Cour spéciale sur la délinquance économique - Le Bianco pris de court


L’organe de lutte contre la corruption reconnait ne pas avoir eu vent du projet de loi sur la Cour spéciale en matière de délinquance économique. Un imbroglio juridique est à craindre. Devant le fait accompli. Lors du dernier conseil des ministres de jeudi, l’Exécutif a adopté un projet de loi concernant une « Cour spéciale en matière de délinquance économique, financière et fiscale », présenté par « la présidence », selon le commu­niqué rapportant les grandes lignes de la réunion. Faisant partie d’un comité cogitant sur un avant-projet de loi, visiblement, similaire au texte émanent d’Iavoloha, le Bureau indépendant anti-corruption (BIANCO), avoue être pris de court. C’est en marge d’une signature de convention sur la transparence des concours d’entrée à la douane, à Antaninarenina, vendredi dernier, qu’un responsable au sein du Bureau d’Ambo­hidahy a reconnu ne pas être au fait du projet de loi adopté par l’Exécutif. Un aveu con­firmé par un autre responsable au sein de l’organe anti-corruption, lors d’un entretien téléphonique, hier. « Si je ne me trompe pas, ce projet de loi a été adopté, jeudi. Donc, le même jour que celui où les membres du comité d’élaboration ont présenté les lignes de l’avant-projet de loi concernant les pôles anti-corruption (PAC). Au BIANCO, nous n’avons été informés de ce projet de l’Exécutif que par le biais de la presse. Cela m’étonne car les deux textes concernent des domaines similaires », déclare ce dernier. Imbroglio Dans l’optique d’intensifier la lutte contre la corruption, notamment, le comité technique de la stratégie nationale de lutte contre la corruption concocte un avant-projet de loi sur des pôles anti-corruption. Outre le BIANCO, le ministère de la Justice, le Comité pour la sauvegarde de l’intégrité et le Service de renseignement financier (SAMIFIN), composent cette entité. Au-delà des faits de corruption, les PAC devraient, aussi, être compétents sur d’autres trafics illicites et des questions ayant trait aux délinquances financières. Jusqu’ici, les détails du projet de loi sur la Cour spéciale en matière de délinquance économique, financière et fiscale ne sont pas communiqués. Si l’on s’en tient à la dénomination communiquée par le conseil des ministres, le risque que cette juridiction et les PAC se disputent des plates-bandes n’est pas à écarter. « Jusqu’ici, je n’ai aucune information sur le contenu du texte, mais il semble que les deux juridictions pourraient traiter des mêmes délits », affirme la source au sein du Bianco, jointe au téléphone. Selon ses explications, l’avant-projet de loi prévoit que les PAC soient compétentes sur des infractions spécifiques relatives à l’impôt, la douane, « si les conséquences de l’infraction sont importantes ». Contactés, ni le ministère de la Justice, ni le CSI n’ont souhaité s’exprimer sur le sujet. Le Samifin, autre membre du comité technique a été injoignable. En tant que membre de l’Exécutif, le garde des sceaux devrait, pourtant, être au fait de la teneur du texte adopté, jeudi dernier. En attendant de connaître les détails du projet de loi de la présidence, la source au sein du Bureau d’Ambo­hibao n’écarte pas le risque d’un imbroglio juridique. « Nul n’a intérêt à avoir des textes contradictoires, surtout, concernant un sujet aussi sensible que la délinquance financière », ajoute-t-il, toutefois. Face à l’insistance pressante des partenaires internationaux sur la nécessité de mater la corruption et les infractions économiques, l’initiative de la présidence de la République pourrait s’expliquer par une volonté d’affirmer sa détermination politique. La démarche d’Iavoloha risque, cependant, d’entrainer une confusion. Lors d’un atelier d’échange avec la presse, le 26 mai dernier, Nancy Langston, experte américaine en matière de corruption et de lutte contre le blanchiment d’argent a soutenu qu’« un système légal clair et efficace, avec des organes efficients sont les clés pour lutter contre ces fléaux ». La source au sein du Bianco suggère : « Comme les deux textes ne sont pas encore entre les mains du Parlement, les combiner pourrait être une solution. L’avant-projet de loi sur les PAC découle d’une large consultation ». Avec l’adoption de son projet de loi, l’Exécutif a, néanmoins, pris de l’avance et pourrait faire cavalier seul. Garry Fabrice Ranaivoson
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