La fin de la faim et la faim de la fin


Les pluies cycloniques n’ont pas que de mauvaises conséquences. Pour le Sud de Madagascar, chaque goutte reste une bénédic­tion. Et quand le ciel déverse sur ces terres la grâce qu’est l’eau, tout est vert. La nature revêt ses plus beaux attraits pour donner un nouveau souffle d’apaisement. La terre produit énormé­ment au point où si l’on tournait à ce moment là les reportages sur la famine dans le Sud, on pourrait penser qu’au fait, c’est la fin de la faim. Secret de polichinelle, le problème du Sud n’est point la faim en soi. La cause fondamentale est l’inefficacité de la gestion de l’eau. Car l’eau, il y en a. La terre est arable. Décrire la situation des projets qui se sont passés dans le Sud serait raconter une vérité de la Palice. Le Sud est un cimetière, une fosse commune, un holocauste de projets de développement. Des millions de dollars depuis plusieurs dizaines d’années pour un résultat plus que choquant. Sans minimiser ce qui s’y passe, l’on doit se poser des questions sur pourquoi cela n’a jamais marché. Et puis, il est temps de faire le procès des responsables car il est bien beau de constater l’échec mais quand on soupçonne que cet échec est prémédité, il faut trouver les coupables. Loin de nous l’idée de faire la chasse aux sorcières, mais quand le monde constate que la grande majorité de la population qui y vivent porte des séquelles à vie, c’est un crime contre l’humanité. L’image de ces enfants, ces grand-mères totalement décharnées sur les reportages internationaux, les commu­nications sur les réseaux sociaux, portent à croire que notre Madagascar est un pays envahi. Au vu des vas-et vient, le nombre de voitures tout-terrain, de consultants étrangers et locaux qui s’y baladent, on peut dire que la communi­cation a fait mouche. L’argent est là. Reste à savoir si, cette fois-ci, les résultats seront au rendez-vous. Car on a faim de la fin. Des choses méritent d’être dites sans détour. Le Sud est devenu un laboratoire pour de nombreuses personnes en quête de bons salaires, de sensations fortes, des belles expériences en « urgence humanitaire » pour un bon curriculum vitae. C’est aussi une manne pour les louer de voiture tout-terrain, des vidéastes en quête d’images-chocs. De gras financements pour les organisations et institutions internationales (et moins pour les organisations nationales). Malheureusement, c’est devenu une spirale de pauvreté mentale pour la population qui se plait finalement à être victime et victimisé. Plusieurs personnes revenant du Sud nous confient leur effroi face à une population dans l’attentisme des dons en nourriture, d'argent et autre « aide ». Pour n’importe quel acte le plus naturel comme discuter, les gens atten­draient qu’on leur donne de l’argent. De l’autre côté, de nombreuses organisations y travaillant ont pour seul objectif d’atteindre des indicateurs sans vraiment comprendre (ou sans vouloir comprendre) qu’il s’y crée une addiction de la population à l’aide facile. Ce serait prétentieux de notre part de rappeler la philosophie du poisson, de la canne à pêche etc. Il serait aussi mal placé pour nous de rappeler ce que Einstein a dit sur le fait que l’on ne peut avoir des résultats différents si on opère les mêmes procédés. On a besoin de voir la fin de la faim. De voir une vraie transparence sur tous les moyens qui sont déversés dans le Sud. Qui y travaille? Quels sont les objectifs? Qui fait le suivi et l’évaluation? Qui coordonne? et surtout, gesticulation à part, quand est-ce que le Sud sera donc sorti de l’auberge.
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