Les grands principes de la justice royale


Les anciens législateurs malgaches, soutiennent les juristes modernes, n’ont pas été victimes du « fétichisme de la loi écrite » comme l’appelle le doyen Geny C’est d’autant plus vrai que les souverains en empruntant à l’Occident la technique de la codification, sont surtout influencés par le droit anglo-saxon « plus pragmatique, moins systématique que le droit continental ». À ce sujet, un chroniqueur mentionne l’existence, dans les archives royales malgaches, des traductions des cours de droit anglo-saxon, de textes juridiques Il signale aussi qu’en 1885, « le sieur Tacchi avait rédigé un petit opuscule sur les institutions et sur le droit anglais à l’intention de quelques hauts fonctionnaires malgaches ». Dans tous les cas, les décisions judiciaires dont certaines remontent à 1837, peuvent permettre de dégager des règles qui définissent le rôle du pouvoir judiciaire dans l’ancien État malgache Les juristes qui s’y penchent, en distinguent de grands principes qu’ils résument. La Justice est une fonction de l’État : elle doit la justice à ses ressortissants et cette justice est exercée par des fonctionnaires représentant l’autorité royale. La Justice émane du souverain : les jugements sont rendus au nom du roi ou de la reine. Le rôle du juge est de dire le droit, donner une solution indiscutable à toute contestation, rétablir par sa sentence l’équilibre social rompu soit par la violation d’une coutume ancestrale ou d’une loi de l’État, soit par un trouble Il dit le droit et ordonne. Le juge décide en droit et non en équité. Après avoir énuméré et édifié des faits retenus par lui comme constants, il les qualifie juridiquement et applique à cette qualification la règle de droit correspondante, l’article de loi « Le juge malgache a une compétence liée et sa marge d’appréciation est plus qu’étroite puisqu’il ne peut accorder ni circonstances atténuantes ni sursis. » Et les observateurs précisent: « Si les juges malgaches ont eu la possibilité d’imiter les juges anglais, leur technique est fondamentalement différente de la technique anglaise : le juge anglais a une plus grande liberté d’appréciation dans la détermination du quantum de la peine. » Dernier grand principe de la justice ancienne malgache : le jugement ou « teny vita » a un caractère sacré qui le rend indiscutable, inviolable Cette notion est très importante car elle confère au jugement une autorité encore plus forte que celle de la chose jugée en droit français, en raison de son caractère sacré. Dans l’ancienne société malgache, il existe des tribunaux à Avaradrova, Ambatondrafan-drana, Ambavahadimitafo, Ambatovinaky…, tandis que des « vadintany » et des « andriambaventy » sont nommés dans les fonctions judiciaires. Toutefois, « l’interaction d’éléments politiques, sociaux et culturels rendait possible la mise en jeu des notions d’équité due à l’intervention fréquente des mêmes personnes ou des mêmes fonctionnaires qualifiés (spécialistes), à tel point que les fonctions législatives, exécutives et judiciaires tendaient souvent à coïncider dans leurs titulaires ou même dans leur exercice ». Il est à préciser que les anciens souverains malgaches « n’ont certes pas imposé le système de la territorialité des lois » et permettaient, bien au contraire, aux populations non merina de conserver leurs coutumes. Mais dans les régions où les codes sont promulgués, les coutumes se transforment, se rapprochent du droit écrit, sinon disparaissent pour « se muer en usage social ou en superstition ». Le cas est typique pour le pays betsileo « où il a été difficile de saisir des coutumes originales, précises et constamment appliquées. Ce qui a amené fréquemmen de décisions judiciaires contradictoires, les unes constatant la coutume et l’appliquant, les autres faisant application du droit civil ».
Plus récente Plus ancienne