Les Betsimisaraka complètement divisés par l’extérieur


Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, après la mort du grand roi Ramaro­manompo (Ratsimilaho), expliquent les auteurs de l’ Histoire de Madagascar de 1967 (lire précédentes Notes). Vers 1750, de graves désordres se produisent sur la côte Est. Les pirates exercent sur les populations de mauvaises influences, « tantôt amis, tantôt ennemis ». De plus, les Zana-Malata acceptent, moins que les autres, la souveraineté d’un roi. « Les échanges, la traite, la piraterie empêchaient une évolution de la féodalité betsimisaraka vers l’unité. » Divisés par les questions d’intérêt, les Filoha et les Filohabe se disputent les ports. Ainsi, Le fils de Ratsimilaho, Zanahary, est chassé de Foulpointe, et son domaine est réduit à la baie d’Antongil. Quant à sa demi-sœur Bety qui règne à Sainte-Marie, elle ne peut échapper à la tutelle de la Compagnie des Indes. En effet, depuis que les Français introduisent le café d’Arabie à Bourbon, cette île lancée dans une agriculture d’exportation, semble destinée à « un bon avenir économique ». L’intérêt des Français pour Madagascar « rebondit » alors car n’est-elle pas une terre nourricière pouvant approvisionner les Mascareignes en riz, viande, esclaves… ? Sainte-Marie est ainsi une position stratégique de premier ordre. « L’influence de La Bigorne sur Bety- qui l’avait peut-être épousé- facilita la tâche de la Compagnie des Indes. » Son agent Gosse obtient « la reconnaissance de la souveraineté du roi Louis XV par un acte de cession signé de Bety et de ses vassaux. » L’anarchie règne alors dans cette région de Madagascar « où se rencontraient des tendances contraires». Les auteurs de l’ouvrage citent en premier lieu l’influence des pirates qui se prolonge par l’action des Zana-Malata : ils emmènent des flottes de piroguiers et de guerriers betsimisaraka, navigateurs émérites, jusqu’à Vohémar, dans les Comores. Ces expéditions fournissent essentiellement des esclaves. Elles atteignent parfois la côte orientale de l’Afrique. « L’audace de ces pillards, avides de butin, n’avait pas de bornes. La côte orientale de Madagascar elle-même est menacée par ce fléau jusqu’au temps de Radama Ier. » Les descendants de Ramaro­manompo sombrent dans cette anarchie « où l’aventure Benyowski ne fut qu’une imposture parmi tant d’autres ». Iavy, fils et successeur de Zanahary, ne peut empêcher l’implantation des commerçants français soutenus par la présence dans les eaux territoriales, des bâtiments de guerre. Le mécontentement des Betsimisaraka aboutit à l’assassinat de plusieurs princes, tels Zanahary et Zaka­vola, respectivement père et fils de Iavy. L’anarchie entretenue et exploitée par les traitants, leur permet de contrôler les ports en permanence. Les Français Dumaine, puis Sylvain Roux accèdent ainsi à une sorte de consulat, étant officiellement soutenus par les gouvernements de Bourbon et de l’Ile de France. « Tamatave devint le principal centre de la traite au début du XIXe siècle. L’interprète de Sylvain Roux, le métis Jean René, soutenu par son ancien patron, usurpa le pouvoir des Zana-Malata et devint après 1810 le Panzakamena de Tamatave. » En fait, après avoir arrêté les razzias des princes sakalava et des peuples de l’Ouest, « les Betsimisaraka, devenus à leur tour pourvoyeurs d’esclaves, n’échappèrent pas aux méfaits de la traite ». Les peuples de l’arrière-pays, les Ambanivolo en particulier, s’ils sont victimes et tributaires, profitent parfois de leur éloignement de la côte pour se réfugier dans la forêt de la falaise orientale pour les protéger. Les Antavaratra qui ont vaincu les Tsitambala et les Anatatsimo, sont eux-mêmes les victimes des traitants après la mort de Ramaromanompo. « Malgré ce prince exceptionnel, malgré la communauté de langue et de mœurs favorable au rassemblement de leurs groupes, les Betsimisaraka victimes des interventions extérieures restèrent finalement très divisés. »
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