Conjoncture - Âpres négociations sur les prix du carburant


Cette semaine pourrait être la dernière ligne droite avant de connaître les nouveaux prix du carburant. Avant l’échéance fatidique, de rudes négociations se tiennent toujours entre l’Etat et les pétroliers. Le président de la République est au front. C’est dire que l’heure est grave. Les négociations sur le taux de hausse à appliquer au prix du carburant seraient dures. De sources avisées, l’effectivité des nouveaux tarifs à la pompe ne dépassera pas ce mois de juillet. Dans son édition d’hier, un quotidien de la capitale a même annoncé que les nouveaux tarifs du super sans plomb et du gasoil seront connus cette semaine. Jusqu’aux derniers instants, toutefois, l’Etat ne compte pas lâcher l’affaire, d’après les informations. Au point que Andry Rajoelina, président de la République, serait même monté en frontline pour mener la charge étatique. Le pouvoir veut une hausse graduée et échelonnée sur quelques mois. L’objectif est que le choc de la hausse des prix à la pompe ne soit pas trop brutal pour la population. L’éventualité que la hausse des prix du carburant soit appliquée en ce mois de juillet circulait depuis quelques semaines. La scène de panique chez les automobilistes, le 30 juin, démontre que l’idée d’une hausse des tarifs à la pompe est une source de psychose générale. Pensant que la hausse allait être effective le 1er juillet, les stations-service ont été prises d’assaut, jusqu’au bout de la nuit, par des centaines de véhicules qui voulaient faire le plein. Certains, le week-end d’avant et même quelques heures avant le 1er juillet, avaient même affrété des camions remplis de tonneaux, soit disant pour faire des réserves de carburant. Pour les autorités, il pourrait s’agir d’une intention de faire des reventes sur le marché noir, une fois la hausse des prix effective. Il a alors fallu que l’Office malgache des hydrocarbures (OMH), publie une note interdisant la vente de supercarburant et de gasoil dans des contenants mobiles ayant une capacité supérieure à 25 litres, pour stopper l'hémorragie. Le fait est que le sujet, pourtant inévitable, fait peur. Même Christine Razanamahasoa, présidente de l’Assemblée nationale, a demandé à l’Exécutif qu’il fasse preuve de plus de transparence et soit plus communiquant afin de préparer psychologiquement l’opinion publique. Jusqu’ici, toutefois, aucune communication officielle n’ose aborder franchement la question de la hausse, inéluctable, des tarifs à la pompe. Equation complexe Les chiffres que véhiculent les rumeurs effraient pourtant l’opinion publique. Certains courants parlent de négociation entre 6.200 et 6.700 ariary le litre pour le gasoil. Donc l’essence sera beaucoup plus chère. D’autres affirment que les pétroliers veulent carrément une hausse jusqu’à 9.000 ariary le litre, sans préciser pour quel type de carburant. Déjà tout le monde a en tête les conséquences que ces chiffres auront sur le coût de la vie. Qu’importe le taux, une révision à la hausse du prix du carburant aura des conséquences inflationnistes. Alors que les nouveaux tarifs ne sont pas encore connus, les transporteurs urbains ont déjà brandi la menace de doubler le prix du ticket du Taxibe. De 500 ariary actuellement, ils comptaient appliquer le prix du ticket, ou plutôt de la place et même des strapontins, à nouveau d’actualité, à 1.000 ariary. Une hausse qu’ils annonçaient pour aujourd’hui. Ils se sont, cependant, ravisés au dernier moment. Les transporteurs urbains expliquent ce rétropédalage par l’attente de l’issue des négociations entre l’Etat et les pétroliers, ainsi qu’une décision sur d’éventuelles compensations ou subventions. En marge d’un événement au palais d’Etat de Mahazoarivo, il y a quelques jours, Christian Ntsay, Premier ministre, a déjà expliqué que les questions des compensations faisaient partie des réflexions et des négociations sur la hausse des prix du carburant. Une nouvelle période de subvention des pétroliers pour atténuer le choc d’un énorme bond des prix à la pompe n’est, cependant, pas du goût des bailleurs de fonds. Déjà que l’Etat a eu du mal à s’acquitter de sa dette y afférente, l’année dernière. Il y a, aussi, de l’autre côté, la Jirama qui doit toujours des milliards à ces mêmes pétroliers. L’Etat ne pouvant plus procéder aux réquisitions, en résultent les délestages infernaux de ces dernières semaines. Une autre épine que le pouvoir a du mal à extraire de ses pieds. Dans cette conjoncture difficile, l’Etat est acculé par les réalités du marché mondial, mais doit pourtant tenir compte des conséquences socio-économiques de la hausse du prix du carburant. Tous sont conscients que la situation résulte des ondes de choc de la guerre en Ukraine et des séquelles de crise sanitaire. Seulement, comme l’a souligné Christine Razanamahasoa, l’Etat “doit démontrer à la population qu’elle a des dirigeants sur lesquels elle peut compter», en ces temps compliqués. Il est donc impératif que l’Etat trouve la bonne formule pour résoudre l’équation complexe que lui impose la conjoncture. Déjà, le délestage et les différents scandales crispent la situation sociale. Une hausse brutale du carburant qui emportera dans son sillage le coût de la vie risque d’être explosive. Dans un contexte politique alourdi par l’approche de l’élection présidentielle, certains qui cherchent tous les moyens pour affaiblir le pouvoir, ou ont en tête d’autres fins hors du processus électoral pourraient être tentés d’en profiter pour allumer la mèche.
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