Tianarivelo Razafimahefa : « La conformité ou non à la Constitution est un faux débat »


Le ministre de l’Intérieur monte au filet pour défendre la conformité à la Constitution de la nomination des gouverneurs. Il avance comme argument l’article 1er du décret relatif au gouverneur. Quelle est l’attribution des gouverneurs nouvellement nommés ? Ils exercent la plénitude des pouvoirs des chefs de l’Exécutif régional, tels que prévus par la loi modifiée 2014-020 portant sur les ressources des collectivités territoriales décentralisées (CTD), et les modalités d’élection, entre autres] et son décret d’application. Le gouverneur de région a pour mission et rôle de dynamiser et de coordonner le développement de sa circonscription territoriale en identifiant les axes prioritaires. C’est à partir de ces axes prioritaires qu’ils élaboreront et concrétiseront leur programme cadre et leur plan régional de développement (PRD). Qu’est-ce que le plan régional de développement ? Selon la loi organique 2014-018, le plan régional de développement portera sur plusieurs volets tels que le développement agricol, industriel, artisanal, commercial et sur l`aménagement du territoire. On peut citer, à titre d’exemple, comme faisant partie des domaines de compétence des régions: les lycées, les centres hospitaliers régionaux et les routes d`intérêt régional. Il est aussi consulté sur tout projet ou programme national de développement concernant sa circonscription. De façon générale, les attributions des gouverneurs ont trait au développement économique et social tel que l’a défini l’article 153 de la Constitution alinéa 1. Vis-à-vis de la Consti­tution, justement, la nomination des gouverneurs fait débat. Pour ne pas avoir gardé la désignation chef de région comme le veut l’article 154 ? Est-elle inconstitutionnelle ou conforme à la Constitution ? Je trouve que c’est un faux débat. C’est simple, il n’y a qu’à bien lire l’article 1er du décret N°2019-1866 relatif au gouverneur qui stipule clairement qu’en application des dispositions de l’article 325 de la loi n° 2014-020, « la fonction exécutive de la région est exercée par un chef de région portant le titre de gouverneur de Région ». Alors, c’est parfaitement clair non ? Il n’y a rien d’inconstitutionnel selon moi. Il ne touche en rien la qualité du chef de l’exécutif régional. Ce décret fait la rupture avec certaines pratiques politiques dont ont été associés à tort ou à raison les anciens chefs de région. Que voulez-vous dire ? Quand on a élaboré ce décret, nous avions eu deux fils conducteurs. Il y a d’abord, la Constitution et le bloc de légalité. Il y a ensuite, le rôle de l’État qui consiste à offrir des opportunités pour le processus de développement et prendre les meilleures décisions dans la conduite du processus pour atteindre les objectifs conformément aux orientations indiquées dans la Loi fondamentale, en son article 153, notamment. Tout a été pensé d’une façon holistique. Le peuple attend la réalisation de ses souhaits quand il a opté pour les engagements et l’IEM [Initiative pour l’émergence de Mada­gascar] du président de la République. Ils promettent, entre autres, l’autonomie et la responsabilisation des régions. Les gouverneurs siègeraient de manière provisoire. Or le président de la République a annoncé une période d`un an d`évaluation. N’y a-t-il pas une contradiction ? Les gouverneurs sont nommés et installés de manière provisoire en attendant les élections régionales. Des évaluations seront entreprises périodiquement. Cette évaluation constitue une méthode de travail dictée par l`approche par les résultats. Peut-on alors, s`attendre à la tenue d`élec­tions régionales dans un délai d`un an ? Nous verrons après les élections municipales et communales. Chaque chose en son temps. Comme ils sont tous deux nommés, certains se demandent quel sera le rôle des préfets face aux gouverneurs. Les dispositions de l’article 5 de la loi n° 2014-021, relative à la représentation de l’État sont claires à ce sujet. Les préfets sont les représentants de l’État auprès de la région. Ces fonctionnaires sont ainsi chargés de veiller à la mise en œuvre de la Politique générale de l`État (PGE), de coordonner les services déconcentrés dans sa circonscription et du contrôle de la légalité des actes. Pour une bonne coordination de la mise en œuvre de la PGE et des PRD, les préfets, avec les services techniques, ont également, une fonction d`appui et de conseil auprès des responsables des régions. Une enveloppe d’un milliard d’ariary est mise à disposition de chaque gouvernorat. Est-ce suffisant pour assurer l’autonomie et le développement des régions ? Chaque Région a, effectivement, un cachet d’un milliard d’ariary à investir pour les prochains mois, mais il n’y a pas que ça. L’État à travers le ministère de l’Intérieur et de la décentralisation leur octroie des subventions de fonctionnement. Chaque région aura, également, à sa disposition des engins de travaux publics afin qu’elle puisse procéder elle-même aux réhabilitations des pistes rurales. Quant aux ressources propres internes de chaque collectivité, elles sont développées dans la loi 2014-020, et il y aura des transferts dont les sources sont les redevances minières, les fonds d’investissement public et des programmes d’appuis aux collectivités financées par les organismes internationaux, entre autres. Les élections communales se tiendront prochainement. Ne risque-t-il pas d`y avoir un empiètement entre les prérogatives des gouverneurs et des maires ? Le gouverneur et le maire ont leurs attributions respectives, bien délimitées dans l’espace et par les textes règlementaires. La loi 2014-018 régissant la compétence, les modalités d’organisation et de fonctionnement des CTD et la loi n°2014-020 sont claires là-dessus. Aucun empiètement ne peut exister. Les actions des maires se portent sur les services sociaux de base de proximité tandis que les gouverneurs œuvreront sur le développement économique et social des régions. Les relations entre les gouverneurs et les maires se matérialisent dans le cadre d’intégration et d’harmonisation du développement local ou à travers le partenariat ou des négociations en matière d’inter-collectivités. Et les futurs maires, quelles ressources disposeront-ils? Les ressources des communes sont déjà définies dans la loi 2014-020. Elles sont toujours les mêmes pour toutes les communes. Chacune d’elles dispose de ressources propres à partir des produits de sa circonscription. Il existe des ressources fiscales, non fiscales et les revenus des domaines publics ou privés. Ces ressources figurent dans les budgets municipaux ou communaux que les conseillers adoptent chaque année lors des sessions budgétaires. À titre d`exemple, l`impôt de licence foraine sur les alcools est affecté en totalité à la commune tandis que la moitié de l`impôt sur les établissements de nuit revient à la commune. Où en est-on dans la préparation des élections communales et municipales? Tout est fin prêt. Le ministère de l’Intérieur et de la décentralisation et les représentants de l’État assurent la sécurisation de la période électorale à travers ses démembrements, tels que les préfets et les chefs de districts répartis sur tout le territoire national, et avec le concours des ministères en charge de la sécurité. Nous veillons aussi au respect des libertés publiques notamment durant la période de campagne électorale. Puisque la CENI [Commission électorale nationale indépendante] est le premier responsable de l`organisation des élections, nous l’appuyons lorsqu’elle nous sollicite.  
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