Revendication de la France sur le Nord de l’ile


La deuxième réunion entre les deux parties en conflit dans la première guerre franco-merina (1883-1885) se termine en queue de poisson (lire précédente Note). Chacune, surtout la France, se maintient sur sa position. Le chef de la délégation malgache, Rainan­driamampandry, conclut sa contreproposition en suggérant de tenir une troisième réunion, le 26 novembre. Mais l’un des négociateurs français, Baudais, ne répond que le 3 février 1884, l’appelant à une rencontre urgente avec l’amiral Galiber pour une « importante affaire ». Rendez-vous est donc pris pour le 21 février. D’entrée, Galiber et Baudais soulignent que les autorités  malgaches ne doivent pas demander conseil à d’autres pays et que la guerre se poursuit toujours, au Nord et au Sud de l’ile. Rainandriamampandry répond « que les autorités malgaches refusent tout mauvais conseil». Puis, il ajoute que le conflit devrait être résolu par le versement immédiat par Madagascar d’une indemnité, proposition que les Français rejettent. Baudais rappelle que le roi Tsimiharo avait offert à la France tout le Nord de l’ile, plus exactement au nord du 16e parallèle. Mais le chef de la délégation malgache réplique que cette zone est intégrée dans le territoire malgache depuis 1824 et qu’ainsi, « le roi Tsimiharo vous avait offert ce qui ne lui appartenait pas ». Pourtant, Baudais insiste que la France ne peut abandonner le « protectorat » demandé par les Sakalava en 1841. Mais à la question de Rainandria­mampandry de savoir de quelle zone il s’agit, il ne répond pas, se contentant de lire à tous les négociateurs un accord censé avoir été signé par les Français,  d’une part, le roi Tsimiharo et la princesse Tsiomeko, de l’autre. Le chef de la délégation malgache réitère que « cette zone n’appartenait plus à Tsimiharo et s’il vous avait donné Madagascar, l’auriez-vous accepté   » Et il ajoute : « Dans le traité de 1868, la France n’avait pas revendiqué cette partie du territoire malgache, et les peuples malgaches qui y vivent, se reconnaissent désormais comme les sujets de la reine et lui versent les impôts et les taxes douanières. » L’amiral Galiber, quant à lui, est très direct : « Demandez à toutes les autres nations et elles vous diront que le Nord de l’ile appartient aux Français. Alors quelles sont les limites que vous nous fixez à partir de Majunga   » Ainsi, toute cette mise en scène n’aurait traduit que le besoin français de posséder des terres à Madagascar et pour ce faire, ils veulent que ce soit la reine et son gouvernement qui en fixent les limites. Comme les précédentes, la troisième réunion n’aboutit à rien. Quelques jours plus tard, les émissaires malgaches proposent, pour conclure les négociations à l’amiable, que le gouvernement de la reine accorde Nosy Mitsio et Nosy Faly, du côté de Nosy Be, à la France. Refus des Français qui font pression pour que les dirigeants malgaches leur donnent tout le nord du 16e parallèle. Encore une fois, il s’agit d’un dialogue de sourds. Fin de la quatrième réunion. Les prochaines négociations qui auraient dû se dérouler le lendemain, sont reportées au 3 avril. Les positions restent les mêmes à la grande déception des Français. Il en est de même durant la septième réunion, car les Malgaches refusent d’y participer tant que les Français veulent occuper une partie de l’ile. Début mai, Galiber quitte Madagascar, remplacé par l’amiral Miot. Les discussions reprennent au cours d’une huitième réunion, le 13 mai 1884. Le ton durcit car l’amiral Miot vient pour concrétiser les trois points. Les exigences françaises sont très strictes. Madagascar aura à verser à la France 600 000 farantsa (ariary) d’amendes. Le gouvernement de la reine devra supprimer l’article 85 du Code des 305 articles sur la location et la vente de terrains aux étrangers et indemniser les étrangers, victimes de la guerre. Le chef de la délégation malgache essaie d’expliquer la position de son gouvernement, mais « aussitôt, Miot et Baudais se lèvent et quittent la séance sur un simple au revoir sans serrer les mains des Malgaches », précise un participant. La neuvième et dernière réunion a lieu le 29 mai, au cours de laquelle les « négociateurs français laissent entendre qu’ils arriveront à leurs fins, en utilisant la force, s’il le faut ». Et pendant que les deux parties affûtent leurs armes, le président du Conseil français, Jules Ferry désigne quelques résidents pour entreprendre une médiation. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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