Un autre «moment Sputnik»


Le 4 octobre 1957 restera à jamais «Le moment Sputnik» quand l’URSS devança la NASA dans la conquête spatiale. Sputnik 5 est le nom du vaccin russe contre le Covid. Si l’expertise scientifique russe n’est pas questionnable, la communication à la soviétique était un archaïsme contre-productif. Pour conjurer le reproche d’opacité, le «Gamaleya National Research Center for Epidemiology and Microbiology» (Moscou) a ouvert une page (sputnikvaccine.com) dans un effort de Glasnost. Le scepticisme de 2020 (Science, 11 novembre 2020) a fait place à plus de bienveillance après que le vaccin russe Sputnik 5, ou Gam-COVID-Vac, a été soumis à la validation de pairs indépendants (The Lancet, 2 février 2021) qui lui reconnaissent une efficacité à 91,6%. Outre le Mexique, dont le président Andres Manuel Lopez Obrador a confié avoir acheté 24 millions de doses, après un entretien avec Vladimir Poutine, le 25 janvier, la Russie a également reçu commande de 2 milliards 400 millions de son vaccin à deux doses, dont la fabrication sera sous-traitée à des partenaires internationaux (Inde, Brésil, Chine, Corée du Sud). À Cuba, le vaccin national s’appellera Soberana («Souveraineté»), développé par Finlay Vaccine Institute avec le Centre for Molecular Immunology et le Chemical and Biomolecular Synthesis Laboratory de l’Université de La Havane. BioCubaFarma a toujours produit localement 80% des vaccins dont l’île, sous embargo américain depuis 1962, avait besoin. La dernière phase du test clinique de «Soberana» sera conduite en collaboration avec l’Institut Pasteur de Téhéran (Iran). L’Inde, qui produit 60% des vaccins mondiaux avec sa demidouzaine d’usines pharmaceutiques, a confié à Bharat Biotech le soin de développer CoVaxIn, le vaccin d’une nation de plus d’un milliard d’habitants. Sur le marché indien, le vaccin AstraZenecaOxford est baptisé Covishield : sa production est à la charge du «Serum Institute of India», le plus grand fabriquant mondial de vaccins, capable d’en produire 50 millions de doses par mois. Le Covishield produit en Inde a déjà été distribué dans plusieurs pays proches (Bhoutan, Maldives, Bangladesh, Népal, Myanmar, Seychelles) en attendant l’accord du Sri Lanka, de l’Afghanistan et de l’île Maurice. En Chine, SinoPharm a procédé à la phase III du test clinique de son vaccin «Vero», dans une dizaine de pays dont Bahrain, Pérou, Maroc, Argentine, Jordanie, Pakistan: les Émirats arabes lui ont validé une efficacité à 86% en décembre 2020. SinoVacBiotech développe le vaccin CoronaVac dont les tests phase III avaient été réalisés en Indonésie, au Bangladesh, en Turquie et au Brésil (qui l’a approuvé le 19 janvier 2021, indiquant une efficacité à 78%). Enfin, CanSinoBIO et Beijing Institute of Biotechnology travaillent sur le «Convidecia» dont la phase III s’est déroulée au Pakistan, en Russie, au Mexique et au Chili. Le «Migal Galilee Research Institute» en Israël, promet son MigVax. Au Japon, le vaccin de la biotech AnGes a pris un retard qui inquiète et vexe le nationalisme nippon. À Madagascar, pays qui a connu l’exploit salvateur de Girard et Robic ou les brevets du Professeur Rakoto-Ratsimamanga, PharmaGasy attend ses premières réalisations. Le vaccin est devenu une question de sécurité nationale sanitaire. La géopolitique moderne se gagne à démontrer son savoir-faire bio-technologique. Développer le vaccin, produire le vaccin, distribuer le vaccin. Mieux, partager le vaccin. Un «Soft Power» incompatible avec l’attitude des puissances occidentales prêtes à razzier les stocks pharmaceutiques. Le vaccin contre le Covid est devenu un enjeu de nationalisme, mais qui peut être un nationalisme de partage. Ce partage, c’est ce qu’avait promis le Président chinois Xi Jinping, le 18 mai 2020, devant l’Assemblée mondiale de la Santé: «tout vaccin chinois a vocation à devenir bien public mondial».
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