Le pouvoir nuit au cerveau


Pendant que, sans doute, certains réfléchissaient à comment drainer vers le 13 mai un syndicalisme inexistant du 1er mai, je regardais un documentaire, «Le pouvoir nuit-il gravement au cerveau ?». Une production de la chaîne «Public Sénat», comme un exemple de ce qu’une chaîne publique pourrait proposer, autre que le publi-reportage permanent de la moindre inauguration gouvernementale ou la retransmission en direct et en intégralité des séances d’insulte à l’Assemblée Nationale ou des harangues guère plus policées sur la place du 13 mai. Les deux journalistes, Hélène Risser et Hélène Fesnel, ont posé la question des effets du pouvoir sur les chefs d’État : «Des recherches récentes en psychologie et neuroscience ont montré à quel point le pouvoir, la solitude, le stress, trois éléments indissociables de la fonction de président de la République, influencent les comportements». Un psychologue social, un éthologue (celui qui étudie le comportement des animaux dans leur milieu naturel), une neurobiologiste, un psychanalyste professeur de psychopathologie, et Giacomo Rizzolatti, une sommité neuroscientifique spécialiste des «neurones miroirs» (faire ou imaginer faire, c’est la même chose pour le cerveau, de l’homme comme du singe), intervinrent. Les acteurs politiques, témoins de proximité du quotidien des anciens présidents français Nicolas Sarkozy et François Hollande, apportèrent leur lot d’anecdotes. Le comportement du mâle alpha chez un groupe de macaques ou dans la société des souris n’aurait rien de fondamentalement différent avec celui d’un président népote (adepte du népotisme) ou celui qui s’autorise un fait du prince malgré l’autorité de la chose jugée. «Le président a besoin de flatteries, non pas parce qu’il serait plus vaniteux que tous les autres, mais parce qu’il est inquiet». Autour du président, des courtisans, précautionneux ou hypocrites, et les vrais conseillers qui disent franchement ce qu’ils pensent. Les mêmes acteurs politiques de raconter les courtisans jaloux de leurs (petits) pouvoirs et qui font barrage aux intrus à leur premier cercle, censurant du coup toute idée nouvelle et sans doute novatrice. Les scientifiques nous expliquent qu’il ne s’agit uniquement plus là de politique, mais de neurobiologie, le fruit d’une évolution sociale sur plusieurs milliers d’années. Grâce à ce documentaire, j’ai découvert «L’abdication» (éditions Grasset, 2017), le livre d’Aquilino Morelle, conseiller politique de François Hollande (mai 2012- avril 2014), précédemment conseiller du Premier ministre Lionel Jospin (1997-2002), et auteur du discours du Bourget, lors de la campagne de 2012. Parce que les constitutions malgaches sont directement inspirées de celle française du 4 octobre 1958, il n’est pas indifférent d’entendre un écho ici, de ce qui s’ourdit là-bas. Extraits. «Alors que sa vocation était de rassurer, le gouvernement inquiétait. Alors que sa vocation était d’en diriger l’action, le Premier Ministre hystérisait le gouvernement. Conséquence de ce grand gâchis gouvernemental, le président de la République se trouvait de plus en plus directement exposé. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le chef de l’État était ainsi devenu le bouclier de son Premier ministre. Renversement politique contre-nature, qui ne pouvait persister ni rester sans conséquence». «Pendant deux ans et demi, le Président a fait semblant de conduire la politique pour laquelle il avait été élu, celle présentée et détaillée dans le discours du Bourget. Il a singé le volontarisme, mimé le patriotisme, simulé une politique de lutte contre la finance spéculative jamais engagée, proclamé à répétition une réorientation de l’Europe sans cesse repoussée. Toute une chorégraphie politique destinée à donner le change. (...) toute cette mise en scène n’offrait qu’un seul spectacle - pas seulement celui de l’impuissance, mais celui de l’impuissance voulue et consentie, cette impuissance singulière qui porte le nom d’abdication (...) On ne se choisit pas un souverain démocratique (...) pour voir ensuite celui-ci déposer, paisiblement, benoîtement, au bout de seulement quelques mois, sans explication, et avec le sourire, le pouvoir qu’on vient de lui confier». Ou «comment une somme de renconcements a conduit à la renonciation». Pour conclure, cette phrase à propos d’un «séisme intime» dans le calme trompeur mais la vraie solitude du pouvoir : «la tristesse de son regard était insondable : celle d’un homme seul et conscient du gâchis qu’il avait causé comme de l’épreuve qui l’attendait». par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
Plus récente Plus ancienne