De riches trésors culturels dans les régions


Toutes les régions de la Grande île renferment un grand trésor, les traditions orales. D’après l’ethnologue Jean Poirier, directeur du Département des sciences humaines de l'Université de Madagascar (1961-1969), les traditions orales sont « la matière première de l’histoire dans les pays où l’histoire commence très tard ». L’Histoire de Madagascar éditée en 1967, à l’intention des lycéens des classes Terminales, énumère ce grand trésor par région. Dans l’Anosy, réservoir de chefs, les traditions des dynasties du Sud évoquent les régions marginales d’où surgissent des chefs qui encadrent les peuples et les mènent vers leur destin. Les auteurs de l’ouvrage citent, en exemple, « les nombreuses dynasties issues de l’Anosy pour conduire les pasteurs nomades dans les vastes espaces du Sud et du Sud-ouest ». Il s’agit des Zafimanara qui président aux destinées des Antandroy avant d’être chassés par leurs farouches sujets. Les Zafindravola et les Andrevola, eux, guident les Masikoro vers le plateau Mahafaly et les pays du Fiherenana, mais s’affaiblirent et se divisent au cours d’obscures querelles intestines. Les Zafimanely redonnent aux Bara la force de s’étendre jusqu’au pied de l’Andringitra et la région d’Ihosy. Une hypothèse également : de l’Ihosy « sont peut-être partis également » les Maroserana qui semblent à l’origine du destin des Sakalava. Des migrations vont les conduire du Sud au Nord-ouest de l’ile, à travers le Menabe et le Boina (Boeny). Les Zafirambo stabilisent les Tanala de l’Ikongo. Aux lueurs fugitives des traditions qui tantôt se recoupent, tantôt se contredisent, la plaine orientale, frangée par l’océan apparait bien comme l’une des plus importantes aires de départ vers l’intérieur de l’ile. De leur côté, les traditions betsileo comme celles des Sakalava indiquent plusieurs origines possibles. Du Nord serait venu Rasamboninjato, un noble de l’Imerina dont les descendants auraient régné sur le Lalangina. De l’Est serait montée la princesse antemoro Ravelonandro, dont seraient nées les familles des chefs Betsileo. Pour être en opposition, les traditions ne sont pas forcément contradictoires. « Dans de nombreux cas, on peut les juxtaposer pour retrouver les aspects multiples d’un phénomène ou d’une période historique. » Dans les « Tantara ny Andriana eto Mada­gascar », recueil de traditions orales dans l’Imerina écries par le père Callet, sont relatées les grandes étapes de la progression d’un groupe vers l’intérieur de l’ile, les Tankova ou les Merina. D’abord première confrontation avec une nature hostile sur la frange côtière orientale, puis hostilité des premiers occupants et lutte pour la survivance, enfin remontée, difficile vers les Hautes-terres au climat plus clément. « Mais ici aussi, ces indications demeurent vagues. » Car il n’y a aucune précision sur la région abordée « dont l’identification est, dans les années 1960, pour le moins impossible ». D’autant que l’étude du relief, du compartimentage, des pistes « suggère plusieurs itinéraires et ne permet pas d’aboutir ». De surcroit, il n’y a « aucun renseignement précis sur les peuples rencontrés et affrontés par le groupe, sur les Vazimba installés avant lui sur les Hautes-terres. Ici comme ailleurs, les mythes évoquent- avec quelle poésie- les genres de vie, les oppositions, les conflits ». Tel celui qui parle de Rapeto, paysan rusé, qui n’hésite pas à barrer en amont la rivière Lily et crée ainsi le lac Itasy ; alors Rasoalao, la gardienne des zébus qui dévastent les rizières, vaincue par l’astuce de Rapeto, s’éloigne vers l’Ouest sakalava… Sur les Hautes-terres, le problème des Vazimba, dont l’existence est attestée par toutes les traditions, a fait couler beaucoup d’encre. Au début, les historiens ont cru qu’il s’agit des occupants les plus anciens, issus de populations africaines. Plus tard, plusieurs spécialistes, comme Hébert, s’accordent à penser qu’il s’agit de la première vague (protomalaise) des navigateurs. « Cette première immigration massive aurait introduit dans la Grande ile le substrat linguistique indonésien ancien. » Par ailleurs, Rafohy et Rangita, les premières reines de l’Imerina, sont généralement considérées comme des princesses Vazimba. De même qu’en Imerina, dans le Betsileo, « le souvenir, le respect des Vazimba sont rattachés à la terre dont ils furent les premiers propriétaires ».
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