MONNAIE - Des banques primaires en quête de liquidité


La Banque Centrale a toujours voulu contenir l’envolée inflationniste par l’élasticité des corridors de ses taux d’intérêt. Un mal nécessaire à l’effet boomerang, qui appauvrit les banques commerciales. Du souci à se faire. À peine installé dans son douillet fauteuil de gouverneur de la Banque Centrale, Aivo Andrianarivelo doit déjà gérer une délicate situation. Presque ubuesque. «  Les banques commerciales ont manifesté leurs préoccupations sur la disponibilité suffisante de liquidité et appellent la Banque Centrale à un dialogue constructif pour discuter du niveau de ses taux directeurs de refinancement », laissent entendre des observateurs avertis des fluctuations monétaires, aux oreilles fines, ayant eu vent de discussions en aparté, en marge de la prestation de serment du nouveau gouverneur de la Banque Centrale vendredi, à la Cour suprême. Les banques primaires présentes sur le marché financier du pays admettent « qu’elles sont conscientes que les mesures prises par la Banque Centrale visaient à contenir l’inflation, par ses décisions de politiques monétaires, pas moins de trois fois l’an passé, mais elles sollicitent l’autorité monétaire à une approche inclusive pour qu'il y ait une amorce de détente sur ces taux ». Pour ne pas dire sur ces étaux. «  Elles émettent le souhait que la liquidité soit à nouveau au rendez-vous de façon à ce qu'elles puissent continuer à accompagner la consommation et à contribuer à la lutte contre une inflation importée avec une devise plus forte », formule Alexandre Mey, vice-président de l’Association professionnelle des banques, à l’issue de la consécration du nouveau gouverneur de la Banque Centrale. Dans la configuration actuelle schématisée le 8 octobre, « le taux des facilités de prêt marginal, soit, pour simplifier, le taux d'intérêt que les banques commerciales doivent payer si elles empruntent auprès de la Banque Centrale pour une durée de vingt quatre heures généralement, n’a pas cessé d’augmenter. Ce taux est passé de 7,2% en novembre 2021 à 8,9% en aout 2022 et à 10,10% en octobre. Cet ajustement était destiné à dissuader les banques commerciales d'emprunter de l’argent auprès de la Banque Centrale, une procédure à laquelle elles ont souvent recours en cas de besoin de refinancement ». Il a été constaté que ces outils financiers activés par la Banque Centrale n’ont pas eu l’effet escompté sur les dérives inflationnistes. Le taux d’inflation, en glissement annuel pour 2022, a été estimé par les bailleurs de fonds aux alentours de 9%. Facteurs exogènes Le ressenti dans les foyers à faible revenu est encore plus pénible que ces théoriques 9%. Mais il s’agit aussi d’un phénomène mondial. Pire que le coronavirus. Provoqué par des facteurs exogènes que Madagascar ne peut maîtriser. Comme la majoration exponentielle des prix des conteneurs ou l’ascension fulgurante des coûts et frets maritimes. Qui ont eu des effets dévastateurs sur les échanges commerciaux. D’où cette nouvelle philosophie d’encourager les mérites de la production et de la consommation nationales. Une autre interrogation se pose sur l’efficacité de ces instruments orchestrés par la Banque Centrale. Dans un pays où l’économie « vit » par les activités d’un secteur informel florissant, un circuit financier parallèle prospère et tentaculaire s’instaure, échappant à tout contrôle, ignore ces « manipulations financières », si l’on peut dire, de la Banque Centrale. Une masse monétaire importante se prélasse dans des bas de laine et refuse de rejoindre la valeur refuge des comptes bancaires habituels. Ici, l’image trop bourgeoise de ces établissements bien agencés, avec aux comptoirs de jolies femmes ou des garçons tirés à quatre épingle, serait à revoir. De telles devantures dissuadent une partie des citoyens à les fréquenter. Ceux qui détiennent des liasses de billets dans leur « malabary ». Une autre réalité indéniable. La lecture des bilans des banques commerciales publiés dans les journaux, avalisés par des experts-comptables agréés, aboutit à des résultats d’exploitation plus que satisfaisants. D’un exercice à l’autre, de nettes progressions ont été enregistrées. Face à tant de complications, «  les responsables des banques commerciales entendent vouloir demander une audience auprès du nouveau gouverneur de la Banque Centrale pour connaitre la position de ce dernier sur le sujet. Ils veulent avoir des précisions. Savoir si celui-ci va poursuivre, ou non, la politique monétaire qui a été appliquée ces derniers mois ». Leur chef de file, Alexandre Mey temporise : « Nous sommes partisans de quelques aménagements et de quelques évolutions adaptées pour faire revivre et redresser l’économie du pays. » En clair, les banques primaires ont besoin de liquidités pour financer la relance économique. Par l’octroi de crédits aux projets fiables. Alors que la Banque Centrale, par une attitude prudentielle, restreint un peu cet espace d’expression monétaire. D’où ce conflit d’intérêts à négocier avec doigté.  
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