoup moins de possibilités aux colons. Mais très vite, « Gallieni constata que Madagascar n’était pas destinée à devenir une colonie de peuplement. Il s’efforça d’attirer plus de capitaux que de colons. » On accorde alors aux grandes compagnies françaises toutes les facilités pour s’établir : elles reçoivent des périmètres considérables en concession. Des permis d’exploitation forestière, de recherches, d’exploitations minières, très nombreux sont délivrés. Ainsi, la Compagnie Suberbie qui devient la Compagnie occidentale de Madagascar obtient 100 000 hectares, la Société de la Grande ile 110 515 hectares, Delhorbe 350 000 hectares, Florens-Orville qui se transforme en Compagnie française et minière de Madagascar 100 000 hectares. Et pourtant, « en 1905, les Européens n’avaient mis en culture que 20 000 hectares environ » ! Les Malgaches sont sollicités pour travailler dans les plantations, dans la forêt, dans les concessions minières. D’ailleurs, les dispositions fiscales, le système des prestations, l’indignation permettent d’augmenter le nombre des salariés. Néanmoins, la main-d’œuvre reste instable et les difficultés des planteurs, des employeurs pour la recruter et la maintenir sur le lieu du travail, sont bien réelles. C’est également sous le gouvernement militaire du général Gallieni que débutent les grands travaux coloniaux d’équipement. La construction des routes, commencée par le Génie, est poursuivie par les Travaux pratiques. Les populations doivent alors fournir des prestations en nature, travaillant avec ou sans rétribution, sont même obligées de négliger parfois leurs cultures. Et les régions peu peuplées sont plus éprouvées que les autres. Mais c’est ainsi qu’Antananarivo est reliée à Toamasina à l’Est, à Maevatanàna à l’Ouest, Fianarantsoa à Mananjary. Et en 1905, l’axe central Antananarivo-Fianarantsoa est en voie d’achèvement. « C’était un progrès considérable, mais de l’aveu de responsables comme le colonel Lyautey, seuls des efforts surhumains imposés aux populations locales avaient permis de l’accomplir. » En parallèle, la voie ferrée Antananarivo-Toamasina est entreprise dès 1900. En 1905, le tronçon Moramanga-Brickaville est pratiquement achevé. Là encore, le recrutement de la main-d’œuvre pose de gros problèmes aux ingénieurs. De même, l’équipement des ports s’avère indispensable au grand commerce maritime. Toamasina et Mahajanga reçoivent des installations assez importantes. « Mais surtout, la création d’un réseau télégraphique reliant Tananarive aux principaux centres de la côte, renforça la centralisation administrative de l’ile. » En fait, l’économie coloniale profite de ces réalisations importantes. Mais les résultats, faute de capitaux, sont inférieurs à ce qu’escomptent Gallieni et ses collaborateurs. L’augmentation du volume du commerce extérieur est importante, mais les produits exportés sont essentiellement des produits de cueillette ou d’exploitation minière. Malgré les efforts de l’Administration, l’agriculture commercialisée ne produit pas encore suffisamment. « On exploite plus qu’on ne crée, car les services techniques en sont encore à la phase d’expérimentation. » De plus, l’insuffisance des capitaux est un frein à la mise en valeur de l’ile, les réalisations intéressant principalement le secteur des activités primaires, ce qui est un aspect essentiel de l’économie coloniale : plantations, riziculture, élevage, exploitation minière. Beaucoup d’immenses concessions restent inexploitées, l’effort industriel est nul, le secteur commercial est, dans sa majeure part, aux mains des commerçants français et des grandes compagnies. La hausse du coût de la vie est l’une des conséquences de cette orientation économique. Elle est surtout sensible dans les villes où la consommation de produits fabriqués est importante. Les petites exploitations paysannes ne participent pas encore à l’économie commercialisée. « Dans ces conditions, les impôts pèsent lourd sur le petit peuple malgache. »
Plus récente Plus ancienne