Game of Drôles


Dans un monde issu de l'imagination de George R.R. Martin, les rois se font et se défont au gré des caprices de la volonté de puissance. Dans cet univers où l'aspiration ultime des protagonistes est cristallisée dans un trône de fer, le mot majesté a perdu de sa superbe, vulgarisé par les différents rois autoproclamés. Ces derniers mois, le mot président n'a jamais été aussi désacralisé par ceux qui se voient déjà s'approprier les bureaux d'Iavoloha mille fois plus confortables que le trône de fer du Donjon rouge de Port-réal. À J- des poussières du grand dilemme et à l'approche de l'épilogue des deux années de torture que nous a fait subir la longue attente de l'ultime saison de Game of Thrones, voyons à l'aune des protagonistes de Westeros la typologie de nos acteurs politiques. Des utopies qui peuplent le monde de nos fantasmes, il y a un rêve qui a la vie dure: celui de la figure du sauveur incorruptible, blanc comme neige. Game of Thrones nous rappelle que Dans le jeu de pouvoir, l'honnêteté est nocive: quand le poison de la politique s'infiltre, la probité, au lieu d'agir comme un antidote, devient une vertu mortelle. Opposé à la fourberie, aux complots des stratèges dont le sens moral est diamétralement opposé au sien, le malheureux Eddard Stark, attaché à ses principes, a payé de sa vie sa stricte observance des lois, des impératifs moraux de la philosophie kantienne. La probité qui s’incruste dans l’arène politique, c’est un saut vers la fin, c’est avoir en permanence, au-dessus de sa tête, la menace de décapitation à laquelle n’a pas échappé Ned Stark, celui qui, de par son sens de l’honneur inébranlable, arborait le visage du héros au début de la saga. Un homme (ou une femme) réfractaire aux conspira­tions et aux complots, pourtant omniprésents dans l’univers impitoyable de la politique, n’est pas fait pour vivre dans un microcosme aussi pourri. On se rend également compte qu’on joue le jeu des Cersei Lannister dont l’un d’eux semble inéluctablement, selon les apparences, monter sans véritables obstacles les marches du pouvoir et devrait avoir entre les mains les destinées du pays pour au moins les cinq prochaines années. Comme leur alter ego de fiction, dans cette guerre sans merci, ils se laissent guider par leurs pulsions violentes et avancent impulsivement, sans recourir à l’intelligence. Les plus radicalisés de ceux qui les suivent ont fait leur la leçon donnée par Cersei à son fils-neveu Joffrey Baratheon : « Everyone who isn't us is an enemy » (« Tous ceux qui ne sont pas nous sont nos ennemis »). On se perd alors dans une guerre de fanatiques menée par des obsédés hypnotisés par l’éclat du pouvoir qui, une fois obtenu, n’a alors jamais été utilisé dans l’intérêt du peuple. Si le génie du machiavélique (au sens originel du terme) Tyrion Lannister a su faire preuve de virtù (un terme machiavélien qui désigne l’habileté à passer au-dessus des aléas de la mauvaise fortune et dont les innovations apportées permet­tent à l’État de faire face aux différents défis qui se présentent) en étant le cerveau de la victoire, dans des circonstances difficiles, de la bataille de la Néra, un minimum de virtù est largement suffisant pour nous sortir du bourbier dans lequel on s’est empêtrés quand on sait que la fortune, à laquelle le dirigeant est appelé à s’adapter, nous a quand même pourvus d’un fort potentiel économique en nous dotant d’une richesse naturelle incommensurable. Le Prince, selon Machiavel, devrait toujours prioriser l’intérêt général et il peut faire usage de fourberie, de mensonge et de violence quand cet intérêt général le contraint : « Il faut au Prince avoir l’entendement prêt à tourner les vents de fortune… et ne pas s’éloigner du bien, s’il le peut, mais savoir entrer au mal s’il y a nécessité. » (Le Prince, 1532). Jon Snow l’a compris quand il a décapité Janos Slynt. On peut donner au portrait du dirigeant politique idéal le visage de Tyrion Lannister, de Tywin Lannister ou de Daenerys Targaryen. En tout cas, ce n’est malheureusement encore qu’un autre des nombreux personnages qui hantent nos fantasmes. par Fenitra Ratefiarivony
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