Les premiers maîtres anglais en Imerina


DEPUIS longtemps, la Société des missions de Londres projette de s ' installer à Mada­gascar. Dès 1798, quelques années après sa fondation, elle envisage effectivement d'envoyer des missionnaires dans la Grande île. En 1808, quatre d'entre eux sont prêts à s'embarquer lorsque la mort du promoteur de cette entreprise d'évangélisation retarde de quelques années le début de l'œuvre religieuse. Finalement, les activités des missionnaires anglais arrivant à Madagascar, se font à la suite des envoyés de Sir Robert Farquhar, à la demande de Radama Ier. Cela se passe en 1818. C'est pendant la rupture des relations anglo-merina qui suit la non exécution du traité de 1817 par le général Hall, « que les missionnaires anglais furent à pied d'œuvre et qu'ils tentèrent de commencer leur apostolat » (Jean Valette). Deux jeunes missionnaires, Bevan et Jones, accompagnés de leurs épouses avec chacune une petite enfant, débarquent successivement à Toamasina. Mais très vite, la mort s'abat sur eux: Jones, arrivé le premier le 19 octobre 1818, voit mourir sa fillette le 13 décembre et sa femme quelques jours plus tard; pour Bevan, débarqué début janvier 1819, la fièvre emporte sa petite fille le 25, lui-même le 31 et son épouse, le 3 février. « Ces morts peuvent paraître suspectes et l'on s'est demandé s'il n'y eut pas empoisonnement. » Les traitants installés sur la côte sont, en effet, hostiles aux missionnaires qui craignent qu'ils ne contrecarrent leurs activités commerciales pas toujours très régulières. « L'un d'entre eux, l'Anglais Bragg pénétra même dans la case de Jones et profitant de l'extrême faiblesse de ce dernier, rongé par la fièvre, pilla les quelques bagages qu'il avait avec lui. » Néanmoins, Jones qui survit aux deux familles, ouvre une école grâce à l'appui du chef de Toamasina, Jean René. Mais elle est très vite fermée: fort malade, il rembarque le 3 juillet pour Maurice. Il y séjourne dix-huit mois, puis demande l'autorisation de revenir à Madagascar. Ce qui lui est accordé après la signature du second traité anglo-merina, le 11 octobre 1820. Les circonstances lui sont plus favorables, Radama venant d'ouvrir largement son pays aux influences européennes. Le monarque espère, en effet, que les missionnaires se livreront à l'enseignement, surtout technique, pour le développement de son pays et donc de son peuple. « Dans l'esprit du roi, il n'y avait à ce moment -là aucune préoccupation religieuse et il restera d'ailleurs fermé, sa vie durant, à l'aspect évangélique de l'œuvre des missionnaires. » C'est donc à ce titre d'instituteur que Jones arrive en Imerina, ce qui est accueilli favorablement par Radama qui lui accorde des facilités et une protection. Le 8 décembre 1820, Jones ouvre la première école d'Antananarivo dans le quartier d'Ifidirana, proche du Palais d'Andafiavaratra. Le premier jour, elle ne compte que trois élèves, mais l'effectif augmente rapide­- ment. Aussi, le local devenu exigu, Radama Ier lui donne-t-il une nouvelle case et, « pour donner à ses sujets un témoignage public de son attachement à l'œuvre entreprise, il assista à l'inauguration avec les membres de sa famille ». Quelques mois plus tard, un second missionnaire vient seconder Jones. Le Rev. Griffiths arrive dans la capitale fin mars 1821. L'école a alors 22 élèves dont un tiers de filles. « Ils avaient été choisis dans la famille du roi et de ses favoris, et parmi les enfants de la noblesse. Il y avait, en particulier, Rakotobe, le fils du prince Ratefy, et quatre jeunes princesses. Certains d'entre eux pouvaient lire des passages de la Bible et avaient fait des progrès considérables dans les autres manières qui leur étaient enseignées » (Rev. Ellis). Le roi aime venir dans cette école qu'il fait baptiser École Royale, pour écouter chanter les enfants. Avec l'arrivée de Griffiths, une autre école destinée aux enfants du peuple, est ouverte le 23 octobre 1821 qui accueille 11 garçons et 4 filles, Jones se chargeant de l'École Royale. Et à la demande de Radama, Mme Griffiths s'occupe d'une classe de filles où les cours sont « d'un caractère nettement féminin », avec couture et broderie. Les progrès en ces matières sont si rapides que deux mois plus tard, les premiers travaux exécutés par les élèves sont offerts au souverain.
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