Ponction publique


Tout est permis. Cela sentait l’arnaque à pleins gaz mais tout le monde y est allé de bon cœur. Les vieux permis de conduire roses auraient dû être remplacés par un petit modèle biométrique. L’attrape-nigaud a très vite pris. L’engouement a décuplé quand le centre immatriculateur avait annoncé le 31 décembre 2016 comme dernier délai pour faire la formalité. Un multiplicateur d’argent terriblement efficace puisque tout le monde s’est précipité à Ambohidahy dès la nuit tombée pour être les premiers servis et prêts à s’acquitter du droit réclamé pour un document qu’on ne fait que remplacer. Et le montant était peut-être multiplié par soixante puisque s’il fallait payer 1000 ariary pour avoir son permis en 1960, le renouvellement se cédait à 60.000 ariary. Si on estime à cinq millions le nombre de détenteurs du permis de conduire, le calcul donne un joli pactole. Comme par hasard une haute autorité dépose une plainte à la police cette année pour s’être fait voler 62 milliards d’ariary chez lui. On savait très bien qu’avec une vitesse de traitement de quatre cent permis par jour, le centre immatriculateur d’Ambohidahy n’aurait jamais pu finir son travail dans le temps imparti. Pince sans rire, il a prolongé le délai à plusieurs reprises pour finir par ne plus donner de délai du tout. En France le changement entamé en 2013 ne se terminera qu’en 2023. Et c’est avec un cynisme rageant que les responsables du centre immatriculateur annoncent froidement que les permis n’avaient rien de biométrique et qu’il va falloir de nouveau les remplacer. Ailleurs, ils auraient été lynchés. Il faut être vraiment culotté pour oser annoncer une telle supercherie à la presse. Une véritable ponction publique a été faite, un hold-up en douceur avec le consentement des automobilistes et la complicité de l’Etat à travers le ministère de l’Intérieur, initiateur du projet. La Cour des comptes dans son rapport livré à la presse hier a révélé plusieurs irrégularités dans les dépenses de l’Etat, des malversations ou des surfacturations. Voilà une voix qui contredit celle des bailleurs de fonds qui eux constatent une nette amélioration de la gestion du budget et un respect absolu de toutes les recommandations. Cette affaire a un double relent , une forte odeur de corruption et une flagrante extorsion de fonds. On se demande pourquoi les organismes censés devoir contrôler la bonne gouvernance n’ont guère réagi. Outre cette histoire de permis, le transfert de gestion des droits de visa au profit d’un prestataire privé sent également le racket. Tout semble permis, de conduire et de voler dans les règles de l’art au point que ceux qui ont fomenté le coup ont visiblement la conscience tranquille. Pas le moindre mot d’excuse, pas de mea-culpa à l’endroit des contribuables, véritables dindons de la farce, pas d’explication à propos des faux permis biométriques. Reste à savoir si les pauvres contribuables peuvent avoir recours aux juridictions existantes pour poursuivre ces « braqueurs » intelligents. Il faut l’être pour imaginer le coup et mener en bateau des millions de personnes. Pour le commanditaire, il y a de quoi faire une campagne électorale. Il est aussi permis de rêver. Même si le rêve n’est pas biométrique.
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