Les colons des Mascareignes jettent leur dévolu sur Madagascar


En ce mois de mars, qui revêt une importance particulière pour la lutte nationaliste, les Notes poursuivent les séries sur les raisons (ou causes) de la colonisation, des insurrections répétées qui ont abouti à l’octroi par la France de l’indépendance politique de la Grande ile. Elles commenceront par faire le point sur la situation respective des étrangers et des Malgaches en 1895. Depuis les traités de 1817-1820, les Européens cherchent à développer leurs actions, surtout économiques, dans la Grande ile. Après 1861, ils accentuent leurs efforts. Le Premier ministre Rainilaiarivony, pour défendre l’intégrité du royaume, s’efforce de le moderniser. « Cet effort de conciliation, facilite finalement la pénétration des influences occidentales dans le pays », écrivent en 1967, les auteurs du livre d’Histoire de Madagascar destiné aux lycéens des classes Terminales. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les commerçants étrangers sont en général des représentants des grandes compagnies européennes, notamment anglaises et françaises et même allemandes, ainsi qu’américaines. Leurs navires finissent par fréquenter de plus en plus les ports importants. « L’essor de la monarchie merina, l’accroissement des besoins de la haute société, ont profité à Tamatave alors que Majunga a beaucoup perdu lors de la suppression de la traite. » En 1895, le Boina (Boeny actuel) exporte surtout des produits de l’élevage sakalava (cuirs et peaux) et de cueillette (raphia et caoutchouc). Nosy Be vend son sucre et sa vanille. « Les commerçants indiens dominent les échanges sur cette fenêtre maritime et s’implantent déjà dans le pays. » Tournée vers les Mascareignes, la façade orientale attire davantage les Européens. Le climat subéquatorial y permet une agriculture tropicale d’exportation. La forêt est toute proche, des pistes fréquentées amènent les bœufs et le riz des Hautes-terres. Mananjary, depuis De Lastelle, est devenu le second port de l’ile devant Mahajanga. La cire, le caoutchouc, la gomme, les bois, le raphia, les vanneries, les peaux, les salaisons y sont embarqués sous la surveillance des services de la Reine, car la fraude est fréquente et s’effectue au préjudice du Trésor du royaume. La haute société contrôle la plus grande part des échanges, les importations montrent le goût, de plus en plus répandu chez les riches, de la mode européenne (vêtements, produits de luxe), « bien qu’elle soit peu adaptée au climat ». La bimbeloterie, les étoffes bon marché, les fripes intéressent le petit peuple. L’alcool continue de pénétrer dans l’ile et la consommation augmente malgré les interdictions et le prix élevé. Parallèlement, le cabotage, très actif autour de l’ile, est difficile à contrôler. Une flottille de barques de toutes sortes trafique de port en port des marchandises très variées. Ce commerce pittoresque s’effectue pour le compte des grandes compagnies ou des particuliers, Malgaches, Indiens ou Créoles. À côté des commerçants, les colons de Maurice et de La Réunion sont toujours attirés par la bordure orientale où leurs aïeux ont trafiqué. L’arrière-pays des ports les tente. Ils s’efforcent par tous les moyens (location, indemnisation, cession, etc.) de créer des plantations. Ils y cultivent la vanille, la canne à sucre, le girofle qui poussent très bien. Ces premières plantations, assez modestes, produisent et exportent. Mais tel qu’il est stipulé dans le Code des 305 articles, l’impossibilité d’acquérir des terres en toute propriété est absolue pour les étrangers. D’ailleurs, le gouvernement d’Antanana­rivo accorde très rarement, et après de multiples démarches, des concessions aux grandes compagnies. Il contrôle « jalousement » l’activité des planteurs. « Les étrangers ne peuvent admettre cette résistance. C’est une soif de terres que Rainilaiarivony s’efforce de contenir. » De surcroît, certains Français restent persuadés que la Grande ile recèle des richesses importantes. Dans son « Histoire et Géographie de Madagascar », Descamps affirme l’existence d’un immense bassin houiller dans la baie d’Ampasindava. Son exploitation doublerait les ressources en charbon de la France. Or, expliquent les auteurs cités plus haut, « la France, au lendemain de la guerre de 1870, a besoin de refaire ses forces. L’ouverture récente du Canal de Suez en 1869, parait providentielle à ces colonialistes ! » C’est ainsi qu’à Paris, les députés de La Réunion, François de Mahy et Brunet, dirigent une campagne très habile en faveur d’une expédition militaire dans l’ile. Ils parviennent à convaincre de nombreux parlementaires, des banquiers, des hommes d’affaires. Quand cette action installe le premier au ministère de la Marine dans le cabinet Fallières en 1883, il décide lui-même cette guerre. En décembre 1885, Rainilaiarivony doit alors « accepter un premier protectorat assez mal défini et concéder des terres aux Français ». D’autres étrangers restent très actifs à Madagascar. Il s’agit des missionnaires européens, anglais et catholiques.
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