Tromelin : 1km2 pour 280.000 km2 de ZEE


L’île de Tromelin ne fait peut-être que 1 km2, mais sa ZEE (zone économique exclusive) s’étend sur 280.000 km2. L’observation des sternes ou des tortues vertes est un beau prétexte écologique, le suivi des cyclones qui traversent régulièrement l’Océan Indien sans doute une nécessité, tandis que l’inscription de cette île minuscule comme mémorial de la traite depuis la médiatisation de l’histoire des esclaves qu’on y a oubliés de 1761 à 1776, lui confère une aura historique sans commune mesure avec sa petite centaine d’hectares. Mais, c’est véritablement le potentiel de la ZEE qui aiguise les appétits. C’est Jacques Chirac qui, en 1999, proposa une cogestion franco-mauricienne sur Tromelin, formule qu’allait reprendre François Hollande à propos cette fois des «îles éparses» du canal de Mozambique revendiquées par Madagascar. La chronologie des faits sur le dossier de Tromelin peut éclairer sur ce qui pourrait advenir des «îles éparses». Rappelons que Tromelin est plus proche d’Antalaha, Foulpointe ou Toamasina que de l’île Maurice, mais les amitiés «progressistes» de Didier Ratsiraka lui ont fait abandonner toute prétention malgache sur l’ancienne «île de sable». Quatorze ans après la première revendication officielle par l’île Maurice en 1976, la visite de François Mitterrand, en juin 1990, posa le principe d’entretiens franco-mauriciens sur Tromelin. Une première réunion d’experts eut d’ailleurs lieu en décembre de la même année. Neuf ans plus tard, le 3 décembre 1999, au Sommet de la COI (Commission de l’Océan Indien), tenu à La Réunion, la déclaration finale posait un autre principe : «en l’absence de consensus entre certains États membres concernant la souveraineté de certaines îles de l’Océan Indien, ainsi que la délimitation et le contrôle des zones économiques exclusives, le Sommet a décidé, qu’en attendant l’aboutissement des consultations en cours, ces zones de contrôle seront cogérées par les pays qui les revendiquent». Encore onze autres années, avant que, le 7 juin 2010, soit signé un «accord-cadre» et ses conventions d’application. L’article 1er en définit l’objet («établir un régime de cogestion économique, scientifique et environnementale relatif à l’île de Tromelin ainsi qu’à sa mer territoriale et à sa zone économique exclusive») tandis que l’article 3 fixe les domaines de la cogestion : protection de l’environnement, ressources halieutiques, observations des phénomènes naturels et recherche archéologique. Les analystes de l’accord franco-mauricien le considèrent comme une originalité juridique qui, le cas échéant, «pourrait fournir un modèle pour l’apaisement des multiples différends de même nature qui opposent les États membres de la COI, la France et Madagascar sur les îles éparses du Canal de Mozambique, ou encore Maurice et le Royaume-Uni sur les îles Chagos». Le projet de loi d’approbation de cette convention sera ratifié, sans débat, par le Sénat français en 2012. Il passe ensuite devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, en sa deuxième séance du 20 mars 2013, qui l’approuve sans modification. Mais, le 11 avril 2013, le député du Tarn évoque un «grave précédent d’abandon de souveraineté». Le Front National, dans un communiqué du 12 avril 2013, en appelait à «rejeter ce traité anti-patriotique. Car, après Tromelin, la France sera conduite aussi à brader les autres Éparses du Canal de Mozambique, puis les archipels du Pacifique et, enfin, les Australes. Aujourd’hui, la France détient, dans le monde, le deuxième espace maritime, après les États-Unis. C’est un atout sérieux tant écologique qu’économique. Le liquider, morceau par morceau, en le transférant à des micro-États sans défense, c’est l’ouvrir au pillage de prédateurs sans scrupule». Face à cette levée de boucliers, le texte sera retiré de l’ordre du jour de la séance publique. Quatre ans plus tard, une nouvelle tentative de l’Exécutif français et de ses relais parlementaires eut lieu le mercredi 18 janvier 2017, mais le projet de loi sera encore retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. «Des décennies d’incompréhension et des discussions stériles» diagnostiquait le Premier Ministre mauricien, le 12 juin 2008. Trente-trois ans après les premiers pourparlers, le statu quo semble provisoirement définitif.
Plus récente Plus ancienne