Mers et océans - Les marées noires, un « écocide »


Maurice a peut-être pu penser que cela n’arrive qu’aux autres Et puis vint le jour où le vraquier japonais Wakoshio échoua sur la barrière corallienne de la Pointe d’Esny au Sud-Est de l’île, à proximité du parc marin de Blue Bay. LE navire était parti de Singapour pour rejoindre le Brésil, une destination qu’il n’atteindra jamais, s’étant littéralement disloqué en deux lors de son naufrage. Les autorités mauriciennes ont quand même pu pomper la plus grande partie de ses hydrocarbures avant de remorquer la proue vers le large pour amoindrir autant que faire se peut encore l’impact. Car les marées noires sont une calamité pour les régions touchées, aussi bien sur le plan écologique qu’économique et sanitaire. Elles perturbent fortement la faune et la flore marine, asphyxient le milieu, et n’épargnent pas le littoral dans leurs œuvres destructrices. L’image la plus parlante des effets d’une marée noire est peut-être celle d’un oiseau de mer totalement mazouté mais encore en vie, immobilisé sur une plage dans son plumage gluant de pétrole et désormais inutile… Le terme de « marée noire » a été inventé par un journaliste du Télégramme de Brest lors du naufrage du Torrey Canyon en 1967. Il désigne une catastrophe écologique et industrielle résultant du déversement en mer, accidentel mais parfois aussi volontaire, d’une quantité importante de pétrole ou de produits pétroliers lourds. La nappe est ensuite déplacée vers les côtes par l’effet des marées, des vents, ou des courants. En observant l’apparence du film d’hydrocarbure et en mesurant son épaisseur, il est possible d’en estimer la quantité par mètre carré. Cette apparence va de l’à peine visible à la couleur sombre, en passant par des reflets argentés et des bandes colorées. Une erreur serait de rejeter toutes les responsabilités sur le transport maritime, puisque les marées noires peuvent tout aussi bien avoir pour origines des déficiences sur des installations de forage en mer, des accidents survenus à des installations en bord de mer, ou encore à des failles constatées dans des conduits comme les pipelines. En 2003, le transport maritime concernait 6 200 millions de tonnes de marchandises, dont près de 2 200 millions étaient des hydrocarbures. Ces cargaisons de produits pétroliers sont arrivées sans incident à destination dans 99,9% des cas. Naufrages Les marées noires sont des évènements à la fois spectaculaires et tragiques qui jalonnent l’histoire de la « civilisation » du pétrole. Entre juin 1979 et mars 1980, quelque 1 500 000 tonnes de brut se sont déversées dans le Golfe du Mexique par une fuite survenue dans la tête d’un puits sous-marin. Le sabotage du terminal pétrolier koweitien de Mina al Ahmad par l’Irak durant la guerre de 1991, ainsi que l’incendie de 732 puits ont provoqué le déversement d’environ 20 millions de tonnes dans le sol et en mer. Parmi les naufrages célèbres on citera ceux de l’Amoco Cadiz en 1978, du Tanio au large de l’île de Batz dans le Finistère en 1980, de l’Erika en 1999, du Prestige en 2002. Le 20 avril 2010, une marée noire est causée par l’explosion de la plateforme pétrolière DeepwaterHorizon exploitée par la British Petroleum au large de la Louisiane et de ses réserves naturelles. La superficie de la nappe atteint 9.000 km2 . Le total déversé est estimé entre 350 et 700 millions de litres. Un autre grave incident répertorié toujours au large de la Louisiane est cette importante fuite s’échappant depuis 2004 d’une ancienne plateforme, et qui n’a toujours pas été colmatée en 2018. La National Oceanic and Atmospheric Administration estimait alors les dégâts à 17 000 litres quotidiens depuis 15 ans. La lutte contre la marée noire de Maurice n’est pas exempte de certains côtés insolites. Une campagne a en effet été lancée par plusieurs associations pour une collecte intensive de … cheveux afin de constituer des boudins anti-pollution. Un kilo de cheveu serait en effet capable d’absorber jusqu’à huit kilos d’hydrocarbure. Les cheveux sont rassemblés dans de longs sacs en tissu qui laissent entrer l’eau et le pétrole. Ces boudins sont ensuite attachés les uns aux autres pour constituer des barrages flottants. Cette technique a été utilisée pour la première fois lors de la catastrophe de la plateforme Deepwater Horizon. Apparemment avec succès, au point que même des salons de coiffure de la Réunion se sont mobilisés pour aider l’île sœur…
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