Secteur extractif - La difficile relance des grandes mines


L’épidémie du coronavirus n’a fait qu’aggraver la situation des grandes compagnies minières installées à Madagascar. Kraoma s’enfonce davantage depuis plus d’un an d’arrêt d’activités, en raison d’énormes pertes financières tandis que Base Toliara, malgré d’importants investissements, reste suspendue par l’État. La compagnie Rio Tinto ayant transformé la région Anosy s’embourbe dans l’histoire de recapitalisation. Seule, l’exploitation de nickel et de cobalt par Ambatovy semble vouloir sortir rapidement la tête de l’eau en annonçant une reprise. Le secteur extractif contribue à hauteur de 4,41% du PIB. Un pourcentage officiel pour l’année 2018, recueilli dans le rapport annuel 2018 de la Banque centrale de Madagascar. Un chiffre qui n’a pas tellement évolué depuis 2014 indiqué à 4,15%, 4,84% en 2015, 4,58% l’année suivante, et une légère hausse en 2017 avec 4,84%. En 2018 toujours, le poids des industries extractives sur l’exportation a été de 27,59%. En Zambie, l’industrie minière représente 12% de son PIB et 70% de la valeur totale de ses exportations. Le pays est connu dans l’industrie du cuivre et du cobalt. Lourd Le secteur présente encore de nombreuses épines à ses pieds, l’empêchant de se constituer en réel moteur de développement du pays bien que les ressources minières de Madagascar se diversifient en quantité et en qualité. La loi 99-022 du 19 août 1999 portant sur le Code minier modifiée par la loi 2005-021 du 17 octobre 2005 est une nouvelle fois demandée à être révisée. Déjà que l’actuel Code n’a pu accompagner le secteur comme le veulent les opérateurs, les investisseurs et la société civile malgré un décret d’application en 2006, la révision ou modification est réclamée depuis 2019. Les acteurs, les collectivités et les services d’administration demandent à revoir le Code minier tout en clarifiant la Politique minière. Les offres de politiques publiques minières doivent être centrées sur les demandes de politiques publiques minières. Le Club Développement Ethique (CDE), un cercle de réflexion et d’action, entre autres, dans son « comparatif des Codes minier et pétrolier de 2005 et le projet de codes » estime une réorientation de la politique minière en général axée sur dix points essentiels : la fiscalité minière, les permis miniers, le contenu local et la responsabilité sociétale des entreprises, la fondation minière, l’environnement, la sécurisation foncière, les institutions du secteur minier, la « longueur d’avance » accordée aux investisseurs nationaux, la transparence et l’information et participation du public. En 2019, l’Organisation de la société civile pour les industries extractives (OSCIE) avance également un autre projet de loi de 61 articles comprenant les dispositions transitoires et les dispositions finales. Le dit projet de loi prévoit des dispositions complémentaires ou modificatives à la loi modifiée n° 99-022 du 19 août 1999. Elle prévoit notamment une révision profonde des institutions et structures qui prennent part à la gouvernance du secteur minier malgache ainsi que des obligations et engagements des titulaires des Permis miniers en contrepartie de leurs droits de jouissance sur les périmètres miniers qui leur sont octroyés ; des précisions quant au régime du Permis minier et le régime de l’or. [caption id="attachment_112416" align="aligncenter" width="471"] Un technicien montre un extrait d’ilménite de Ranobe à Toliara.[/caption]

Blessée en plein élan

Base Toliara, la dernière en lice dans les grandes exploitations de minerai, est suspendue par l’État depuis le 6 novembre 2019. Le projet d’exploitation de sables minéralisés à Ranobe dans le district de Toliara II, est en œuvre depuis 1999. Après des recherches et explorations, des examens complets, des prospections de partenaires financiers étrangers, des études de marché, la reprise du projet Toliara Sands par Base Resources s’est faite en 2018 pour en constituer la société Base Toliara. Le projet n’arrive pas encore à prendre un plein envol. Le conseil des ministres du 6 novembre 2019 suspend les activités de la société, et l’interdit de faire de la communication. « Les problématiques engendrées par les mésententes entre le projet et les communautés locales obligent à suspendre le projet », rapporte le communiqué du conseil des ministres de ce jour là. « La suspension a pour objectif de revoir la coordination de toutes les actions et de continuer les échanges et réflexions avec le porteur du projet. Les bénéfices et les avantages que pourrait tirer le pays ne sont pas… clairs », précise la missive. Depuis, la compagnie minière est censée s’atteler à fournir les documents nécessaires, continuer les échanges avec le gouvernement malgache pour clarifier son apport au social et à l’économie du pays. Document essentiel Après la communication d’un document d’« Étude de préfaisabilité » en mars 2019, Base Toliara sort l’« Étude de faisabilité définitive » du projet Ranobe en décembre 2019. Un document sine qua none à détenir pour tout projet minier permettant au gouvernement et d’autres parties prenantes de décider sur la pertinence ou non du projet. Le projet Toliara devrait fournir une combinaison de 840 kilotonnes/an de chlorure d’ilménite, de sulfate d’ilménite, de slags d’ilménite, de zircon et de rutile sur une durée de vie prévue de trente trois ans, sur la base d’une exploitation des réserves de minerai de Ranobe existantes. Le document donne une description détaillée du projet. Et cela va de la géologie, l’approche minière, le calendrier de l’exploitation minière, le calendrier des résidus, le procédé, les infrastructures, les perspectives marketing, la main d’œuvre, l’engagement des parties prenantes, l’acquisition foncière, le développement communautaire, le volet environnement, au côté politique.

Trois fois de recapitalisation

La société Qit Madagascar Minerals (QMM) demande pour la troisième fois entre 2012 et 2019, une recapitalisation. L’État est actionnaire à 20% dans la société minière. La recapitalisation sollicitée en 2012, 2015 et 2016 s’élève en tout à 92 millions de dollars. Aux deux premières demandes, l’actionnaire majoritaire Rio Tinto a avancé la part de l’État dans les injections à hauteur de 77 millions de dollars au capital, vu que l’État n’avait pas les moyens d’y contribuer. Mais avant de donner un avis favorable à la sollicitation émise en 2016, (l’État doit répondre dans les deux ans suivant la demande soit vers la fin de 2019), le ministre des Mines et des ressources stratégiques, Fidiniavo Ravokatra a fait savoir en conseil des ministres, le 20 novembre 2019, son souhait de procéder à un audit de la partie financière, les questions d’investissement, la gestion et même l’organisation du projet d’exploitation d’ilménite dans la région Anosy. « Il n’a pas été question de stopper les activités d’extraction. L’État demande des comptes et c’est son plein droit », précise-t-il au lendemain de cette demande d’audit. Incapacité La recapitalisation en 2015 a été motivée par des difficultés financières causées par la chute des cours des matières premières sur le marché mondial. Celle de 2016 est-elle déclenchée par une insuffisance de fonds propres, d’ouverture à d’autres actionnariats? Il a été également indiqué que les pertes cumulées par QMM ont dépassé la moitié du capital social. La part de l’État devait être assurée par les créances de l’actionnaire Rio Tinto et remboursée avec les futures parts de dividendes. Mais il n’y a pas eu de partages de dividendes car la société n’a pas encore annoncé des bénéfices après vingt cinq ans de présence dans le pays. Toujours est-il que QMM a payé 63 millions de dollars de ristournes minières entre 2006 et 2018. La convention d’établissement liant l’État et QMM prend fin en 2022. Que faire des 77 millions de dollars de « dettes » envers l’autre actionnaire? La question reste pendante.
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