Une main-d’œuvre importée du Mozambique


«Sur cette côte, les stations de commerce sont prospères, quoique l’échange des naufragés avec les naturels s’y fasse de façon scandaleuse : les traitants mêlent du sable noir à leur poudre, livrent des fusils à pierre ayant le canon fendu, des hameçons en étain et jusqu’à de la fausse monnaie. » C’est ainsi qu’en 1887, le colonel du Vergé traduit son mécontentement contre les traitants de Toliara. Et René-Louis Ader d’ajouter presqu’un siècle plus tard : « Curieuse engeance attachée à ce coin de Madagascar, où elle commence à donner un nombre accru de métis. » De quoi expliquer l’hostilité de la population à leur encontre. À cette malhonnêteté, l’auteur ajoute, dans son « Esquisse d’une Histoire de Tuléar » (jusqu’en 1897) deux autres causes de cette hostilité, l’incident de 1838 et l’esclavage. Cette institution qui fait la fortune de quelques princes, décline au XIXe siècle, ce qui engendre leur rancune envers les Européens. Il faut aussi parler de la difficulté pour ces derniers à trouver une main-d’œuvre « facile et docile » qui les pousse à voir ailleurs. D’après René-Louis Ader, dans l’Ouest, les « Musulmans » importent d’Afrique orientale un nombre important d’esclaves Makoa, près de 8 000 par an, précise Boiteau, 10 000 affirment Mondain et Chapus. Néanmoins, ce mouvement n’atteint pas le Sud du Mangoky. Toutefois, selon les propos du fils d’un traitant de l’époque, recueillis par René-Louis Ader, pour avoir une main-d’œuvre sûre, les colons de Nosy-Ve vont chercher des Cafres au Mozambique. « Le bateau mouillait hors des ports et des marins allaient sur la plage pour y tuer et y griller un bouvillon ; les fumées, l’odeur attiraient la population de quelque village ; de la viande était offerte à tous ; quand l’heure des alcools arrivait, il n’y en avait pas pour tous, mais à bord… Quelques hommes étaient ainsi attirés et faits prisonniers. » Certes, ce trafic n’a pas eu une grande ampleur et n’a dû porter que sur plus de 200 personnes, mais cela a suffi pour priver la population locale de quelques emplois et provoquer son amertume. Le commerce n’est pourtant pas la seule activité visible dans la zone de Toliara. Des essais d’évangélisation y sont aussi signalés. La première tentative en 1845 sera le fait de missionnaires catholiques venus de La Réunion. Sept jésuites demeurent plus de quatre mois à Toliara, mais ils rembarquent vite devant l’hostilité générale. « Arrivés sur un navire de guerre, ils étaient considérés comme des espions préparant une invasion, sans doute un souvenir de l’incident de 1835. Les traitants, hostiles à toute évangélisation, des bateaux étrangers, en particulier un baleinier américain, les auraient d’autre part desservis. » Une seconde tentative aura lieu en 1859. « Elle tombera sur un Tuléar agité- la factorerie Charlotte vient d’être pillée et celle de Rosiers incendiée-. » La mission se replie rapidement sur Soalara avant de se rembarquer. Le seul succès évangélique sera celui du pasteur norvégien, Rostvig. Après un premier voyage de reconnaissance en 1874, ce dernier revient en 1878, construit un temple en bois de Norvège qui doit être le premier édifice de la ville. Cette mission ne semble pas avoir connu de difficultés majeures. En fait, Toliara reste surtout un poste de traite. Pas question de colonisation agricole malgré le curieux traité de 1861, entre les capitaines de vaisseau Rosiers et Ballanger, d’une part, et le roi Laymerisa, d’autre part, les deux officiers se faisant concéder un territoire correspondant à toute la plaine de Toliara pour « construire, cultiver… sans aucune redevance » (RP Engelvin).
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