L’âge de notre mémoire


94 ans. «Cet ennemi qui tournera ma page, Que l’on nomme vieillesse et que j’appelle l’âge»... Charles Aznavour est mort à 94 ans sans avoir jamais été malade. il avait toute sa tête. Il n’était pas impotent et avait conservé toute la dignité d’une autonomie physique sans béquille, sans déambulateur, sans chaise roulante. Il n’était ni un alzheimer égaré ni un légume végétatif. Il n’était pas de ces tristes vieillards qu’on expose au soleil du matin et qu’on rentre tant que ses os rhumatisants gardent encore la chaleur de l’après-midi. Nous aimerions certainement tous partir sur cette bonne note et ne pas laisser à nos proches le souvenir de derniers instants pénibles. Charles Aznavour laissera également l’image de cet attachement indéfectible à l’Arménie, pays de ses ancêtres. Né à Paris, en France, celui qui chantait Montmartre avec l’accent du cru (quoique : Hugues Aufray prétend avoir décelé chez Aznavour un accent arménien, celui de la tristesse d’une nation martyrisée), était capable de discourir dans la langue de ses grands-parents. On aimerait tant s’assurer que chaque Malgache en dispersion géographique ne s’empresse pas de prétendre avoir oublié la langue de ses ancêtres. Les Arméniens d’Érevan, comme ceux de la diaspora, ont témoigné de leur affection au plus célèbre des Arméniens. Un authentique ambassadeur. Qui n’aimerait pas passer à la postérité des siens avec cette excellente réputation d’amour véritable de son pays ? 60 ans. Hier, 3 octobre, c’était le «Jour de l’unité allemande». Aujourd’hui, 4 octobre, la Constitution française de 1958 a 60 ans. Comme rappelée dans la Chronique «Petite leçon d’histoire», cette Constitution française du 4 octobre 1958, à l’adoption de laquelle les électeurs malgaches avaient participé par le référendum du 28 septembre 1958, a profondément influencé les Constitutions successivement rédigées à Madagascar : création du poste de Premier Ministre (sauf sous la Première République de 1959 à 1972), bicaméralisme (sauf sous la Seconde République de 1975 à 1991), énumération limitative des matières du domaine de la loi, initiative de la loi appartenant concurremment à l’Exécutif et au Législatif, projet de loi de finances confié au Gouvernement, ordonnance en Conseil des ministres sur des matières du domaine de la loi, initiative de révision de la Constitution appartenant concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement, pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, recours au référendum par le Président de la République, création d’un Conseil Constitutionnel (CSI de 1959 à 1975, et HCC depuis 1975). Exception notable à ce «copier-coller», l’élection du Président de la République : en France, comme à Madagascar, cette élection avait d’abord été confiée à un collège électoral ; à Madagascar, l’élection présidentielle au suffrage universel direct sera instaurée par une loi du 6 juin 1962, tandis que la France attendra le référendum du 28 octobre 1962 pour modifier en ce sens l’élection du Président de la République. Il est vrai que, dans une conférence de presse du 11 avril 1961, le général de Gaulle évoquait déjà l’élection de ses successeurs au suffrage universel direct pour renforcer «l’équation personnelle» du Chef de l’État avec la nation. Plus de souvenirs que si nous avions mille ans...
Plus récente Plus ancienne