Une leçon pour la jeunesse et au-delà


Ancien du Lycée Gallieni et aussi ancien coureur du 100m, j'ai eu la chance et le privilège, avec d'autres jeunes sprinters  comme Miadana Augustin, de fréquenter Jean Louis aussi bien lors d'entrainements (sous la férule de Jean Jalabert) que lors de compétitions. J'étais encore cadet quand j'ai commencé à le fréquenter sur les pistes. Comme il était déjà, à l'époque, le numéro 1 du sprint malgache, il nous intimidait beaucoup et on n'osait pas l'aborder. En fait, derrière son air concentré, enfermé dans sa bulle, c'était quelqu'un d'une complaisance attentive et aimable. Il n'était pas avare de conseils et d'encouragements. C'était pour nous un modèle : un athlète dur au travail, avec un mental de gagnant, toujours concentré et motivé. Il imposait le respect par sa capacité de  supporter la pression, par sa concentration et sa motivation. Il a su  développer sa confiance en lui, ce qui lui a permis de croire en ses capacités de réaliser l'objectif qu'ils se sont fixés Jalabert et lui: être le meilleur et atteindre le niveau mondial. Il a su aussi gérer les moments de doute surtout avec les nombreuses blessures qu'il a connues avant qu'il ne se décide à subir une opération chirurgicale à la hanche. Junior, j'ai commencé à courir avec lui comme sparing partner durant sa période de rééducation après son opération. Avec Augustin Miadana et d'autres, nous l'avons accompagné jusqu'à son départ pour l'Europe, à la veille des jeux Olympi­ques de Mexico, où l'attendaient des meetings de préparation, quant lors d'un de ces meetings il a battu son éternel rival  sur le continent africain, l'ivoirien Gaoussou Koné, nous avons compris qu'il était sur la bonne voie pour réaliser son objectif. Ce fut ensuite Mexico et sa finale du 100 m. Nous étions aussi là (mais pas dans sa course) lorsqu'en 1965, il a réalisé le fabuleux temps de 10"1, après une course parfaite. Nous avons vu la fébrilité des chronométreurs, la ligne d'arrivée franchie, les conciliabules, les officiels qui ont  remesuré la piste. On a compris que quelque chose se passait. Lorsque le temps de 10"1 est tombé, ce fut la sidération dans le public de Mahamasina. On était dans une autre dimension. On a su après que certains chronos avaient marqué 10", mais comme c'était encore l'époque du chronométrage manuel, et que ce temps semblait peut-être inconcevable, ce fut le temps de 10"1 qui a été retenu. À rappeler que cette performance a été réalisée sur une piste en terre battue. Cet exploit, bien qu'extraordinaire, ne nous a surpris qu'à moitié, au vue de ses performances lors de ses courses précédentes. Depuis quelque temps, il était sur une pente ascendante. Certaine­ment que  ce jour-là les conditions étaient réunies pour réaliser une (très) bonne performance (météo, température, vitesse du vent, ambiance...). Quelques semaines après son exploit, l'émission «Cinq colonnes à la une» de la TV Française est venue à Antananarivo faire un reportage sur lui. Si Jean Louis fut ce grand champion c'est qu'il avait des dons innés : vélocité, explosivité, des qualités athlétiques naturelles. Très jeune, il avait déjà l'esprit de compétition. Comme il habitait à l'époque, à côté de Jardin d'Ambohijatovo, je le voyais, avec son frère Philippe et des copains du quartier, faire des compétitions de sprint dans le parc, et parfois aussi des courses de vélos en remontant la rue vers le tunnel d'Ambanidia. Ces dons, il a su les développer avec Jalabert avec qui il a noué une relation personnelle, une confiance réciproque, un entraineur qui ,outre ses compétences techniques, a appris à bien connaitre son athlète, ses points forts et ses points faibles. Un grand champion s'en est allé. Mais Jean Louis Ravelomanantsoa nous a laissé un message: on n'était pas obligé d'aller s'entraîner à l'étranger pour devenir un champion de rang mondial. Par son exemple il a montré que malgré les conditions locales (qui ne sont pas toujours favorables) et sans l'aide de l'État, on pouvait  réussir si on le veut. Mais cela suppose une vision avec des objectifs clairs, une mentalité de champion, un programme et une stratégie d'entraînement, un travail soutenu et constant. Son mental de champion, sa méthode de travail, il a su les réinvestir pour réussir ses études et sa vie professionnelle. Une leçon pour la jeunesse et au-delà. Salut champion! Par Michel Rambelo
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