Mépris ou sourde oreille, le chef de l’État semble ne rien entendre des contestations des journalistes.
Quand le chef de l’État fait part de ses « quatre vérités », il ne cache pas que, soit, il est sourd, soit il fait tout simplement la sourde oreille. Dans une interview accordée à la journaliste Jeanne Richard, samedi, et diffusée hier sur les chaînes de télévision privée participant au mouvement « Miara-manonja », le chef de l’État affirme n’avoir jamais entendu les journalistes évoquer ni contester l’article 20 de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité.
« Je n’ai jamais entendu ces journalistes hier ou avant-hier parler de l’article 20. On parle tout simplement de pression sur les journalistes », a-t-il déclaré, ajoutant au passage que « l’État ne fait aucune pression sur les journalistes » et que la liberté semble parfois dépasser les bornes à Madagascar.
Dès le départ pourtant, la contestation actuelle est partie de la suppression par le Conseil des ministres de la disposition censée abroger le fameux article 20 de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité. Prévoyant des peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans et des amendes jusqu’à 100 millions d’ariary en cas de diffamation contre un représentant de l’autorité publique, ledit article avait été contesté par les journalistes ainsi que les blogueurs et les utilisateurs des réseaux sociaux depuis 2014.
Mais deux ans après l’adoption de la loi, il n’est toujours pas abrogé et ne semble pas près de l’être. Lorsque les journalistes se sont ensuite rendu compte que d’autres amendements ont été apportés par le Conseil des ministres et ont complètement travesti l’esprit de l’avant-projet, le tollé s’est généralisé.
Choqué
Restant dans sa tour d’ivoire, le chef de l’État, qui affirme ne voir aucun retour dans les changements apportés par le Conseil des ministres, semble ne pas vouloir céder aux pressions. « Dans le cadre de notre Constitution, c’est la loi, pas les journalistes, qui organise la profession », a-t-il martelé dans son interview. Les journalistes n’étant pour Hery Rajaonarimampianina qu’une composante du processus, « il revient au gouvernement d’encadrer ledit processus », a-t-il ajouté, pour se justifier.
Comme à son habitude, le chef de l’État, à court d’argument, trouve des mains politiques derrière le mouvement des journalistes. Considérant les journalistes avec un certain mépris, le chef de l’État semble écarter l’idée que des hommes politiques puissent vouloir profiter des actions de contestation des professionnels des médias.
« Je vous invite à faire le discernement car des politiciens ont conduit les journalistes. C’est à la fois choquant et cela fait réfléchir », a souligné celui qui, enfermé dans sa surdité volontaire, affirme que « personne ne parle de fond » dans les débats actuels.
Lova Rabary-Rakotondravony