«Seule la paix est sainte»


Khojas nizarites ou Bohras tayyibites, enracinés dans le Gujerat indien, les Chiites ismaili sont au nombre de 15 millions répartis dans 25 pays. À l’instar des Catholiques que dirige un Pape, les Chiites ismaili constituent la «seule communauté musulmane à avoir été dirigée tout au long de l’histoire par un imam descendant directement du Prophète». L’actuel imam, Aga Khan IV, est né en 1936 en Suisse, avant d’être intronisé en 1957, succédant à son grand-père. À la tête d’une fortune évaluée à 10 milliards d’euros, l’Aga Khan est un philanthrope engagé dans des actions sociales, éducatives et de développement dans les pays du Tiers-Monde : l’Aga Khan Development Network, qui emploie 80.000 personnes dans 30 pays, opère à Madagascar via l’Organisation de Soutien pour le Développement Rural à Madagascar, dont le siège est à Faravohitra, et qui oeuvre depuis 2005 dans la région Sofia, avec une antenne locale à Antsohihy. Contrairement à la caricature de l’islamiste patibulaire en tunique moyen-âgeuse, l’Aga Khan, représentant de l’imamat ismaili, institution vieille de 1400 ans, présente un visage plus séculier (études à Harvard, entretien d’une célèbre écurie hippique, à la tête d’une fondation pour la sauvegarde du domaine et du château de Chantilly en France) et moins inquiétant du Musulman. L’aga Khan IV a été fait citoyen canadien d’honneur en 2009, titre qu’il partage avec Raoul Wallenberg (diplomate suédois en poste à Budapest, de juillet 1944 à janvier 1945, et qui a sauvé des milliers de Juifs hongrois, en leur délivrant 9000 passeports, également citoyens d’honneur des États-Unis depuis 1981), le leader sud-africain Nelson Mandela, le 14e Dalaï-Lama Tenzin Gyatso, Aung San Suu kyi (la dirigeante brimane longtemps emprisonnée par la junte militaire, Prix Nobel de la paix en 1991), et Malala Yousafzai (la jeune militante pakistanaise, qui aura 20 ans en juillet 2017, après avoir survécu à un attentat perpétré par les Talibans qui refusent aux filles l’accès à l’instruction et la culture, prix Nobel 2014). Le 27 février 2014, celui qui avait pu dire que le «choc des civilisations est en fait un choc des ignorances», prononça un discours devant les deux Chambres du Parlement canadien. Il y rappela un «principe islamique millénaire» : élimination de la pauvreté, accès à l’éducation, paix sociale et pluralisme. «Les chiites ismaili, disait-il, croient à la puissance transformatrice de l’intelligence humaine, une conviction que souligne l’engagement considérable du Réseau Aga Khan dans le domaine de l’éducation». Comme en écho, le 28 avril 2017, trois semaines après les attentats contre des églises de la minorité chrétienne copte d’Égypte, le Pape François prononça un discours, à l’université al-Azhar du Caire : «la recherche du savoir et la valeur de l’instruction ont été des choix féconds de développement réalisés par les habitants de cette terre. Ce sont également des choix nécessaires pour l’avenir, car il n’y aura pas de paix sans une éducation adéquate des jeunes générations». «L’unique alternative à la civilisation de la rencontre, c’est la barbarie de la confrontation», continua le Pape avant de conclure que «seule la paix est sainte». Post-scriptum : Malheureusement, la face la plus fréquemment visible de l’Islam demeure l’intolérance rigoriste. Le 14 avril 2017, à Kuala Lumpur (Malaisie), une jeune fille de 12 ans avait été exclue d’un tournoi scolaire de jeux d’échecs parce que les organisateurs avaient jugé sa robe «provocante». C’est sûr, une robe à manches courtes, même si elle recouvre sagement les genoux, n’est pas un niqab. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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