Pouvoir législatif - Les parlementaires évitent les questions sensibles


Les députés et les sénateurs ont tendance à esquiver les sujets prêtant à des débats publics. Il s’agit, pourtant, de réalités sociales qui méritent un encadrement légal. Exit les sujets qui fâchent. Une formule qui trouve tout son sens au sein du Parlement. Plusieurs faits amènent à dire que les députés et les sénateurs appréhendent les questions qui prêtent à un débat public. Aussi, les initiatives de loi sur des sujets d’ordres sociaux et entraînant de vives réactions, essentiellement dans les réseaux sociaux, se heurtent souvent à un rejet pur et simple, ou, au mieux, à un ajournement. L’ajournement, justement, tend à devenir une façon diplomatique de botter en touche un sujet brûlant. Les propositions de loi sont les principales concernées. La dernière en date à en avoir fait les frais est la proposition de loi complétant des dispositions de la loi relative aux successions, testaments et donations. Initiée par la députée Lanto Rakotomanga, le texte veut hisser l’épouse à la troisième place de l’ordre de succession en cas de décès de son mari. La proposition de loi de l’élue du deuxième arrondissement d’Antananarivo a fait des émules au sein de l’opinion publique. Les pour et les contre la principale innovation apportée par le texte se sont écharpés dans les réseaux sociaux. Jeudi, la séance plénière de la Chambre basse a donc décidé d’ajourner le débat et le vote de cette proposition de loi. Les députés s’en sont juste tenus au fait que le sujet suscite des appréhensions, notamment, sur la toile, sans prendre la peine de discuter le fond du sujet. Depuis quelques années, en effet, les entités civiles s’associent à des parlementaires, des députés dans plupart des cas, pour porter devant le Parlement des faits sociaux qui méritent un encadrement légal. C’est ainsi que la députée Masy Goula­maly s’est décidée à initier la proposition de loi autorisant d’Interruption thérapeutique de grossesse (ITG). À s’en tenir à la décision de l’Institution de Tsimbazaza, jeudi, sur la proposition de loi de la députée Rakoto­manga, les pronostics sont défavorables au texte porté par l’élue de Tsihombe. Les débats sur la proposition de loi sur la succession se sont limités à des disputes entre simples citoyens. Ceux concernant l’ITG voient, cependant, un engagement à corps et à cri des autorités religieuses. Ces derniers martèlent leur opposition à ce texte. Le Parlement a déjà plié, une première fois, sous le poids de l’église, en 2017. C’est suite à une prise de position des autorités religieuses, en effet, que les deux Chambres parlementaires ont extirpé l’autorisation de l’ITG du projet de loi sur le planning familial, en 2017. L’ajour­nement a, aussi, été décidé par les députés au sujet de la proposition de loi portant modification du code de la nationalité. Il s’agit, ici aussi, d’un sujet qui a fait des vagues dans les réseaux sociaux. Intérêt général Le texte initié par le député Lovaniaina Célestin Fiarovana, veut accorder la nationalité malgache aux apatrides résidents au pays, à condition de remplir des critères précis. Ici, aussi, l’église est entrée dans les débats en taclant frontalement la proposition de loi. Ceux qui s’y opposent ont réduit le débat au fait que le texte veut attribuer la nationalité malga­che « aux étrangers », notamment, pour faciliter l’accès à la propriété foncière. A un moment donné, certains arguments ont même frisé la xénophobie. Une fois de plus donc pour se débarrasser de la patate chaude, les députés ont décidé d’ajourner les débats parlementaires sur la proposition de loi du député Fiarovana. Leur argument a été qu’il fallait prendre le temps de faire une consultation publique et en discuter durant une séance « en présentielle ». Une grande partie de la première session de la Chambre basse s’est, en effet, déroulée par visioconférence, en raison de la situation sanitaire. Maintenant que les conditions de session à l’institution de Tsimbazaza sont revenues à la normale, il n’y a aucune trace de la proposition de loi portant modification du code de la nationalité. Une autre proposition saquée, mais cette fois ci par le Sénat, est celle relative à la légalisation du « Toaka Gasy ». Alors qu’elle a obtenu le feu vert de l’Assem­blée nationale, en juin 2020, le texte porté par le député Brunelle Razafin­tsiandraofa a été rejeté par la Chambre haute durant la première session de cette année. La principale explication du rejet du texte sur le rhum traditionnel est les risques pour la santé. Un fait qui concerne toutes les boissons alcooliques pourtant. Les arguments de l’élu d’Ikongo sur la dimension culture et économique du « Toaka Gasy », n’ont pas suffi à convaincre les sénateurs. La proposition de loi a été rejetée après à peine trois heures de débats. Dans plusieurs localités du pays, le « Toaka Gasy », est pourtant, un secteur d’activité économique à part entière, bien que l’idée de le légaliser heurte quelques sensibilités. Les sujets cités en exemple et mis à l’index par les parlementaires sont, pourtant, des réalités sociales. L’anarchie causée par l’absence d’encadrement légal, cause souvent des drames. Ces faits démontrent, par ailleurs, que le droit positif a besoin d’une mise à jour pour correspondre à la réalité de la société et mettre un terme à certaines injustices. Toute réforme suscite des débats, surtout en démocratie. Face à une polémique, le législateur se doit, toutefois, de prendre de la hauteur afin de décider dans l’intérêt général et non pas se dérober. Outre définir les droits et les devoirs, une loi est sensée réguler la société, permettre le vivre ensemble, mais aussi, une équité sociale.
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