Gouvernance - La révision de la loi sur la situation d’exception recommandée


Après plusieurs mois de silence, le SEFAFI ouvre l’année avec un communiqué incisif. Il épingle les diverses errances et déviance dans la gouvernance durant la crise sanitaire. « Obsolète et dangereux en termes d’équilibre des pouvoirs ». Tel est le point de vue affirmé par l’Obser­vatoire de la vie publique (SEFAFI), concernant la loi sur la situation d’exception. Un texte-cadre de la gestion de crise datant du 18 juillet 1991, qu’il serait « judicieux », de réviser, selon cette organisation de la société civile (OSC). Dans son communiqué daté du 28 décembre, mais publié samedi, le SEFAFI constate que « la crise sanitaire a vu le renforcement du pouvoir présidentiel déjà fort, en vertu de la proclamation de l’état d’urgence sanitaire ». Une situation qui a fait que toutes les institutions « se sont effacées ». L’OSC, notamment, que contrairement aux scénarios dans d’autres pays, les Chambres parlementaires « ont été largement ignorées », dans les prises de décision et la validation des dépenses liées à la lutte contre la Covid-19. Durant la crise sanitaire donc, ajoute le communiqué du SEFAFI, l’Exécutif s’est retrouvé « contre pouvoir pour limiter d’éventuelles dérives ». À la lecture de la missive de l’Observatoire de la vie publique, le style de gouvernance qui a prévalu durant la crise sanitaire pourrait être dû à la confusion entre état d’urgence et état de nécessité nationale. « Ce dernier est le seul à pouvoir justifier les mesures restrictives et anti-démocratiques contre les opposants et la presse (…) », ajoute l’OSC. Selon la loi de juillet 1991, « la situation d’urgence peut être proclamée soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ou à la sécurité de l’État, soit en cas d’événement qui, par leur nature et leur gravité, présentant le caractère de calamité publique ». Sa durée est de quinze jours, renouvelable. Valeurs républicaines Concernant l’état de nécessité nationale, la loi précitée dispose qu’elle peut être proclamée « en cas de crise politique, économique ou sociale qui, par son ampleur et sa gravité constitue une menace pour l’avenir de la nation est susceptible d’entraver ou d’empêcher le fonctionnement normal des institutions républicaines ». Elle dure trois mois et peut être prolongée. Les mesures applicables dans les deux scénarios, sont relativement similaires, notamment, en matière de « contrôle de la presse et des publications », ou de « l’interdiction de réunion ». Au regard de la loi de juillet 1991, il y a, cependant, quel­ques nuances à prendre en compte. Dans la situation d’urgence, est autorisée la prise de « toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse, des publications et des émissions de toute nature et interdire celles qui sont de nature à perturber l’ordre public ou à mettre en danger l’unité nationale ». Interdiction Dans une situation d’urgence, pourtant, seules « les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre », peuvent être interdites. En matière d’état de nécessité nationale, toutefois, il est permis « l’interdiction de tout rassemblement » . Confronté à la réalité des faits, la loi sur la situation d’exception a, effectivement, montré ses failles et ses limites. Même en matière de terminologie, il y a eu une différence notable. La loi parle de situation d’urgence, alors que durant la crise sanitaire, le terme utilisé est « état d’urgence », au lieu d’« état d’urgence sanitaire ». Au début de la pandémie de Covid-19, des analystes ont déjà évoqué l’opportunité de revoir le texte de juillet 1991. La situation vécue en 2020, a été inédite, effectivement. « Il est probable que les rédacteurs du texte n’aient pas prévu que trente ans après, il y aurait une pandémie », opine un observateur. Le texte-cadre de la gestion des crises a été élaboré dans un contexte de crise politique, celle de 1991. Une époque où le pouvoir en place flirtait encore avec l’autoritarisme. « Une révision est effectivement nécessaire pour respecter les valeurs républicaines. Il faut prévoir des dispositions spécifiques pour chaque scénario, qu’il soit question de crise politique, de situation de guerre, ou de crise causée par des catastrophes naturelles ou, dernièrement, une épidémie ». Faisant écho au communiqué du SEFAFI, il ajoute qu’une situation d’exception « ne doit pas permettre une cassure avec la bonne gouvernance ».
Plus récente Plus ancienne