Proposition de loi - Le code de la nationalité fait peur


Les députés ont décidé d'ajourner le débat et le vote de la proposition de loi portant modification du code de la nationalité. L'Assemblée nationale a cédé face aux appréhensions d’une partie de l’opinion publique. Les députés se débarrassent de la patate chaude. Durant la séance plénière d’hier, ils ont décidé d' ajourner «pour une session présentielle», les discussions et le vote de la proposition de loi portant modification du code de la nationalité. La décision d'ajourner le sujet a été prise en commission. Porteur de la proposition de loi, le député Lovanirina Célestin Fiaro­vana, accepte la décision de ses pairs. Pareil­lement, pour la députée Eléonore Johasy, qui a présidé les travaux de commission. Tous deux martèlent pourtant la nécessité d'améliorer le code de la nationalité. L’ordonnance y afférente date de 1960. Des améliorations s’imposent pour qu’elle soit au diapason des réalités et enjeux du 21e siècle. À entendre les prises de paroles, hier, l'Assemblée nationale a cédé aux pressions d’une partie de l’opinion publique. Comme le souligne le député Idealson, la proposition de loi fait l’objet d’un vif débat sur les réseaux sociaux. Certaines réactions sont particulièrement virulentes et frisent la xénophobie. Même le Conseil oeucumenique des Églises chrétiennes de Madagascar (FFKM), a touché mot sur le sujet dans son message de Pentecôte. Les députés décident de «s’accorder du temps», et de «procéder à des consultations élargies de différents acteurs». De mener une campagne de sensibilisation pour que les citoyens soient au fait du contenu et des enjeux de la proposition de loi modifiant le code de la nationalité. Une première dans l’histoire récente de la Chambre basse. Le fait est que la proposition de loi initiée par le député Fiarovana touche un sujet qui fâche et qui fait peur. Les débats sur la question sont pourtant dévoyés et même hors sujet. Une situation renforcée par les difficultés d'accès au contenu du texte. Il s'agit d’une des rares propositions de loi à l’affiche de cette cession, qui n’est pas disponible sur le site web de l'Assemblée nationale. Un sésame Les frondes contre le texte tablent sur des hypothèses et des appréhensions. La communauté d’origine indienne est particulièrement ciblée. Certains s'offusquent que la proposition de loi offrirait à cette dernière un sésame pour l’acquisition de terres. Les initiateurs du texte sont même accusés d’avoir l’intention de «brader la patrie». Pour d’autres, ce serait dérouler le tapis rouge aux éventuelles prétentions électorales d’un opérateur étranger. Le code de la nationalité prévoit les critères de naturalisation. Un sujet que la proposition de loi de l'élu de Betafo voudrait mieux encadrer. Selon l’ordonnance de 1960, un étranger ayant sa résidence habituelle à Madagascar pendant cinq ans peut prétendre à être naturalisé. La proposition de loi de l'élu de Betafo veut élargir ce délai à dix ans. Dans la pratique, d’autant plus, la corruption fait que ce délai de cinq ans, toujours en vigueur, n'est pas respecté comme il le faut. Le droit pour une personne naturalisée de briguer un mandat électif est déjà prévu par l’ordonnance de 1960. Ceci, après une période d'incapacité de dix ans. Un délai d'incapacité qui concerne aussi la possibilité d’acquisition de biens immobiliers. Seulement, ce point a été abrogé par une loi adoptée en 2003, «(...) afin de favoriser la participation des étrangers ayant acquis la nationalité malgache au développement économique de Madagascar». Un texte oublié par l’opposition, de prime abord. L’ordonnance de 1960 prévoit d’autres critères comme la justification «d’une assimilation à la communauté malgache, notamment par une acquisition suffisante, selon sa condition, de la langue malgache». La proposition de loi bottée en touche hier veut, du reste, faire jouir aux apatrides du droit fondamental d’avoir une nationalité. Ils seraient près de sept cents. Issus de différentes origines, et non pas uniquement indiennes, ces personnes sont installées à Madagascar depuis plusieurs générations. La proposition de loi veut, par ailleurs, placer le code de la nationalité dans l'ère du temps. Elle supprime la discrimination de genre dans la transmission de la nationalité du parent à un enfant. Elle supprime aussi le critère de capacité physique ou mentale pour pouvoir acquérir la nationalité malgache.
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