Conscient Zafitody - « La grève à l’université de Barikadimy a été manipulée »


Le président de l’université de Toamasina est sorti du silence pour réagir à la grève qui avait secoué Barikadimy. Selon lui, le paiement des bourses respectait le timing imposé par la procédure, la sortie des résultats des examens et la fin des inscriptions et que cette manifestation était « commanditée » pour le faire évincer. D’abord, quelle est la situation sécuritaire à l’université de Toamasina en ce moment ? En général, après la grève, la situation est actuellement redevenue normale, au campus Barikadimy. Le projet de digitalisation, organisé par l’équipe de la Présidence de la République est déjà en cours et les étudiants suivent bien leurs consignes. Les enseignants ont discuté de la reprise des cours et des examens qui ont été suspendus pendant quelques jours. Ces activités reprendront éventuellement la semaine prochaine. Actuellement, les étudiants et le personnel cir­culent librement dans l’enceinte du campus. Les risques de tension ou de violence sont-ils maitrisés ? D’après notre observation, l’influence de politiciens sur les étudiants et/ou sur certaines personnes devenues des « mercenaires politiques » constitue un risque de tension que l’Université ne pourra pas forcément maîtriser. La politique à Madagascar est en effet très ambigüe. L’administration n’a pas encore jusqu’ici élaboré de stratégies pour maîtriser ce risque mais continue ses actions sur l’instauration de la paix sociale et que les étudiants et les employés poursuivent régulièrement leurs activités. Et donc, qu’en est-il de la reprise effective des cours ? Certains étudiants de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines ont demandé la continuité des inscriptions à l’égard de la note du MESUPRES portant fin des inscriptions pour l’année universitaire 2019-2020 en la date du 19 février 2021, sachant que l’administration n’a pas pu recevoir leurs dossiers pendant les jours de grève. Suite à des discussions avec les responsables du projet de digitalisation, une dérogation spéciale sera négociée au MESUPRES pour l’inscription de ces étudiants. Dès que la situation sera favorable à l’enseignement, la reprise des cours sera entamée. Justement, pouvez-vous donner des éclaircissements sur la situation des différentes années universitaires ? Les années universitaires au sein de l’Université de Toamasina ont toujours connu des retards par rapport aux autres universités. Depuis ma prise de service en 2019, ce retard cumulé a été supporté par notre nouvelle administration. Par ailleurs, chaque établissement progresse à des allures diffé­rentes. Les calendriers d’inscription et des cours sont différents selon la spécificité des établissements. Cette situation perturbe souvent l’organisation générale, notamment sur la gestion des bourses. Le retard des années universitaires a été aggravé par la pandémie de la Covid-19, qui a repoussé au 02 novembre 2020 la rentrée universitaire qui était prévue pour mars 2020. Le temps pour réaliser les activités pédagogiques a été écourté. Les étudiants ont plaidé pour la facilitation du paiement des frais de formation : certains n’ont payé que la moitié. L’administration a accepté le paiement partiel de ces frais à titre de mesures post-Covid. Le cas de ceux qui avaient manifesté pour réclamer les quatre mois de bourses d’étude, par exemple, concerne quelle année scolaire ? Les étudiants réclament les bourses de quatre mois à titre de l’année universitaire 2019 2020. Par contre, nous n’avons reçu que le budget pour la bourse d’un mois plus l’allocation d’équi­pement qui a été versé par le Ministère au mois de juillet 2020. Le paiement de ce dernier est déjà en cours et le reste sera pris en charge par la cellule en charge du projet de digitalisa­tion. Le paiement des bourses sera désormais centralisé au niveau de la Présidence de la République. En ce moment, des recense­ments biographiques et physiques des étudiants sont également en cours et ceci permettra de solutionner les grèves liées aux paiements des bourses. Désormais, cette même cellule se chargera des dispatchings des bourses aux étudiants qui ne sera plus la tache de la Direction des œuvres universitaires de l’Université de Toamasina. Pouvez-vous alors expliquer pourquoi le budget était déjà disponible au mois de juillet 2020 et qu’ en février 2021, les étudiants ne sont toujours pas payés ? D’abord, il faut préciser qu’au mois de juillet 2020, tout le monde était confiné et les activités pédagogiques ont été suspendues dans tous Madagascar. Par ailleurs, le paiement des bourses dépend de plusieurs facteurs. Seuls les étudiants inscrits légalement peuvent faire des demandes de bourse et la bourse n’est pas accordée automatiquement à tous les demandeurs. À la fin des inscriptions, il y a une sous-commi­ssion, composée des responsables des établissements ainsi que du service des bourses, qui vérifie un à un les dossiers des étudiants par rapport aux critères fixés. Cette année, la rentrée universitaire a commencé le 02 novembre 2020, or il y avait encore des établissements qui n’avaient pas encore terminé l’année scolaire précédente et d’autres n’avaient pas encore pu publier les résultats des examens alors que les inscriptions ne peuvent se faire qu’après la publication des résultats. Les inscriptions durent ensuite environ un mois et demi après la publication des résultats et c’est seulement après une vérification que la sous-commission propose à la commis­sion centrale une liste des étudiants ayant remplis les critères mentionnés et la bourse est accordée seulement aux étudiants qui ont rempli les critères exigés. A la fin, le Président de l’Université signe un arrêté incluant la liste des bénéficiaires. Pour l’année 2019-2020, la commission centrale a été effectuée le 17 février 2021 et ce n’était qu’après que la liste des étudiants bénéficiaires a été affichée afin de procéder au paiement. En clair, à qui revient la faute puisque vous êtes accusé d’avoir fait exprès de retarder le paiement des bourses ? Je ne donne tort à qui que ce soit, mais ce sont les procédures au sein de l’université de Toamasina qui ne permettaient pas de payer la bourse plus tôt. Ainsi, je souligne qu’il n’y a pas eu de retard, on est même à l’avance puisque Toamasina est la troisième université à avoir réussi à procéder au paiement de bourse après celle d’Antsiranana et de Mahajanga. Les univer­sités d’Antananarivo, de Fianarantsoa et de Toliara n’ont pas encore pu, pour le moment, le faire. Donc il n’y a pas de retard, et nous sommes même en avance par rapport à ces trois universités. On vous prête l’ambition de devenir ministre de l’Enseignement supérieure, cela ne crée-t-elle pas effectivement une atmosphère malsaine entre la présidence de l’université et votre ministre de tutelle ? La volonté existe puisque nous avons tous notre façon de voir les choses pour développer l’enseignement supérieur. Qui vous dit qu’il n’y a que moi qui ambitionne de devenir ministre ? Je ne vois pas où est le problème, c’est juste une manœuvre pour diaboliser une personne. D’ailleurs, même au sein des universités, on sait déjà qui sont les personnes qui veulent briguer la présidence des universités lors des prochaines élections ! S’ils remplissent les critères, ils ont le droit de postuler, je ne vois toujours pas où est le problème. En plus, des bruits de couloir avaient prédit qu’un remaniement allait être opéré et comme tout citoyen pensant pouvoir apporter quelque chose pour mon pays et ma profession, j’ai postulé. Pensez-vous qu’une collaboration franche entre les deux parties reste encore possible dans ce contexte ? Cette question est assez délicate. Je vous dis que cela fait un bon bout de temps que nous faisons des correspondances administratives simples au Ministre mais elles sont restées sans réponse. A titre d’exemple, il existe une commission de validation des indemnités des retraités et c’est un arrêté sorti par le président de l’université qui désigne les membres. Sauf que le texte précise qu’il faut un représentant du ministère pour présider cette commission. Cela fait longtemps que nous avons sollicité la désignation du représentant du ministère mais en vain alors que cette commission traite l’avenir de nos retraités. Jusqu’à aujourd’hui, la ministre ne m’a jamais répondu. Seul le secrétaire général répondait parfois, je dis bien parfois, pour les questions d’ordre administratif. Quelle solution pour sortir de cette confusion et rétablir définitivement le calme à l’université pour que les études puissent continuer en toute sérénité ? Il faut établir l’autonomie de l’université. C’est la solution qu’il faut pour le faire fonctionner normalement. Il faut donner le pouvoir à l’université pour assurer elle-même sa gestion. Il appartient ensuite à l’Etat de lui donner les moyens pour réaliser son programme de développement. L’année dernière, par exemple, nous avons voulu traduire des étudiants qui avaient provoqué des troubles en Conseil de discipline mais la ministre s’était opposée à cette procédure. Quelle Independence pensez-vous qu’on puisse avoir avec ce genre de pression ? Un des bureaux de l’université a été incendié, quels sont les dégâts, notamment par rapport aux dossiers des étudiants et des examens ? Un constat a été fait avec des huissiers et c’est seulement après cela que nous pourrions évaluer avec exactitude les dégâts qui ont été fait ce jour-là. Ce que je peux vous dire c’est qu’aucun document d’examen n’a été brulé. Par contre, beaucoup d’ordinateurs de bureaux avec des lits supers posés, des matelas appartenant aux étudiants ainsi que des imprimantes 3D ont été volés. Pensez-vous que cette manifestation avait pour objectif de vous faire évincer ? Oui. Il faut que vous sachiez que d’après des étudiants, juste après la mort du malheureux John Elie, un des leaders de la manifestation aurait reçu un coup de téléphone venu d’un haut responsable qui disait sur haut-parleur « n’arrêtez pas, n’arrêtez pas votre grève, je suis avec vous et on va dégager ce président ! ». Juste après cette conversation, le bâtiment R+3 a été vandalisé, cela m’a sidéré d’entendre ça. Comment peut-on aller jusqu’à fomenter une grève pour faire sauter un président d’université ? Est-ce que parce qu’il ambitionne de devenir ministre ? Et après avoir mené nos investigations suite aux incidents, les choses se sont éclaircies. La manière dont les grévistes avaient pu se procurer d’une copie du bordereau d’envoi du Trésor vers le compte de l’université, qui est un document confidentiel, est maintenant claire. Vous accusez le ministre ? Il appartient à chacun de tirer sa propre conclusion. Comment voyez-vous l’avenir de l’université et quel message voulez-vous passer aux étudiants ? Les étudiants devraient étudier mais ne pas faire du mercenariat, comme j’ai dit toute à l’heure. Il faut qu’ils reprennent les cours pour éviter une année blanche. Nous ce que nous voulons, c’est terminer cette année universitaire dans le calme. Il faut que vous sachiez que l’université de Toamasina depuis mon élection est devenue la deuxième université de Madagascar en termes de production de recherches et cela grâce au travail de notre équipe. Nous sommes actuellement au 10 844 e rang sur les 24000 universités dans le monde et nous ambitionnons de faire partie des top 500 en Afrique d’ici 2024. J’adhère à la vision de l’émergence de Madagascar du Président de la République et dans ce sens, nous sommes actuellement en train de finaliser la digitalisation totale de l’université de Toamasina que nous avons déjà commencé avec la numérisation de notre bibliothèque universitaire.
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