Terrain Miné


La vie quotidienne, hantée par le spectre de l’insécurité, est maintenant un territoire miné: chaque pas, décidé après réflexion, peut être fatal dans ce monde de terreur. Le traverser demande alors une connaissance, plus ou moins parfaite, de la géographie des risques, une assez bonne évaluation de la carte de chaleur, qui manque de précision, pour être au fait des zones sensibles à éviter. C’est alors que chaque journée peut se résumer comme une succession de parties de roulette russe, un voyage obligatoire sur une route, aussi dangereuse que certaines de nos nationales, parasitée par les pièges tendus par les délinquants de toutes sortes: les bandits, les voleurs à la tire, les kidnappeurs, … L’insécurité. Ce mot est l’incarnation verbale de ce qui tourmente l’esprit quand on met le nez dehors. Il est présent dans chacun de nos mouvements qui sont dirigés par la peur, fruit d’une appréhension permanente qui a fini par se greffer sur notre système de réflexes qui sont influencés par cette présence envahissante de l’angoisse. Une variation génétique qui a précédé une mutation inéluctable de la société qui n’est plus la même qu’avant: les clôtures et les portails deviennent plus hermétiques, les enfants surveillés 24h/24, l’utilisation de l’option ouverture des vitres des voitures de plus en plus rare, … Si on pouvait, comme lorsqu’on visionne un fichier vidéo, cliquer sur la touche « Reculer » pour voir le début de ce film de l’insécurité, la pauvreté se présenterait alors sur l’écran comme la source de ces désordres qui nous gouvernent. La misère est la mère des maux, elle est cette piqûre qui endort, qui assomme la conscience morale qui est aussi étouffée par la quête du pain quotidien rendue difficile par le dénuement. Elle est cette voix maléfique qui a incité Jean Valjean (ou Claude Gueux, une autre création de Victor Hugo) à voler un pain, un larcin qui lui a valu le bagne selon le roman Les Misérables (V. Hugo, 1862). Comme la pauvreté nous couvre de son voile noir, l’obscurité règne et s’incruste dans les différentes têtes les plus fragilisées et fracassées par la précarité. Cette longue nuit doit d’abord être chassée pour que la lumière de la tranquillité et de la sécurité puisse se frayer un chemin. Éradiquer la misère est la parfaite formule pour faire luire le soleil. Cet extrait du roman Quatre vingt treize (V. Hugo, 1874) doit alors résonner en nous: « Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée. » On sait que l’influence de Mgr Bienvenu sur Jean Valjean a changé la vie de ce dernier qui a alors commencé à accueillir cette lumière. Et Victor Hugo a aussi dit, dans l’un de ses discours: « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire ». Une autre citation à méditer.
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