Madagascar achète à l’étranger la quasi-totalité des produits pétroliers qu’il consomme. Le baril du pétrole à plus de 100 dollars constitue ainsi un paramètre auquel il accorde un intérêt de premier plan. Sans oublier les difficultés liées à la taille de son marché du carburant, aux contraintes logistiques et aux coûts de distribution élevés. La guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine fait flamber les prix du pétrole. Après avoir franchi, le 24 février, la barre symbolique des 100 dollars, le prix du Brent a atteint, ce mercredi, les 112 dollars. Les pays de l'OPEP+ réfléchissent actuellement à la stratégie à adopter face à cette nouvelle donne, si les pays membres de l'Agence internationale de l'énergie ont décidé de puiser dans leurs stocks stratégiques de pétrole. C’est dans ce contexte qui se complexifie singulièrement, que les autorités malgaches et les parties prenantes du secteur pétrolier aval doivent s’accorder sur la trajectoire que devrait emprunter le marché à court et moyen terme. À noter que, depuis le mois de juin 2019, les prix du carburant à Madagascar n’ont pas connu de changement. Le litre du super sans plomb est à 4 100 ariary, celui du gas-oil à 3 400 ariary et celui du pétrole lampant à 2 130 ariary. Un statuquo permis par l’application d’un mécanisme de compensations financières accordées par l’État. Nous avions rapporté, il y a quelques jours, que le ministre de l’Énergie et des hydrocarbures, Andry Ramaroson, avait engagé des pourparlers avec les opérateurs du secteur dans l’objectif de reformater la structure des prix du carburant alors que le Groupement des pétroliers de Madagascar (GPM) estimait que l’heure est venue de revoir les prix à la pompe à la hausse. Depuis, les lignes ont bougé puisque le prix du baril du pétrole a connu une nouvelle envolée. Quant au dollar, il n’a cessé de s’apprécier ces derniers mois au détriment de l’ariary sur le Marché interbancaire de devises (MID). Ce mercredi, le ministre a reconnu qu’il sera difficile de maintenir le niveau actuel des prix à la pompe. À remarquer cependant que le marché pétrolier a connu une croissance notable depuis l’année dernière. À titre de référence, les données de l’Office malgache des hydrocarbures (OMH) montrent qu’au second trimestre 2021, la consommation de carburant a augmenté de +34% par rapport à la même période en 2020, pour un volume total de 261 890 m3. Par contre, il se situe encore en-deçà de son niveau de 2019. Les analystes attendent maintenant avec impatience les chiffres de l’OMH sur l’ensemble de l’année 2021 pour mieux cerner l’évolution du marché. Un secteur, diverses activités À Madagascar, les prix à la pompe du carburant sont fixés par voie règlementaire en concertation avec les entreprises pétrolières. Le secteur des hydrocarbures a fait l’objet d’une libéralisation progressive depuis 1993, date à laquelle le pays s’est doté d’un cadre légal ouvrant le secteur aux entreprises privées, nationales et internationales. La société d’État Solima a été privatisée et l’Office malgache des hydrocarbures mis sur pied afin d’assurer la régulation de l’ensemble du secteur. L’État maintient un levier non négligeable sur le secteur à travers sa participation au capital des opérateurs pétroliers. À savoir, en outre, que le secteur pétrolier aval se décline en diverses activités comme le transfert des produits pétroliers dans les installations portuaires assurée par la Plateforme terminal pétrolier de Toamasina, la gestion du terminal de stockage de carburants assurée par Galana Raffinerie Terminal (171 000 m3 de capacités de stockage), la gestion des dépôts pétroliers qui revient à la Logistique pétrolière SA (LPSA). Cette dernière gère vingt trois dépôts pétroliers répartis sur l’ensemble du territoire pour une capacité de stockage de 134 718 m3. Il y a enfin la distribution des hydrocarbures assurée par quatre opérateurs regroupés au sein du GPM : Jovena (groupe Axian), Total Energies, Galana Distribution Pétrolière (groupe Rubis) et Vivo Energy (groupe Vitol, distributeur de Shell). Ils exploitent près de trois cents stations-services sur l’ensemble du territoire, dont un tiers dans la région de la capitale. Ces derniers travaillent avec plusieurs transporteurs dont la compagnie ferroviaire Madarail. Les hydrocarbures représentent le premier poste d’importation du pays qui représente chaque année plus de 320 millions d’euros, soit plus de 10% des importations. En raison du caractère insulaire du pays, la question de l’approvisionnement reste structurante. Chaque titulaire d’une licence de distribution doit détenir dans chaque circonscription un stock de sécurité de vingt et un jours, soit 314 500 m3. Selon une étude réalisée par le service économique de l’ambassade de France à Madagascar, l’essence et le diesel représentent près de 70 % du volume importé durant la dernière décennie, contre 20 % pour le fioul lourd (destiné à alimenter les centrales thermiques du pays), 6 % pour le carburant dédié à l’aviation, et 4 % pour le pétrole lampant et le gaz. Vers quelle structure des prix ? Se basant notamment sur l’évolution des cours mondiaux et la fluctuation du dollar par rapport à l’ariary, le dispositif actuel qui permet de fixer les prix à la pompe, se caractérise par un écart entre le prix théorique et le prix réel. Ce qui a généré des arriérés importants de l’État envers les pétroliers. Si ces arriérés ont été résorbés durant la crise sanitaire à la faveur d’une baisse des cours mondiaux, la tendance s’inverse actuellement. Leur niveau a atteint 49 millions d’euros fin 2021, au-dessus du niveau fixé dans le cadre du programme de Facilité élargie de crédit du Fonds monétaire international (FMI). On remarque, en outre, que les coûts liés au transport et au stockage ainsi qu’à la distribution et aux marges diverses sont supérieurs à ceux constatés dans d’autres pays de la région. Ce qui a motivé le choix de l’État de créer la société State Procurement of Madagascar (SPM) dont l’une des missions prévues est l’importation de carburant. Pour sa part, la société privée Madagascar Oil qui a obtenu en 2015, une licence de développement de vingt-cinq ans pour explorer et exploiter le gisement d’huile lourde de Tsimiroro (réserves estimées à 1,7 Md de barils), n’est pas encore parvenue à démarrer sa phase de développement. On sait également que la LPSA se prépare à transférer son dépôt pétrolier sis à Ankorondrano vers la localité de Bongatsara, dans le sud de la capitale. La réalisation de cet investissement estimé à 60 millions d’euros permettra de quadrupler les capacités de stockage, de 15 000 m3 à plus de 60 000 m3. Ce qui, a-ton soutenu, devrait impacter positivement sur les prix tout en répondant aux problématiques de sécurité qui se posaient depuis des années. Par ailleurs, au début du mois de février, l’OMH a lancé le processus de recrutement d’un régulateur du secteur pétrolier aval. L’initiative vise à disposer d’une personne ressource de haut niveau à même de contribuer à améliorer le cadre réglementaire du secteur, de fixer les normes des installations et des produits, d’encadrer les opérations de contrôle et de produire régulièrement les statistiques pétrolières. Selon nos informations, la nouvelle recrue devrait aussi conseiller la partie publique dans le cadre de la mise en place d’une nouvelle structure des prix. D’après Olivier Jean-Baptiste, Directeur Général de l’OMH, la tendance des prix à la pompe devrait suivre celle de ses coûts des facteurs. Toutefois, pour préserver les intérêts des consommateurs, un système de lissage des prix est appliqué. Mais le patron de cet organisme ajoute aussi que ce système ne devrait pas constituer un outil pour creuser davantage l’écart entre les prix à la pompe et la vérité des prix, au risque de fragiliser le système d’approvisionnement du pays. Bref, la future structure des prix doit tenir compte d’une multitude de paramètres qui rendent l’opération très complexe. Le premier objectif étant d’éviter une surchauffe sociale dans un contexte post-covid déjà pénible pour la population.
Madagascar achète à l’étranger la quasi-totalité des produits pétroliers qu’il consomme. Le baril du pétrole à plus de 100 dollars constitue ainsi un paramètre auquel il accorde un intérêt de premier plan. Sans oublier les difficultés liées à la taille de son marché du carburant, aux contraintes logistiques et aux coûts de distribution élevés. La guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine fait flamber les prix du pétrole. Après avoir franchi, le 24 février, la barre symbolique des 100 dollars, le prix du Brent a atteint, ce mercredi, les 112 dollars. Les pays de l'OPEP+ réfléchissent actuellement à la stratégie à adopter face à cette nouvelle donne, si les pays membres de l'Agence internationale de l'énergie ont décidé de puiser dans leurs stocks stratégiques de pétrole. C’est dans ce contexte qui se complexifie singulièrement, que les autorités malgaches et les parties prenantes du secteur pétrolier aval doivent s’accorder sur la trajectoire que devrait emprunter le marché à court et moyen terme. À noter que, depuis le mois de juin 2019, les prix du carburant à Madagascar n’ont pas connu de changement. Le litre du super sans plomb est à 4 100 ariary, celui du gas-oil à 3 400 ariary et celui du pétrole lampant à 2 130 ariary. Un statuquo permis par l’application d’un mécanisme de compensations financières accordées par l’État. Nous avions rapporté, il y a quelques jours, que le ministre de l’Énergie et des hydrocarbures, Andry Ramaroson, avait engagé des pourparlers avec les opérateurs du secteur dans l’objectif de reformater la structure des prix du carburant alors que le Groupement des pétroliers de Madagascar (GPM) estimait que l’heure est venue de revoir les prix à la pompe à la hausse. Depuis, les lignes ont bougé puisque le prix du baril du pétrole a connu une nouvelle envolée. Quant au dollar, il n’a cessé de s’apprécier ces derniers mois au détriment de l’ariary sur le Marché interbancaire de devises (MID). Ce mercredi, le ministre a reconnu qu’il sera difficile de maintenir le niveau actuel des prix à la pompe. À remarquer cependant que le marché pétrolier a connu une croissance notable depuis l’année dernière. À titre de référence, les données de l’Office malgache des hydrocarbures (OMH) montrent qu’au second trimestre 2021, la consommation de carburant a augmenté de +34% par rapport à la même période en 2020, pour un volume total de 261 890 m3. Par contre, il se situe encore en-deçà de son niveau de 2019. Les analystes attendent maintenant avec impatience les chiffres de l’OMH sur l’ensemble de l’année 2021 pour mieux cerner l’évolution du marché. Un secteur, diverses activités À Madagascar, les prix à la pompe du carburant sont fixés par voie règlementaire en concertation avec les entreprises pétrolières. Le secteur des hydrocarbures a fait l’objet d’une libéralisation progressive depuis 1993, date à laquelle le pays s’est doté d’un cadre légal ouvrant le secteur aux entreprises privées, nationales et internationales. La société d’État Solima a été privatisée et l’Office malgache des hydrocarbures mis sur pied afin d’assurer la régulation de l’ensemble du secteur. L’État maintient un levier non négligeable sur le secteur à travers sa participation au capital des opérateurs pétroliers. À savoir, en outre, que le secteur pétrolier aval se décline en diverses activités comme le transfert des produits pétroliers dans les installations portuaires assurée par la Plateforme terminal pétrolier de Toamasina, la gestion du terminal de stockage de carburants assurée par Galana Raffinerie Terminal (171 000 m3 de capacités de stockage), la gestion des dépôts pétroliers qui revient à la Logistique pétrolière SA (LPSA). Cette dernière gère vingt trois dépôts pétroliers répartis sur l’ensemble du territoire pour une capacité de stockage de 134 718 m3. Il y a enfin la distribution des hydrocarbures assurée par quatre opérateurs regroupés au sein du GPM : Jovena (groupe Axian), Total Energies, Galana Distribution Pétrolière (groupe Rubis) et Vivo Energy (groupe Vitol, distributeur de Shell). Ils exploitent près de trois cents stations-services sur l’ensemble du territoire, dont un tiers dans la région de la capitale. Ces derniers travaillent avec plusieurs transporteurs dont la compagnie ferroviaire Madarail. Les hydrocarbures représentent le premier poste d’importation du pays qui représente chaque année plus de 320 millions d’euros, soit plus de 10% des importations. En raison du caractère insulaire du pays, la question de l’approvisionnement reste structurante. Chaque titulaire d’une licence de distribution doit détenir dans chaque circonscription un stock de sécurité de vingt et un jours, soit 314 500 m3. Selon une étude réalisée par le service économique de l’ambassade de France à Madagascar, l’essence et le diesel représentent près de 70 % du volume importé durant la dernière décennie, contre 20 % pour le fioul lourd (destiné à alimenter les centrales thermiques du pays), 6 % pour le carburant dédié à l’aviation, et 4 % pour le pétrole lampant et le gaz. Vers quelle structure des prix ? Se basant notamment sur l’évolution des cours mondiaux et la fluctuation du dollar par rapport à l’ariary, le dispositif actuel qui permet de fixer les prix à la pompe, se caractérise par un écart entre le prix théorique et le prix réel. Ce qui a généré des arriérés importants de l’État envers les pétroliers. Si ces arriérés ont été résorbés durant la crise sanitaire à la faveur d’une baisse des cours mondiaux, la tendance s’inverse actuellement. Leur niveau a atteint 49 millions d’euros fin 2021, au-dessus du niveau fixé dans le cadre du programme de Facilité élargie de crédit du Fonds monétaire international (FMI). On remarque, en outre, que les coûts liés au transport et au stockage ainsi qu’à la distribution et aux marges diverses sont supérieurs à ceux constatés dans d’autres pays de la région. Ce qui a motivé le choix de l’État de créer la société State Procurement of Madagascar (SPM) dont l’une des missions prévues est l’importation de carburant. Pour sa part, la société privée Madagascar Oil qui a obtenu en 2015, une licence de développement de vingt-cinq ans pour explorer et exploiter le gisement d’huile lourde de Tsimiroro (réserves estimées à 1,7 Md de barils), n’est pas encore parvenue à démarrer sa phase de développement. On sait également que la LPSA se prépare à transférer son dépôt pétrolier sis à Ankorondrano vers la localité de Bongatsara, dans le sud de la capitale. La réalisation de cet investissement estimé à 60 millions d’euros permettra de quadrupler les capacités de stockage, de 15 000 m3 à plus de 60 000 m3. Ce qui, a-ton soutenu, devrait impacter positivement sur les prix tout en répondant aux problématiques de sécurité qui se posaient depuis des années. Par ailleurs, au début du mois de février, l’OMH a lancé le processus de recrutement d’un régulateur du secteur pétrolier aval. L’initiative vise à disposer d’une personne ressource de haut niveau à même de contribuer à améliorer le cadre réglementaire du secteur, de fixer les normes des installations et des produits, d’encadrer les opérations de contrôle et de produire régulièrement les statistiques pétrolières. Selon nos informations, la nouvelle recrue devrait aussi conseiller la partie publique dans le cadre de la mise en place d’une nouvelle structure des prix. D’après Olivier Jean-Baptiste, Directeur Général de l’OMH, la tendance des prix à la pompe devrait suivre celle de ses coûts des facteurs. Toutefois, pour préserver les intérêts des consommateurs, un système de lissage des prix est appliqué. Mais le patron de cet organisme ajoute aussi que ce système ne devrait pas constituer un outil pour creuser davantage l’écart entre les prix à la pompe et la vérité des prix, au risque de fragiliser le système d’approvisionnement du pays. Bref, la future structure des prix doit tenir compte d’une multitude de paramètres qui rendent l’opération très complexe. Le premier objectif étant d’éviter une surchauffe sociale dans un contexte post-covid déjà pénible pour la population.