Sur les cartes de Madagascar, on pouvait lire en légende : «Routes nationales revêtues, Routes nationales non revêtues, Routes nationales saisonnières». La RN4 va pouvoir cumuler ces trois états : elle peut être superbement revêtue sur quelques kilomètres ; elle devient non revêtue sur de plus en plus de kilomètres où le bitume a été décapé par des décennies de non entretien ou se retrouve enseveli sous une épaisse couche de sable alluvionnaire ; enfin, la RN4 est en bonne voie de devenir une route saisonnière uniquement praticable en certaines saisons.
La Route Nationale 4, dite la route de Majunga (elle a été percée par le génie militaire du corps expéditionnaire français de 1894-1895), est dans un état lamentable. Ce n’est plus une route, c’est un scandale. Nids de poule de la taille d’un oeuf d’aepyornis, saillie monumentale digne d’un ongle de dinosaure : heureusement que tout marquage au sol a disparu depuis «ny andron’i Gallieni» parce qu’il serait absolument impossible de les respecter dans l’obligation de slalomer en permanence d’un bord à l’autre de la route. Combien de lignes droites ne faut-il pas prendre en gymkhana !
Quand est-ce que les 573 km de cette RN4 ont vu la visite d’un Président de la République ? L’humeur saisonnière des vacanciers, ces citadins gagnés par le scepticisme, est certainement accessoire. Mais, le quo tidien des riverains en tre Maeva tanàna e t Ambondromamy jusqu’à Ankarafantsika et au-delà parle-t-il encore à la Présidence et au Gouvernement?
La RN4 devient chaque jour un peu plus un sentier: «lalan-kely», «lalam-poza». Sa largeur est parfois amputée par les tranchées qu’ont créées les bas-côtés dans leur affaissement. Les seuls aménagements encore bien présents sont ces casseurs, pas tellement de haute vitesse mais plutôt de silent-bloc, de biellette et autre rotule. Et quand l’automobiliste, lessivé par dix ou douze heures de mauvaise route, se retrouve enfin en vue de Mahajanga, les derniers quarante kilomètres lui déroulent un bitume abrasif de type papier vert qui achève de poncer les pneumatiques.
Et même pas le spectacle d’un paysage par ailleurs grandiose à admirer avec ces étendues de tanety calcinés à perte de vue. Le slogan «Ho rakotra ala i Madagasikara» est clairement une vue de l’esprit quand on voit le feu assiéger directement les sites de reboisement et que de nombreux sacs de charbon jonchent le voisinage.
Avant la plage, avant «le bord», le voyageur arrive quelque peu cabossé à l’âme. Cabossé à l’image d’un pays couvert de bleus. Et ce ne sont pas les traumatismes du Covid, ni les coups de la guerre en Ukraine.
Commenter
Ce formulaire recueille votre nom et adresse e-mail afin que nous puissions valider votre commentaire. Veuillez consulter notre politique de confidentalité afin de prendre connaissance sur la façon dont nous protégeons vos informations.
Je consens à ce que L'Express de Madagascar collecte mon nom et email..