Miora Rakotomalala - « La différence est une richesse à exploiter »


Cette mère d’une enfant autiste considère sa fille comme ayant de la chance. Elle se bat pour que la société accepte la différence. [caption id="attachment_78240" align="alignleft" width="241"] « Je me donnerai corps
et âme pour qu'elle soit heureuse et épanouie, et fière
d'elle-même. »[/caption] Comment se présente l'autisme chez votre enfant ? Avant, c'était une enfant non verbale, très renfermée et très agressive. Mais maintenant que nous avons appris ce qu'est l'autisme, ainsi que par de multiples efforts fournis par nos familles et proches, et par elle-même, elle commence à s'exprimer, à devenir très affectueuse et plus tolérante. D'après le spécialiste qui l'a diagnostiquée, elle est une autiste typique. À quel âge a-t-elle été diagnostiquée autiste ? D'abord, j'ai effectué moi-même le diagnostic quand elle avait 3 ans, cela nous a permis de nous orienter. Le diagnostic fait par le spécialiste a été réalisé en 2017, elle avait alors 8 ans. Quels sont les symptômes qui vous ont alerté, au tout début ? Les symptômes classiques. Aucune interaction visuelle, aucune interaction avec les autres personnes. Elle ne pointe pas du doigt, ne réagit pas quand on l'appelle, refuse les câlins, ne s'exprime pas verbalement. Comment ce trouble de développement a-t-il évolué en elle, depuis les premiers symptômes ? C'était surtout au niveau de la communication qui a été très difficile, car étant enfant, elle arrivait à se débrouiller toute seule sur ses principaux besoins. Mais pour le reste, comme pour exprimer ses sentiments, elle était très frustrée de ne pas pouvoir le faire, et moi aussi d'ailleurs. Je me sentais démunie de ne pas pouvoir l'aider à aller mieux. Quelles sont les choses de la vie courante auxquelles votre enfant ne peut pas participer ? Elle est actuellement au sein d'une petite structure spécialisée pour enfants à besoins particuliers. Elle suit également des séances de musicothérapie, chaque semaine. Elle fait l'effort d’être avec les autres, ses camarades d'école, ses cousins et ses cousines, mais elle ne peut pas encore jouer très longtemps avec eux. Nous ne pouvons pas encore participer à des cultes interminables à l'église, ni faire des sorties dans des endroits où il y a beaucoup de monde. Comment vit-elle cette différence neurologique ? Mon enfant ne sait pas encore exprimer verbalement ses sentiments. Je lui ai appris à les exprimer par des gestes. Ainsi, nous ne sommes pas encore à ce stade là. Mais je lui ai aussi appris à apprécier sa différence, de ne jamais se douter de ses capacités quoi qu'on puisse dire d'elle, qu'elle est unique et parfaite comme elle est. Je pense qu'elle a compris. Et vous, comment vivez-vous cette aventure, celle d’« être une mère d'un enfant autiste » ? Qu'est-ce que vous supportez le moins ? Au début, c'était comme si le ciel m'était tombé sur la tête, mais il paraît que c'est une réaction tout à fait normale... Mais le truc, c'est de savoir accepter les faits et d'apprendre à vivre avec. Mais ce qui est encore mieux, c'est de savoir l'apprécier. C'est très bénéfique pour l'enfant de se sentir aimée avec ses caractéristiques. C'est ce qui l'a poussé à faire des efforts pour nous. Ce qui me répugne, c'est d'abord le refus de la société de connaître et d'accepter cette différence. Ensuite, le manque de réactivité des responsables (étatiques, médicaux,...) dans la prise en charge de ces enfants. Pouvez-vous raconter une anecdote de votre vie ? Il n'y a pas si longtemps, on est sortie en famille pour dîner au restaurant. Comme à tout le monde, la serveuse lui a donné la carte de menu, et comme tout le monde, elle l'a parcouru du regard. Ensuite, elle a énoncé clairement « lapin », j'étais super étonnée, et j'ai regardé sa carte, et elle m'a montré le mot écrit, et il n'y avait pas de dessin ! J'ignorais que ma fille savait lire, j'avais des doutes. Mais à cet instant, c'était confirmé, et je ne savais pas comment elle faisait car à l'école, les maitresses ont dit qu'elle refusait toujours de participer quand il s'agissait des lettres. Par contre, elle aime bien les chiffres. Commet vous organisez-vous pour vous occuper d'elle et de votre travail à la fois ? Elle a une nounou vraiment formidable, c'est une vraie chance pour nous, car d'habitude, les parents galèrent pour trouver quelqu'un capable de s'occuper d’un enfant autiste. J'ai décidé de travailler car c'est vital pour mon épanouissement personnel. Ce qui, naturellement, conduit à son épanouissement à elle aussi, car si moi-même, je me sens frustrée ou déprimée, comment saurais-je rendre heureuse mon enfant ? Comment imaginez-vous votre fille d'ici dix, vingt ans ? Je la vois heureuse et épanouie, et fière d'elle-même. Je me donnerai corps et âme pour qu'elle le soit. Que souhaiteriez-vous pour améliorer la prise en charge de ceux qui sont sujets à ce trouble de développement ? D'abord, je ne dirais pas qu'ils sont victimes, je dirais plutôt qu'ils sont chanceux. Mais pour que leurs caractéristiques soient vraiment une chance, il faut d'abord leur donner l'attention qu'ils méritent, comprendre leurs besoins, ainsi que ceux de leurs familles, les aider et les soutenir dans ce sens. Ceci demande la participation de chacun, à commencer par la famille, les entourages, la société, et le pays tout entier. En cette célébration de la Journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme, quels messages voudriez-vous faire passer ? Je souhaiterais que chacun soit conscient que la différence fait partie de la société, qu'il faut l'accepter et l'apprécier pour pouvoir vivre en harmonie tous ensemble. La différence est une richesse qu'il faut savoir exploiter et apprécier.  
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