L’autre affiche du second tour


Mercredi, des juges, à qui a été confié le devoir sacré d’arbitrer le combat national de cette deuxième décennie du XXIe siècle, ont donc officialisé l’entrée dans la dernière phase de la lutte. Car depuis presque dix ans, la scène politique est monopolisée par les deux finalistes qui sont comme les généraux Alcazar et Tapioca des Aventures de Tintin (Hergé). Ceux qui ont joué inconsciemment les figurants ne l’ont sans doute appris que quand ils se sont serrés à l’intérieur du peloton de queue alors que les deux véritables protagonistes prenaient leur envol. Cette bipolarisation Rajoelina-Ravalomanana est surtout aussi l’affaire des partisans dont certains, à cause d’orientations politiques divergentes, ont sacrifié des amis, des parents… sur l’autel d’un partisanisme disproportionné. Les deux prétendants ont chacun leur méthode, des approches différentes aux cibles bien déterminées : les rêveurs et les radicalisés. Cela peut sembler trop réducteur et teinté de préjugés car la majorité des électeurs n’est certes pas affiliée à une de ces deux catégories, mais toujours est-il que c’est l’autre affiche d’un combat qui se déroule quotidiennement sur un ring appelé « réseaux sociaux ». À travers les attaques les plus virulentes, repérées sur cette agora virtuelle, les coups s’échangent en faisant apparaitre les symptômes du fanatisme. Une armée de radicalisés a déjà acclamé dans une ferveur inouïe une auto-proclamation le 22 février 2002. Aujourd’hui, ces supporters extrémistes n’ont rien perdu de leur dogmatisme qui est l’annihilateur par excellence de l’esprit critique et la clé qui ferme la porte à la tolérance : la vérité est la propriété exclusive du gourou qui est l’objet d’un culte de la personnalité démesuré. Une adoration extrême qui contamine la perception d’autrui : ceux qui appartiennent à un autre camp sont vus comme des hérétiques du Moyen-âge et ont droit aux sobriquets les plus avilissants. Dans les rangs de leurs adversaires, il y a ceux qui ont été envoûtés par les artifices d’un showman de talent, connu pour ses techniques de séduction, qui maitrise l’art de manier, pour reprendre une réplique (reprise d’une phrase de Shakespeare) d’Humphrey Bogart dans The Maltese Falcon (J. Huston, 1941), « The stuff that dreams are made of ». (« L'étoffe dont sont faits les rêves. ») La vulnérabilité dans laquelle la situation précaire générale les a plongés rend la tâche du séducteur aisée et contribue à l’efficacité du tape-à-l’œil qui est la grande spécialité du candidat. Pour d’autres, les deux alternatives les placent devant un grand dilemme : la peste ou le choléra ? Au sein de cette autre catégorie de citoyens, se trouvent les spectateurs involontaires dont la vue et l’ouïe sont fatigués de subir ces querelles incessantes dont on espère qu’elles n’iront pas au-delà de la proclamation officielle des résultats définitifs. La couleuvre sera dure à avaler pour un camp car seulement l’un des deux sera notre prochain président de la République. Alors comme l’a chanté Doris Day dans The Man Who Knew Too Much (A. Hitchcock, 1956) : « Que será, será, Whatever will be, will be, The future's not ours to see, Que será, será, What will be, will be ». Enfin pour une autre catégorie, la campagne électorale, qui reprendra à partir de cette semaine, sera seulement vue comme un amplificateur des embouteillages qui, en cette période particulière de l’année, ont une capacité de suffocation supérieure à celui qui a précipité Michael Douglas dans la folie dans le film Chute Libre (J. Schumacher, 1993). par Fenitra Ratefiarivony
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