La patrie ou la mort...


Comme si tout l’univers s’était tut pour respecter toute sa tristesse. De loin, sans entendre les mots qu’elle essayait de gémir on pouvait sentir à quel point elle avait mal. Penchée pour mieux lui dire en face, elle criait sa colère à l’effigie de cet homme. Son mari ? Son frère ? Son amant ? Son compagnon ? Telle une trombe d’eaux, ses larmes coulèrent jusqu’au point où, de tout son corps, elle tomba de peine. Fort heureusement, des personnes ont pu la retenir. La retenir, oui; ses douleurs, non. Au même moment, à quelques mètres de là, l’ancien Président du Ghana JJ Rawlings tenait son discours pour rendre hommage à ces hommes tombés ici. L’un d’eux, cet homme que cette femme pleurait de toute son âme. Un parmi les 12 compagnons du capitaine Thomas Sankara qui ont été assassiné ici le 15 Octobre 1987. A quelques pas également, un palier jonché de nombreux bouquets de fleurs. Là, à cet endroit précis, les balles ont déchiqueté son corps. Ce jour, 02 mars 2019, pour la première fois depuis trente-deux ans, le site du « Conseil de l’Entente » a été ouvert. Après les événements tragiques de 1987, les lieux ont été fermés. Ceux qui y ont été amenés n’y ressortirent jamais. D’innombrables meurtres et tortures ont été perpétrés dans le plus grand des silences à cet endroit. Pour preuves, ces tombes, ces débris humains ici et là. Les corps du Capitane et de ses camarades sont quant à eux restent irretrouvables jusqu’à maintenant. Les derniers tests ADN sur les restes qui devaient être les leurs démontrent que ce fut un grand théâtre de pacotille. On pouvait enfin entrer dans ce bâtiment où un espoir de l’Afrique a été assassiné sur l’autel de la traitrise et du néocolonialisme. La peur, la peine, la pitié mais également la rage, l’horreur se faisaient ressentir. Dans chaque pièce, il y avait du monde mais le silence marquait la communion de tous les présents (âmes et les vivants). Quelques heures auparavant, le même Président JJ Rawlings se tenait devant la statue géante de Sankara qui a été dévoilée pour lancer le chantier du mémorial en son honneur. Des poings se dressèrent, petits et grands, hommes et femmes comme une chorale synchrone réagissaient mot pour mot au discours enregistré du Capitaine. « A bas ! A bas ! A bas ! ». Certains connaissent chaque phrase par cœur et en font la récitation très fièrement. D’une seule voix, la foule rugit « la patrie ou la mort, nous vaincrons !». L’émotion était palpable. Tant de symbole, tant de fierté. Et nous, qui honorons-nous de la sorte? Avons-nous des figures dont nous connaissons encore les discours, les mots, les idéologies ? Eduquons-nous nos enfants à tant de fierté au point de pouvoir réciter quelques paragraphes phares malgré leur jeune âge ? Sankara avait une affection particulière pour Madagascar. Son ami très proche, Sennen Adriamirado était Malagasy. Mais que savons-nous de lui ? Qu’enseigne-t-on à nos jeunes, nos enfants sur la contribution de notre pays, notre culture sur l’édification de cet homme, de ses idéologies et de sa vision de liberté et de panafricanisme ? La réponse est simple : rien ! Il n’est pas encore trop tard.
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