Edgard Razafindravahy - « Prendre le temps de discuter du code de la communication »


Le chef de file du parti Antoka sy dinan’ny Nosy (ADN), également propriétaire d’un groupe de médias, s’exprime sur le processus d’adoption du projet de code de la communication. L’Assemblée nationale a finalement décidé d’ajourner l’adoption du code de la communication. Consi­dérez-vous, en tant que patron de presse, que les médias ont emporté une bataille ?  C’est une bonne chose que le texte n’ait pas été adopté à la va-vite. Mais je ne verrai pas cela comme une victoire de qui que ce soit sur qui que ce soit. Néanmoins, je ne saurais passer sous silence la solidarité dont les journalistes et différents organes de presse ont fait preuve dans ce mouvement. Il était important que les médias unissent leur voix face à ce qui pouvait constituer un danger pour leur profession, mais aussi pour la démocratie. Maintenant, il faut profiter de l’ajournement de l’adoption de ce texte pour donner aux médias et aux autorités le temps de discuter, une nouvelle fois, de ce code de la communication, et de trouver le meilleur texte qui gérera la communication à Madagascar. Il est important que l’on remette ce projet de loi sur la table des discussions. Il semble pourtant que le texte doive passer en session extraordinaire dans les plus brefs délais pour être adopté. Madagascar attend ce projet de texte depuis plus de 20 ans, et j’estime qu’il est effectivement important que la Grande île se dote au plus vite d’un texte moderne, répondant aux standards internationaux. Je ne citerai que la fin des peines privatives de liberté. La loi qui est actuellement en vigueur prévoit des peines de prison pour les délits de presse. Elle doit absolument cesser d’être en vigueur dans les meilleurs délais pour que certaines personnes ne l’utilisent plus. Avec la nouvelle loi, il n’y aura plus de peine de prison pour certains délits de presse, et il est important qu’une nouvelle loi soit adoptée. Ce n’est pas pour autant qu’il faille se précipiter. Beaucoup de dispositions prévues dans le projet sont perfectibles, et doivent faire l’objet de discussions entre les autorités et les professionnels des médias. Parlez-vous par exemple de l’article 85 qui prévoit que le directeur de publication soit l’actionnaire majoritaire ? Oui, mais pas que de cette disposition. Le gouvernement, par exemple, doit montrer sa réelle volonté de se conformer aux standards internationaux en matière de délits de presse. Pourtant, je ne pense pas que le fait de laisser la porte ouverte aux confiscations des matériels ou à la fermeture des organes de presse en cas de condamnation pour diffamation figure parmi ces standards. Pourtant, c’est ce qui est prévu dans le projet de code. Mais il y a aussi l’article 85 : seriez-vous prêt à endosser le costume de directeur de publication des organes de presse dont vous êtes le propriétaire ?  Et pourquoi pas si j’en avais les compétences   Mais je ne suis pas journaliste, et les entreprises de presse dont je suis propriétaire sont dirigées par des professionnels qui connaissent leur travail et qui n’ont pas besoin que je vienne m’immiscer dans leur travail. Et puis, en tant qu’homme politique, je n’ai pas à dire aux journalistes comment faire leur travail. Justement, en tant qu’homme politique, pensez-vous que, derrière cet article, il y ait une velléité de s’en prendre aux hommes politiques propriétaires des médias  ? Je n’exclurai pas cette velléité. Par contre, je pense que si les journalistes font correctement leur travail, et le font en toute responsabilité, il ne devrait pas y avoir de problèmes. Les professionnels savent jusqu’où il faut aller et quelles sont les limites à ne pas dépasser. C’est pourquoi, le poste de directeur de publication doit être assumé par un professionnel. Dans le cas contraire, ce serait un véritable danger pour le journalisme. Il n’est pas bon qu’un homme politique ait l’entière mainmise sur les médias. Mais vous-même, n’avez-vous pas acheté tous ces organes de presse pour pouvoir influencer sur l’actualité et sur le cours de la vie politique ? Quand un homme politique se dote d’un média, il est clair que son objectif est de s’en servir pour être le relais de ses idées et de ses convictions. Mais cela ne doit pas faire oublier les missions premières et essentielles des médias : celles d’in­former les citoyens et de leur donner les éléments nécessaires à la compréhension de tout ce qui les entoure. Le tout dans le respect des règles éthiques et déontologiques. Croyez-vous que les hommes politiques, et en particulier les dirigeants, aient raison de se méfier des journalistes ? Il est vrai que dans une communauté, il y a toujours quelques brebis galeuses à qui il faut constamment rappeler les obligations et les devoirs en tant que professionnels des médias. Les journalistes ne doivent pas oublier que chaque droit et chaque liberté implique une responsabilité. Propos recueillis par Bodo Voahangy
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