Les Vazimba, premiers dévastateurs des forêts


En sillonnant le Sud-Betsileo pour réaliser son étude sur les Vazimba, Daniel Raherisoanjato souligne deux éléments importants: la vivacité des traditions orales parlant des Vazimba et l’existence de nombreux témoins matériels qui se rapportent à la période dite faha-vazimba. Les traditions betsileo indiquent que les Vazimba sont considérés comme « des nains ayant une petite tête, de longues dents (olo-botry, kely loha, lava nify )». Certaines ajoutent qu’ils ont le teint foncé et les cheveux crépus, longs et ébouriffés. Et d’autres, à propos de Rapeto, enrichissent son histoire de faits nouveaux ignorés en Imerina. Ainsi, dans le Sud-Betsileo, il est connu comme l’un des chefs vazimba (mpifehy) au même titre que des hommes célèbres tels Ravarongy, Ratsitakonala, Ravorotsihy, Randrianabolisy et Randrianakatsakatsa. En outre, les traditions betsileo rapportent que les Vazimba ne constituent pas les premiers habitants de la région. L’auteur signale une précision apportée par certaines traditions que d’autres groupes de populations les ont précédés. « Ce furent les Gola, les Taindronirony, les Bongo, les Fonoka, les Kimoso, les Taimbalimbaly que des auteurs comme le R.P. Dubois, Jessé Rainihifina et Maurice-Michel Rajoharson citent dans leurs récits.» Daniel Raherisoanjato remarque, en particulier, que les informations de Rajoharson sont les plus explicites. D’après ce dernier, Ravarongy est le chef vazimba le plus connu pour son pouvoir au moment de son installation dans la Haute-Vallée de la Mananatanana, en amont d’Ifandana. Son frère cadet, Rapeto qui lui succède, est aussi un homme célèbre « doté d’une force surnaturelle ». Rajoharson ajoute aussi que, partout où Rapeto est passé, ses pieds auraient laissé de grandes traces. « Ce furent, semble-t-il, les larges entailles faites en forme de pied que l’on trouve sur les rochers de Vohitsoa, Ambohimandroso et Vatobe ». Ces rochers sont situés à une dizaine de kilomètres à l’est et au sud de la ville d’Ambalavao. Les données fournies par Rajoharson, explique l’auteur de l’étude, concordent avec des traditions recueillies à Ankazotana, Anaody et Mahavanona. Dans ce « fait naturel exceptionnel », il faut voir « la motivation qui se trouve rattachée à cette histoire et qui a été transmise de génération en génération », fait-il remarquer. À partir de ces témoignages individuels, Daniel Raheri­soanjato donne quelques éléments sur les premiers peuplements, appelés les Tompon-tany, les maitres de la terre. Ces premiers habitants vivent par petits groupes indépendants et se nourrissent des produits de la chasse et de la pêche. En revanche, les Vazimba constituent un groupe mieux organisé, « sachant beaucoup de choses » (olo-mahay raha). Ils cultivent la terre et font de l’élevage. « Ils brûlaient la forêt et gagnaient ainsi de nouvelles terres pour leur culture ». L’auteur de l’étude évoque aussi deux évènements importants auxquels les traditionnalistes font toujours allusion. Il s’agit de la guerre entre les Tompon-tany et les Vazimba, et l’afotra, un grand incendie qui aurait brûlé tout le pays. Concernant le premier évènement tragique, les membres du groupe de recherche conduit par Julien Raharimahefa, enseignant de la Mission LMS à Ambala­manandray-Anjoma, sont unanimes pour dire que les Vazimba font de la culture sur brûlis sur les terrains où les Tompon-tany eux-mêmes pratiquent la chasse. « Ce fut l’objet du conflit qui bouleversa le pays. » Devant ce litige, certains Tompon-tany concluent des alliances matrimoniales ou des vakira (fatidra présidé par un devin ombiasa) avec les nouveaux venus, tandis que d’autres quittent la région pour s’établir ailleurs. C’est le cas des Kimoso qui se retirent dans le Sud, en pays bara. Quant au problème posé par l’afotra, les traditions orales attribuent l’origine de l’incendie à des feux de forêts que les Vazimba auraient allumé afin d’avoir de nouvelles terres de culture. Dans son étude, Daniel Raherisoanjato spécifie qu’à l’époque où il l’écrit, l’origine de ce sinistre reste encore un point obscur. Le fait dominant qui retient l’attention, note-t-il, vient de l’affirmation des traditions orales concernant, d’une part, « la grande déroute survenue dans le pays à la suite des incendies de forêts qui avaient provoqué la disparition du manteau forestier sur tout l’ensemble du pays »; et d’autre part, le rétablissement de la paix après une période de troubles née à l’arrivée des Vazimba.
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