Marc Gérard - Représentant résident du FMI : « Il faut faire attention avec l’utilisation de l’argent des retraités de la CNaPS »


Suite et fin de la Facilité élargie de crédit. Le représentant résident du FMI s’exprime sur la suite de la collaboration entre l’institution et les autorités. La sixième revue de la Facilité élargie de crédit vient clôturer le programme. Qu’en est-il de la suite ? Le programme est terminé, nous avons été saisis d’une demande émanant des autorités. Les discussions sont très ouvertes. Sous quelle forme est-ce que nous pouvons rester engagés ? Cela peut être une collaboration où nous fournissons une assistance technique. Cela peut aussi être dans le cadre d’un nouveau programme qui prendrait la suite de ce qui a été terminé mais qui reflèterait au mieux les nouvelles priorités des autorités.  Ce sont les autorités qui définissent leur plan de développement et le FMI voit comment les accompagner. Combien de temps peuvent prendre ces discussions ? L’important n’est pas de satisfaire un certain délai. L’important c’est de se mettre d’accord sur un programme de réforme qui fasse consensus, c’est-à-dire qui reflète les priorités des autorités et que nous considérons être en ligne avec les bonnes pratiques. La volonté de toutes les parties est d’avancer assez rapidement mais que les discussions prennent, un mois, deux mois, six mois, n’a pas d’importance. Ce qui est importe c’est que nous arrivons à un résultat qui soit satisfaisant pour tout le monde, qui permet d’avancer avec des réformes que nous pourrons vraiment mettre en œuvre. Les discussions sont constructives. En face, il y a pourtant un régime qui veut aller vite. Cela ne risque-t-il pas de contrarier les plans du gouvernement ? Il est clair que les autres bailleurs bilatéraux et surtout les investisseurs privés sont très attentifs au fait qu’il y ait une bonne collaboration entre le gouvernement et le FMI. Beaucoup de projets d’investissement peuvent prendre du retard si les discussions prennent elles-mêmes du retard. Mais je peux aussi me tromper. Il n’y a pas de règle. Ce n’est pas une obligation d’avoir un programme avec le Fonds. C’est un choix des autorités. Toutefois, dans notre expérience, on sait que c’est important pour un pays d’avoir un programme avec le FMI. Nous ne sommes pas souverains à Madagascar. Notre rôle est d’écouter et de voir comment les accompagner. Où en sommes nous actuellement avec le Plan émergence Madagascar ? Pour avancer, nous avons besoin de plus de détails et d’un chiffrage précis. La stratégie de développement du pays est celle des autorités. Nous sommes là pour accompagner. Nous avons besoin d’un plan le plus précis possible. C’est sur cette base que nous pouvons avancer. Plus nous aurons rapidement une feuille de route, plus nous pourrons discuter. Actuellement nous avons besoin d’un document cadre qui explicite les projets dans tous les secteurs. Il y a eu des retards dans l’élaboration. Le FMI n’a pas d’agenda. Pour nous il n’y pas d’urgence. C’est le pays qui a besoin que la stratégie puisse être mise en œuvre le plus rapidement possible. Est-ce les priorités du régime et du FMI se rejoignent ?  Il faut regarder objectif par objectif pour décider cela. Ce que je peux vous citer ce sont les objectifs qui pour nous sont prioritaires. C’est d’accroitre les dépenses d’éducation, les dépenses de santé et augmenter les investissements publics avec la construction des routes et l’amélioration des infrastructures. Autres dépenses prioritaires, ou réformes prioritaires, c’est le secteur de l’énergie. Ce sont des domaines prioritaires reconnus par tous. Qu’en est-il de certains projets qui ont été annoncés ? Pour les autres projets dont on entend parler, il faut qu’on regarde au cas par cas. Ce n’est pas à nous de dire telle infrastructure plutôt que telle infrastructure doit être construite. Le pays fait ses choix, le gouvernement a ses priorités. Nous sommes là pour conseiller. Avez-vous une idée des sources de financement que le régime entend utiliser pour réaliser ses projets ? Une fois de plus, nous n’avons pas les détails. Nous savons que des sources de financements sont disponibles. Nous n’avons pas de doute là-dessus. Madagascar a une dette viable. La dette publique s’élève à 40% du PIB. Cela ne veut pas dire qu’il faut relâcher la vigilance mais il y a de l’espace pour augmenter l’enveloppe pour financer le développement. Le financement n’est pas un problème. Ce qu’il faut c’est pour attirer les investisseurs ce sont des projets rentables. Pour attirer les bailleurs publics, il faut des projets qui répondent aux priorités de développement du pays. Le FMI regarde  projets par projet. Pour chaque projet, nous nous intéressons au montant et au mode de financement. Le PPP peut ne pas être adapté dans certains cas. Il y a aussi les prêts concessionnels ou encore les financements commerciaux. La société civile voit d’un mauvais œil les prêts commerciaux … Tout dépend du projet auquel ils sont affectés. Madagascar a de la marge. Le pays a de la place pour plus d’endettement. Après, il est facile de s’endetter mais il est difficile de faire des projets qui aient vraiment des retours sur investissement. Quand on investit pour construire une route, le gain économique est clair. Pour les autres projets, il faut voir. C’est vraiment une analyse au cas par cas. Le FMI peut mobiliser des experts pour faire cette analyse. L’endettement public n’est pas un problème à Madagascar. Nous recommandons même une politique d’investissement qui serait financé par un plus grand endettement. Dans le cadre du programme de la FEC, un plafond de 900 millions de dollars a été négocié. Il y a moins de 500 millions qui ont été exécutés en pratique. Ce que le FMI recommande c’est d’augmenter l’enveloppe d’endettement pour faire des investissements publics productifs. L’argent de la CNaPS a été évoqué dans le projet du régime de se constituer un fonds souverain. Votre avis ? Pour ce qui concerne la mise en place du fonds souverain, nous n’avons pas d’avis puisque nous n’avons pas de détails. Il y a des fonds souverains qui marchent, d’autres qui ne marchent pas. Tout dépend de la manière dont ils sont financés et des règles de gouvernance. C’est un sujet dont nous discutons et dont le FMI voudrait avoir des précisions. En ce qui concerne l’affectation des investissements de la CNaPS à une autre finalité que celle de faire fructifier les investissements des futurs retraités, c’est une mauvaise pratique. Nous soutenons l’idée que les investissements de la CNaPS doivent être faits uniquement dans l’intérêt des cotisants. Donc clairement, nous suivons ce sujet et nous seront vigilant sur ce point parce que c’est important. Il s’agit des retraites des gens. Je ne peux pas vous dire qu’est-ce qui serait un bon investissement, qu’est-ce qui ne le serait pas. Peut-être que le fonds souverain est un  bon investissement mais la stratégie d’investissement doit être uniquement dans le but de faire fructifier et de diversifier les risques.   Depuis que la FEC a été lancée il y a trois ans, les problèmes de la Jirama et du carburant persistent. Peut-on parler d’échec sur ces fronts ? Non. Si nous prenons la tarification du carburant, le gouvernement a renégocié à la baisse les marges avec les compagnies ce qui a permis d’économiser beaucoup d’argent pour les finances publiques. C’est un acquis de l’ancien ministre de l’Energie. C’est une réforme assez historique. Sur le plan de la tarification, nous avons amélioré la structure des prix. Après, la deuxième étape est de finaliser la structure de prix et de mettre en place un mécanisme d’ajustement des prix pour éviter d’accumuler de nouveaux arriérés. Cela n’a pas été fait. Le FMI a exprimé sa déception sur ce point. Le Conseil d’administration en a parlé. Ce n’est pas un domaine sur lequel nous avons atteint nos objectifs. Nous allons en discuter dans le cadre d’un nouveau programme. Quels ont été les impacts de l’absence d’ajustement de prix depuis le mois juin ? Comme il n’y a pas eu d’ajustement de prix à la pompe, les distributeurs ont enregistré des pertes. Ces pertes se sont traduites par des arriérés que l’État a encourus. L’État a ainsi continué à accumuler et continue à accumuler des arriérés envers les pétroliers. Nous nous sommes mis d’accord sur un montant total des arriérés ne dépassant pas les 175 milliards d’ariary. En fin d’année, ce montant aurait dû être réduit grâce à la mise en œuvre de l’ajustement de prix à 140 milliards d’ariary. Ce montant a été dépassé. Il y a eu des résistances en interne au Conseil d’administration à cause de cela. L’équipe Madagascar a dû argumenter en se basant sur les réformes effectuées et les autres acquis. La contrepartie du fait qu’on ait passé la revue est que ce sujet est devenu une priorité. Et la Jirama ? Nous avons une stratégie d’ensemble. Il y a des négociations importantes qui ont été engagées avec les fournisseurs d’énergie. Le nouveau directeur général poursuit le travail qu’il a commencé du temps où il était ministre qui est de renégocier les contrats fournisseurs. Beaucoup de progrès a été fait à l’image des subventions en 2017 qui s’élevaient à 450 milliards d’ariary. L’année dernière c’était de 255 milliards. La situation n’est pas rétablie mais l’Etat dépense moins pour la Jirama et il y a une stratégie nette et  un engagement de l’Etat à mettre en œuvre cette stratégie. Il est possible de sortir la JIrama du rouge dans les quelques années qui viennent. Non, nous n’avons pas atteint nos objectifs. Nous avons pris du retard ces derniers mois mais globalement, nous avons a une feuille de route très claire. Le FMI est optimiste. Que pouvez-vous dire à propos de la volonté de l’Etat d’importer directement du carburant ? Pour l’instant c’est un projet. Nous n’avons pas encore de détail sur la SPM (State procurement of Madagascar). Nous n’avons pas d’opinion mais cela dépend de la gouvernance de cette société, des économies éventuelles que l’Etat pourra réaliser. Si des éléments nous paraissent être de mauvaises pratiques,  nous les signaleront. Nous ne pouvons pas faire des procès d’intention. Pour l’instant c’est une annonce. Cet organisme n’est pas en place. Attendons d’avoir plus de précisions. Est-ce que vous soutenez l’initiative du gouvernement de se constituer une réserve d’or ? Il y a trois sujets sur l’or. Il y a la formalisation de la filière. Nous ne pouvons pas être contre le fait que l’activité soit mieux régulée. De manière liée, il y a le sujet de la taxation. Pourquoi pas ? C’est une activité profitable, il serait normal que le budget en profite et que tous les citoyens en profitent. L’or c’est un patrimoine. Le troisième sujet c’est un projet sur lequel nous n’avons pas de détails. cela concerne l’achat et la mobilisation d’or à la banque centrale. C’est un sujet sur lequel il faut discuter dans un esprit ouvert. Quelle est l’intention ? Si la Banque centrale achète de l’or, elle crée de la monnaie. Si elle crée de la monnaie, elle peut créer de l’inflation mais si elle compense cet achat par d’autres mesures, cela peut rester neutre. Il faudra voir le projet dans les détails après nous pouvons donner notre avis. Certaines banques centrales achètent de l’or, d’autres n’en achètent pas.          
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