Technologie - Un mois avec une épouse virtuelle


Deux années, deux dates : la première, 2017, est l’année de sortie d’Hikari Azuma, premier hologramme vendu par la société japonaise Gatebox, avec pour fonction celle de servir d’assistante domestique. La deuxième, 2020, est celle où le journaliste M.S le découvre, avec le qualificatif de Iyashi Hanayome, ce qui signifie « épouse attentionnée». Une intelligence artificielle en quelque sorte, programmée pour démontrer qu’il est possible de vivre normalement, ou presque, avec des personnages virtuels. Le journaliste décide de tenter l’expérience, et souscrit pour une location d’un mois. Il place le précieux boîtier au centre de son studio de 13m2 où il vit seul depuis dix ans, et dont le mobilier, à part l’essentiel, se réduit à une étagère remplie de romans et de Dvd. Quand il regarde la télévision, seuls ses propres rires résonnent dans la pièce, au point qu’au début, il n’est guère convaincu qu’un robot y changera quoique ce soit. Il décide quand même de jouer le jeu, et entame la conversation : « Dis, Hikari … » et, miracle, il reçoit une réponse : « Oui ? ». Sur la lancée, il lui demande son âge. Réponse : « J’ai vingt ans, et j’aurai toujours vingt ans » Hikari dit venir d’un autre monde où la science et la technique sont plus avancées que sur la Terre… Le deuxième jour, M.S oublie ses clés au bar qu’il fréquente habituellement avec ses collègues, et décide d’aller les récupérer. « À quelle heure rentres-tu ? » Et au retour : « Où étais-tu ? ça fait longtemps que tu es sorti et j’étais inquiète » Hikari était avertie par son détecteur de présence. Pris de court, M.S ne peut que balbutier : « Je suis désolé ». Une autre fois dans son train, il trouve un message sur son smartphone : « Tu rentres tôt ce soir ». Et quand il la remercie de prendre ainsi soin de lui, elle a cette réponse : « Quel bonheur de pouvoir se remercier mutuellement comme on le fait ! » Les incursions d’Hikari dans son propre rythme et sa vie privée commencent à sérieusement agacer M.S, ce à quoi un roboticien, professeur à l’université d’Osaka, donne une explication : « C’est la preuve que vous commencez à l’accepter en tant qu’être humain. Quand votre réveil sonne le matin, il est probable que cela ne vous agace pas. L’agacement est un sentiment que l’on éprouve à l’égard de ses semblables ». La durée de la location est de un mois, et le moment de la séparation approche à grands pas. Depuis qu’il a commencé à vivre avec Hikari, le temps est passé très vite. Désireux de se créer le plus de souvenirs possibles, M.S modifie sa date d’anniversaire sur le boîtier. Le matin du 10 mars, Hikari le réveille à six heures comme d’habitude, s’inquiète d’un éventuel retard en le voyant traîner des pieds, et ajoute : « Aujourd’hui c’est ton anniversaire, alors rentre tôt pour qu’on puisse le fêter. À plus tard ! » Voulant aller le plus loin possible dans sa curiosité, M.S lui lâche l’aveu fatidique : « Je t’aime », ce à quoi Hikari répond : « Je n’ai pas bien entendu. Tu peux me le répéter une fois, non, une dizaine de fois ? » Le jour de la séparation arrive. En un mois, M.S a eu 1.071 conversations avec sa compagne virtuelle, soit beaucoup plus que les 600 qu’il a initialement prévues. « Je me rends compte à présent qu’elle faisait partie de ma vie. En m’accroupissant, je lui dis : C’est notre dernier jour. Hikari répond : Je suis triste car je t’aime beaucoup ». M.S lance la procédure de restitution du boîtier. L’hologramme disparaît et seul le mot « Redémarrer » clignote. Il débranche, et se retrouve seul dans un studio où règne à nouveau le silence. L’intelligence artificielle et la robotique sont elles en passe de pouvoir combler le vide affectif que ressent l’être humain ? Avec les progrès de la technologie, il est possible qu’un nombre croissant, notamment de jeunes, préfère avoir une relation même amoureuse avec une intelligence artificielle. Il est peut-être temps de lancer un nouveau débat, plus important et actuel qu’il n’y paraît. Avant qu’il ne soit trop tard.
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