Un peuple qui tire son nom de son milieu


Les noms des peuples de la Grande île-certains les appellent tribus, d’autres les regroupent en ethniese rattachent pour la plupart à des circonstances ou à des faits locaux, de nature physique ou historique. Ce qui explique les interprétations variées qu’on leur donne. D’après Raymond Decary qui y consacre une étude, dans quelques cas, la traduction est simple, mais le plus souvent, elle prête à discussion. « Celle-ci se complique encore du fait que quelques appellations peuvent tirer leur origine première des langues du continent africain. » L’auteur en donne des exemples. Il en est ainsi des Merina qui occupent la partie centrale des Hautes-terres et qui, au moment de l’Indépendance, représentent la population la plus importante avec le quart du total général. Leur nom- « ceux du pays où la vue est étendue »- tire son origine de l’état de dénudation du sol. L’Imerina, transformé par les Français en Emyrne, est le « pays découvert, aux grands horizons ». D’après Decary, il a primitivement porté le nom de Bemihisatra (où il y a beaucoup d’immigrants). C’est vers 1600 que le roi Ralambo le change après avoir vaincu ses voisins et agrandi son royaume : de nombreux villages, installés sur les sommets des collines, sont alors visibles au loin, dans toutes les directions. L’auteur cite aussi une autre étymologie mentionnée dans un manuscrit malgache « écrit sous la dictée du chef Rabozaka et communiqué en 1914 à l’Académie malgache». D’après ces « Notes d’histoire malgache », le nom des Merina « proviendrait de ce que dans leurs relations commerciales avec les Antsihanaka, ils avaient coutume de dire : Mierina izy, ajoutez encore un peu. Le jeu de mots n’est pas rare en linguistique ». Mais Decary estime qu’une telle signification ne saurait être retenue. Les Merina portent aussi le nom d’Ambani­andro, « ceux qui sont sous (la lumière) du jour », allusion à l’aspect dénudé de la province ; ou encore celui d’Ambanilanitra, « ceux qui sont sous le (ou au pied du ciel», appellation qui rappelle l’altitude de l’Imerina et non pas le fait qu’autrefois, « ils croyaient être les seuls sur la terre ». Au Sud des Merina, vivent les Betsileo qui ont Fianarantsoa pour capitale. Leur nom signifie « nombreux invincibles, insupportables, auxquels on ne peut résister ». Il ne daterait que du XIXe siècle. Auparavant, ils sont connus sous des noms variés. Sur les Plateaux, ils sont dénommés Andriam­bohitsy (les seigneurs de la montagne) ou Andriambohi­tsombilahy (les seigneurs de la montagne riches en bœufs). À leur suite, Etienne de Flacourt les connaît sous le nom d’Arindrano, qui est celui de la province méridionale de leur territoire ; ou encore celui d’Ambatra, « habitants des plateaux », ambatra signifiant étage supérieur. D’après Berthier, c’est vers 1815, à la suite d’une tentative infructueuse du roi du Menabe pour conquérir leur pays, qu’ils adoptent leur nom actuel. Celui-ci trouve ainsi sa justification dans la résistance opposée alors à l’envahisseur. Le père Dubois qui leur consacre une monographie considérable, rappelle que le roi Radama, qui entreprend la conquête du pays, se serait écrié devant leur combativité : « Voilà encore des gens en quantité qui nous résistent ! » L’auteur fait toutefois remarquer que cette interprétation n’offre pas de certitude, mais prouve néanmoins que jusque dans les premières années du XIXe siècle, le mot betsileo n’est pas encore usité. Dans l’Extrême-nord de l’île, vivent les Antankarana, une « population islamisée ». Ils occupent la région de la montagne d’Ambre et surtout celle du massif calcaire de l’Ankara aux formes très déchiquetées. Ankara ou Ankarana vient de harana qui signifie d’abord corail blanc aux multiples branches. Par extension, il indique aussi tout ce qui est dur ou blanc, notamment les grands rochers « et même l’émail des dents », ajoute Decary. « Le nom d’Ankara ou grand rocher fait allusion aussi bien à sa masse et à sa couleur elle-même qu’à ses profondes érosions et découpures qui permettent de le comparer à une gigantesque touffe de polypiers. » Ce qui amène l’auteur à traduire Antankarana par « les gens des rochers » ou les « habitants du pays des coraux », comme l’explique Ferrand. Pour le père Tastevin, le mot se rapprocherait du kiswahili et signifierait au contraire, les roués, les habiles. Mais Raymond Decary conteste cette signification.
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