Chauvinisme insulaire


Champion du monde. C’était le minima attendu à ces 46e championnats du monde de pétanque organisés à Antana­narivo (du 1er au 4 décembre 2016). Il faut, cependant, concéder que le sacre fut moins souverain que prévu, surtout que Madagascar ne se sera pas mesuré à la France en finale. Quoi qu’on dise, en effet, ces championnats du monde sont présidés par une fédération internationale dite «de pétanque et jeu provençal». Il a bien fallu, pour qu’un jeu provençal (ou que la langue française de la Franco­phonie), entre dans nos moeurs, une familiarité intime avec l’Étranger. Seul sport où nous excellons au plus haut niveau, la pétanque n’est pas une discipline olympique et en faire le plaidoyer, voilà notre prochain axe international. Mais, avec des outils plus conqué­rants que les faibles moyens de la TVM, en couverture des mondiaux de pétanque, avec des images n’emplissant même pas la définition HD de Canal+. Le Sommet de la Francophonie (26 et 27 novem­bre 2016) fut un summum diplomatique, surtout avec la présence des présidents français et suisse ou du Premier Ministre canadien. Mais, si la Francophonie recense surtout les anciennes «AOF» (Afrique occidentale française) et «AEF» (Afrique équatoriale française), aux Championnats du monde de pétanque, nous avions le monde entier : l’Europe (Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, France, Italie, Lettonie, Luxembourg, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Russie, Slovaquie, Suède, Suisse, Tchéquie) ; l’Asie du Sud-Est (Cambodge, Malaisie, Indonésie, Thaïlande) ; l’Asie-Pacifique (Chine, Japon, Taipei) ; le Moyen-Orient (Israël, Turquie) ; les Amériques (Canada, États-Unis) ; l’Océanie (Nouvelle-Calédonie) ; l’Afrique noire francophone (Bénin, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Guinée, Niger, Sénégal, Tchad) ; le Maghreb (Tunisie, Mauritanie). Déjà, du 17 au 20 mars 2016, Madagascar avait accueilli une autre rencontre internationale, la foire commerciale «Asie-Océan Indien» avec, outre les autres îles de l’Indianocéanie, la Birmanie, le Cambodge, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indo­nésie, le Japon, le Laos, la Malaisie, le Pakistan, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Tant de visiteurs inédits qui pourraient devenir les ambassadeurs de notre «exception culturelle» si au moins nous avions une communication avec le pays en ce sens. À l’instar du pavillon Vietnam au «Village de la Francophonie» où le pays de Hô Chi Minh a valorisé sa Culture, à travers son histoire royale méconnue (non, le Vietnam n’est pas que Dien Bien Phu) et sa liste d’arts ou de paysages exception­nels inscrits au patrimoine culturel imma­tériel de l’UNESCO. Dans la Chronique («L’impossible scène unique d’une île-mosaïque», 5 novembre 2016), j’avais rêvé d’un «village malgache» avec le fac-similé du diction­naire de Houtman comparant un dialecte de la baie d’Antongil avec le malais dès 1603, le fac-similés de pages de «Sorabe» l’écriture arabico-malgache de la culture antemoro, les sculptures zafimaniry, les vatolahy betsileo, le papier dit antemoro, la richesse de la vannerie, les rizières en terrasses du pays Betsileo. Si le «Village de la Francophonie» avait été ouvert sur son arrière-cour de rizières, qui ne sont jamais plus belles qu’en cette saison, les visiteurs auraient compris combien nous sommes une autre grande aire de riziculture irriguée, si loin de l’Asie. Madagascar subit la paresse géographique des bailleurs de fonds et son image disparaît derrière un générique qui n’est pas le sien. Avec l’endémisme de sa faune (depuis le minuscule microcèbe pygmée, le plus petit primate au monde, jusqu’à l’Indri, le plus grand des lémuriens vivants, et les 60 sortes de lémuriens visibles uniquement à Madagascar ; les 115 espèces d’oiseaux ; les 270 espèces de grenouilles ; les 150 espèces de caméléons) ou de sa flore (Madagascar compte plus de 1000 espèces d’orchidées, dont 85% sont endémiques et abrite sept des neuf espèces de baobab connues dans le monde, dont six espèces sont endémiques de l’île), la Grande île serait même le septième continent avec un peu plus d’ambition d’exister parce que différente. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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