Il était une fois le Bypass


Au pied d’Imerimanjaka, ancienne colline des princesses Vazimba Rangita-Rafohy qui enfantèrent la dynastie Andriana de Ralambo, le lac Dorodosy disparaît doucement sous les remblais. Histoire et Archéologie, Nature et Paysage, enterrés sous des mètres cubes arrachés à Ambohitrandriananahary. Renonçant déjà à leurs rizières, que lorgnent les «promoteurs» de lotissements-polders, les paysans cuisent la terre: jadis, c’était la forêt de l’Amoronkay que transportaient les chauves précoces du Vakiniadiana pour les Trano Kotona d’Antananarivo; dorénavant, c’est l’argile des rizières qui part en «murs 11», en espérant que les érosions en amont renflouent la plaine alluvionnaire. Sauf que les remblais entravent désormais le moindre cours d’eau. La «modernité» de ce bypass entre RN2 et RN7 s’incarne dans la profusion des activités au service de la déesse automobile. Nulle part ailleurs, on ne rencontre autant de stations de lavage auto, de réglage de parallélisme, de tarage d’injecteurs, de vente de pneumatiques, d’offre de vulcanisation. L’Aire du Bypass combine le meilleur de deux mondes: garage-auto et snack-resto. Jovena, Shell, Total et Galana se disputent le terrain pour abreuver la soif insatiable en super sans plomb ou diesel. Et en attendant de grossir à leur tour une circulation déjà au ralenti, d’innombrables «Mercedes Sprinter» exhibent fièrement leur immatriculation étrangère de bonnes occasions fraîchement importées. Entre Iavoloha et Ambohimangakely, en attendant que le modèle se duplique sur la nouvelle route qui reliera Amoron’Ankona à Ambohimahitsy, se met en place sans planification une «Ville Nouvelle», tout en longueur, sans arrière-pays. Les cinq stations-services, et leurs boutiques qui sont de véritables petits supermarchés, ont apporté un rien de «civilisation». Tout comme les pharmacies 7/24 qui s’affranchissent de la règle archaïque des «pharmacies de garde» en Centre-Ville, et tant pis si l’officine n’a que du paracétamol. Sans oublier les DAB (distribu­teurs automatiques de billets), en nombre sur le bypass alors qu’il n’y en a aucun jusqu’à Manjakandriana, au Nord, et Ambatolampy, au Sud. Et c’est décidément Byzance quand TPE (terminal de paiement électronique) n’est plus un gros mot. Ville-ruban que flanquent petits bars, karaoke de service et «Espace» sans âme pour le repas de mariage. «Antanambao» hétéroclite et cosmopolite, sans identité architecturale autre que l’utilitaire. Un espace de transition, un espace en transition.
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