Riziculture - Le tarissement de l’eau menace la ceinture d’Ambohidrapeto


En plein cœur d’Antananarivo, des milliers de paysans affrontent un problème d’irrigation. L’insuffisance ou même le tarissement de l’eau devient un frein au développement. Des milliers de paysans sont concernés par le problème de l’eau dans les communes de Bemasoandro, Ambohidrapeto et Fiombonana, district d’Atsimondrano. Ces trois communes sont situées sur la plaine de la ceinture d’Ambohidrapeto. La défaillance du système d’irrigation agricole constitue un frein au développement pour cette localité. Une forte diminution de la production frappe les cultivateurs au cours des cinq dernières années. Le changement climatique, le manque d’infrastructures de qualité ainsi que la non maîtrise de l’eau demeurent un blocage pour un millier de paysans. Une saison agricole catastrophique. C’est ce que les paysans peuvent résumer la réalité. Plus d’un millier de cultivateurs de riz se regroupent dans une association. Ils exploitent des surfaces cultivables d’environ 450 hectares. Leurs rizières longent, à l’Ouest, de la rivière d’Ikopa, depuis Ampasika jusqu’à la vaste étendue en face de la digue d’Ambohitrimanjaka. Au cours de ces dernières années, la production rizicole des terres n’arrivent plus à nourrir les familles qui dépendent majoritairement de la filière agricole. Irrigation défaillante Le changement climatique affecte le secteur agricole à Ambohidrapeto. En période hivernale, les rizières sont asséchées. Tandis qu’en été, l’inondation submerge les surfaces cultivables. « Je me souviens du temps où ces vastes étendues bénéficiaient d’une irrigation régulière. C’était dans les années 1970 quand les paysans ont pu profiter de l’abondance des récoltes. Mais après la dégradation de la digue de l’Ikopa, quinze ans après, l’effondrement des rives a perturbé le système d’irrigation. De fortes pluies ont apporté des alluvions dans la rivière. Plus tard, un barrage temporaire a été installé au niveau d’Ampasika et devant la digue d’Andohatapenaka mais cette infrastructure n’a pas résolu notre problème », explique Désiré Rasendrasoa, président de l’association des cultivateurs. Faible rendement Dans la plaine de Bemasoandro, les terres ressemblent aux zones frappées par la sécheresse dans le Sud. La période de moisson commence en septembre, selon le calendrier agricole. Les paysans ont commencé à préparer les pépinières vers le début de ce mois afin de repiquer les jeunes pousses. Quelques semaines après la germination, la végétation est jaunâtre par manque d’eau. Les jeunes pousses périssent dans les pépinières asséchées. Florentine Razafinirina, une mère de trois enfants, a visité son champ vers midi. Elle profite de l’eau qui coule dans le canal pour arroser les jeunes pousses. « Le temps a changé. Je m’occupe de mes rizières depuis que je suis mariée. J’ai toujours nourri mes enfants avec la production recueillie ici. Mais actuellement, le rendement est faible. Avec ces plants déshydratés, plus rien n’est à espérer à la récolte », avance-t-elle avec un petit sourire. La situation est décourageante pour les paysans. Ce tarissement de l’eau apparaît comme un indicateur du changement climatique. « La diminution des précipitations est un facteur du phénomène. C’est le cas le plus observé à Madagascar. Les conditions pourraient se présenter d’une autre manière, comme un cas extrême de la pluviométrie qui perturbe la structure agricole », explique Jane Razanamiharisoa, représentante auprès du Bureau national de coordination du changement climatique. Certains cultivateurs jettent l’éponge et ne s’attendent plus à ce que la production revienne comme avant dans la plaine d’Ambohidrapeto. Auparavant, ils récoltaient cinq tonnes à l’hectare contre deux tonnes actuellement. Pour eux, s’investir dans l’agriculture n’est qu’une perte de temps. « Un demi-sac de paddy a été récolté sur une parcelle de 1 000 m2 », se désole Edmond Razafindrabe, un cultivateur qui exploite ses terres depuis 1958. Du jamais vu. Mais comme il est agriculteur, un métier hérité de ses parents, ce père de famille perd espoir quant à l’avenir de ses rizières. « Nous ne pouvons pas repiquer. Chez nous, les gens ont recours à la méthode de vary tsaika selon laquelle on met en terre les graines sans irriguer. À cause de l’invasion des insectes, cette méthode est vouée à l’échec », s’insurge-t-il. La riziculture est une activité qui requiert un investissement. L’enchainement des tâches, durant toutes les étapes nécessite de l’entraide et de la main d’œuvre qui actuellement, est payée en fonction du travail. Le salaire diffère selon le sexe. Ainsi, une femme gagne 5 000 ariary pour une demi-journée de travail à larizière, contre 6 000 ariary pour l’homme. Pour une rizière de deux ares, les dépenses sont estimées selon les activités. Dans le détail, elles sont établies comme suit : 6 000 ariary pour le labourage, 6 000 ariary pour la préparation de la parcelle. Ce sont des tâches attribuées aux hommes. Les femmes sont dédiées au repiquage pour un salaire de 5 000 ariary, de 10 000 ariary pour l’épandage d’engrais, de 10 000 ariary pour celui des insecticides, de 5 000 ariary pour l’entretien et le désherbage, et 12 000 ariary pour la récolte et le battage. Toutefois, avec deux ares de surface, le propriétaire bénéficiera de deux sacs de riz soit environ cent kilos. Le profit est loin d’être satisfaisant. Ainsi, certains riziculteurs cherchent des solutions de substitution. Ils ont recours à la fabrication de briques. Les activités agricoles risquent d’être abandonnées pour toujours.
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