Gestion de l'innovation environnementale - Où en sont les entreprises malgaches aujourd’hui?


Des images viennent à l’esprit à travers le slogan de l’entreprise Guanomad « Ho maitso ny tontolo» ; ou encore dans le paysage de palmiers à huile de la Savonnerie Tropicale, première entreprise malgache exportatrice en agriculture biologique certifiée Ecocert et Biosuisse. Enfin dans un décor de cartes postales, des entreprises malgaches rivalisent aujourd’hui d’ingéniosité écologique dans le secteur touristique, car le premier hôtel 100% solaire au monde (et certifié Green Globe) par exemple, se trouve... à Madagascar. Quel point commun entre ces entreprises? C’est nul doute leur engagement dans l’éco-innovation. Un tel engagement implique des investissements et des coûts. Comment les entreprises malgaches gagneront-elles alors à adopter une telle stratégie d’innovation environnementale? L’entreprise, acteur stratégique de l’économie verte Si l’on retient une définition, l’innovation environnementale serait l’ensemble de process d’entreprises, de produits et services nouveaux ou inventifs qui réduisent les nuisances écologiques (Mothe et al., 2015, De Marchi, 2012). Dans les pratiques des entreprises, à Madagascar comme dans d’autres pays, les mesures de prévention des risques environnementaux sont préférées aux coûts de réparation et de compensation ex post. En effet, le principe pollueur-payeur incite les entreprises à anticiper tout effet nuisible de leurs activités, du fait de la lourdeur des frais d’indemnisation et de dédommagement en cas de préjudices écologiques. L’adage « Mieux vaut prévenir que guérir » prend ici tout son sens, car les dommages et intérêts à payer par l’entreprise polluante se chiffrent à plusieurs millions d’US dollars en cas de pollution marine ou littorale, par exemple. En outre, l’engagement volontaire dans l’économie verte procure des avantages concurrentiels certains en améliorant l’image et la confiance pour l’entreprise « responsable ». Dans les faits, nombre de certifications ecocert (ISO), de labellisation HOREB (Hygiène, Organisation et Restauration de l’Environnement et de la Biodiversité), contribuent à une notoriété certaine et à une valeur ajoutée des activités. À Madagascar, des entreprises innovantes ont commencé à déployer toute une panoplie de politiques de Responsabilité sociale d’entreprise (RSE) ou de développement durable, axées sur l’environnement, ainsi que d’autres stratégies de réduction de l’empreinte environnementale et d’émission de gaz à effet de serre ou de CO2. Les Principes de l’Équateur posent une condition sine qua none de respect des standards environnementaux (e.g. les émissions ne doivent pas excéder 100 000 tonnes d’équivalent CO2) des bailleurs financiers pour un financement de projets industriels supérieurs à 100 millions d’US dollars. À cet effet, les entreprises minières implantées dans l’île déploient un certain nombre d’innovations environnementales de pipeline dans les Programmes de gestion environnementale. Mais c’est loin d’être un hasard. Il est démontré que l’innovation environnementale comporte de véritables opportunités de croissance durable pour les entreprises face à des pressions environnementales croissantes, les ressources naturelles n’étant pas intarissables. L’on distingue alors deux catégories d’entreprises dans ce contexte d’innovation environnementale. D’une part, des entreprises introduisent en amont un process à technologies innovatrices avec des gains écologiques à diverses étapes de production, par exemple dans l’usage économique de matériaux ou d’énergie par unité de produit, d’intrants ou eaux recyclés… Cela se traduit en pratique par l’introduction de technologies dites « propres » (green technologies) dans le process de production ou durant le cycle de vie du produit, notamment dans le design, la production, l’approvisionnement, l’utilisation et l’élimination. D’autre part, des firmes se positionnent en aval sur le marché des produits éco-innovants, en véhiculant des bénéfices environnementaux pour les consommateurs de plus en plus sensibles aux causes écologiques. Pour rester compétitives, des entreprises développent et proposent des produits écologiquement innovants dans une stratégie de différenciation sur le marché. Des entreprises malgaches sont identifiées dans l’une ou l’autre de ces catégories. Quand Guanomad adopte le slogan « Ho maitso ny tontolo », cela reflète toute la portée de ses activités « innovantes » d’extraction, et de vente de fertilisants naturels à base de guano de chauves-souris et de semences biologiques. Ce produit guano, formé par la fossilisation des excréments de ces mammifères, très nombreux dans les grottes calcaires de l’Ouest malgache, est utilisé comme base d’engrais naturel dans la filière d’agriculture biologique. De bonnes pratiques agro-écologiques sont aussi observées pour les PME, comme celles de l’entreprise Faly Export avec l’usage réduit ou nul de pesticides, le compostage,… dans sa mise en œuvre du référentiel HOREB pour ses activités de production de litchis et de légumes biologiques dans la région Atsinanana. Les contraintes de l’innovation environnementale Les débats demeurent contradictoires quant aux blocages des entreprises. L’innovation environnementale reste coûteuse et complexe pour les entreprises selon certains analystes (Porter et Van der Linde, 1995). Pour d’autres, les blocages dans l’adoption d’innovation environnementale par les entreprises, ne sont pas toujours d’ordre financier, car elle relève souvent de la perception et du bon sens de management des dirigeants et de l’entreprise (Ghisetti et al.,2015). Des résultats et constats marquants sont cependant observés dans les pratiques d’entreprises à Madagascar. Les entreprises malgaches ne disposent pas encore d’organisation assez flexible à toute innovation; la faible capacité d’absorption des nouvelles technologies (vertes ou propres) peut ainsi représenter un obstacle. Gérer suffisamment les compétences et savoir-faire dans le domaine technologique éco-innovant est aussi important. Mais c’est un défi important à Madagascar car la capitalisation des connaissances et la maîtrise de ces technologies vertes sont encore limitées dans les entreprises malgaches et dans la formation professionnelle du pays. Toutefois, il ne s’agit pas forcément des innovations hautement technologiques, bien qu’il soit nécessaire de maîtriser certains process. De multiples savoir-faire locaux simples existent, ainsi que des ressources et connaissances endogènes bien utiles pour produire bio par exemple. Enfin, le marché malgache de produits écologiques est encore peu développé, en raison de la faiblesse de l’offre, mais surtout de la demande. La demand-pull est à considérer bien plus que la technology-push. D’autant plus que la promotion de la production et de la consommation éco-responsables demeure aussi insuffisante à Madagascar pour booster ce marché. L’innovation environnementale dans les entreprises : des enjeux nationaux ? Les retombées de l’économie verte et le bien-être environnemental ne profitent pas uniquement aux consommateurs et à la clientèle qui achètent les produits bio. L’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, dont les populations et communautés locales, voire les générations futures, en sera bénéficiaire. Dans le baromètre des entreprises de l’Agence Facto Saatchi & Saatchi et ATW Consultants de 2018, les cinq premières entreprises malgaches sur deux cent quinze étudiées qui manifestent le plus de performance, et de réputation auprès des parties prenantes, sont aussi spécifiquement celles qui ont adopté le plus d’innovations environnementales (Socobis, Chocolaterie Robert, Socolait, Savonnerie Tropicale, Tiko, Socota).L’on remarque aussi dans ce classement des entreprises comme Star, ou des firmes de la grande distribution qui entament ces derniers temps des stratégies d’innovation écologique, comme le recyclage d’emballages, de bouteilles, de plastiques…(Kopakelatra). Le retour sur investissements des entreprises écoinnovantes est assuré, mais à plus long terme, car il n’y a compensation des coûts technologiques et de recherchedéveloppement éco-innovants que sur une longue période. Les politiques publiques doivent être ainsi incitatives pour les entreprises malgaches qui s’engagent dans l’économie verte, soit en termes de fiscalité écologique (TVA à taux réduit pour les produits verts ou déductions fiscales pour les entreprises, par exemple), de subventions financières, ou de facilités de crédit aux investissements dans ce secteur. La 4e Révolution industrielle à laquelle nous assistons est celle des bio-industries ou éco-industries. C’est un évènement universel, mais la réduction des effets nocifs des activités économiques dans l’environnement est capitale dans les termes des Accords de Rio de 1992 ou du Protocole de Kyoto, en passant par la Conférence des Parties (COP) et l’ODD de 2015. Étant concerné par la préservation de son environnement et de sa biodiversité d’une part, et par les risques de changement climatique d’autre part, Madagascar n’est pas en reste dans ce mouvement «écologique»…. Une note d’espoir pour les générations futures ! Cela se traduit déjà par les participations actives du pays aux négociations internationales; mais surtout par le début d’engagement remarquable d’entreprises locales dans l’économie verte. Cahier du management par ISCAM en collaboration avec l’Express de Madagascar.
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