Hagamamy Tahiana Dafy - « Arrêtez de me repousser »


Madagascar célèbre, cette semaine, la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme. Des interviews croisées ont été réalisées dans le cadre de cet évènement. Un adolescent autiste et la mère d’une enfant autiste ont répondu à nos questions. [caption id="attachment_78228" align="alignleft" width="300"] Cet adolescent de 17 ans, autiste, évolue pour devenir de moins en moins dépendant des autres personnes. Avec l’assistance de sa mère, il nous partage sa vie, ses rêves…[/caption] Qu’est-ce que l’autisme, selon toi ? L’autisme n’est pas une maladie et encore moins une maladie mentale, il s’agit d’un état. Une personne autiste est différente des autres. Comment se présente-t-il chez toi ? Je suis autiste car j’aime me mettre à l’écart des autres. Et il y a beaucoup de choses simples de la vie courante que je ne maîtrise pas, comme nouer les lacets de mes chaussures, faire le ménage en utilisant un balai, manier un couteau… Je me concentre peu, bien qu’à l’école je fasse de mon mieux pour rester concentré le plus longtemps possible. Et j’ai beaucoup de mal à communiquer, j’ai peu d’amis. Mais je suis sur le point de m’évoluer. Qu’est-ce que tu entends par t’évoluer ? J’apprends petit à petit à être indépendant. Du préscolaire jusqu’à la classe de seconde, j’étais toujours accompagné. Actuellement, je vais tout seul à l’école, Je fais attention aux véhicules sur la route, j’ignore désormais les moqueries des autres. J’apprends à nouer mes lacets. Et je sais faire mon lit, je lave tout seul mes linges de corps tels que les chaussettes, et les sous-vêtements. Tes parents racontent que tu as appris à lire sans que l’on te l’ait initié… Effectivement. Quand j’étais enfant, je passais mes vacances chez ma grand-mère à Ambanidia. Sur la route, j’ai déchiffré des mots comme « Paositra », « Parabole ». Et à trois ans, j’ai déjà su taper à l’aveuglette le clavier d’un ordinateur. Tout cela, je l’ai appris comme ça, sans aucune aide. Te souviens-tu de ton premier mot ? « Total » a été mon premier mot. Il y avait une facture de la Jirama chez ma grand-mère, et ce mot y était inscrit. À l’époque, je ne savais pas dire d’autres mots comme « papa », ou « tôtô ». Tu as réussi avec brio l’examen du BEPC, il y a deux ans. Où en es-tu dans tes études, actuellement ? Je suis en classe de Première scientifique dans un lycée. Je suis certains cours en classe et d’autres à la maison. J’excelle dans les mathématiques, les sciences physiques, les sciences de la vie et de la terre et le malagasy. Pour ces matières, j’obtiens en général des notes de 16/20 à 18/20. [caption id="attachment_78229" align="alignright" width="300"] « Comme moi, ne vous découragez pas, gardez toujours la tête haute quoiqu’il arrive »[/caption] Après le baccalauréat, quelles études supérieures envisages-tu de suivre ? Je voudrais suivre des études en multimédia. Car mon rêve d’enfance, c’est de devenir animateur. J’admire beaucoup les animateurs comme Rija Tahiana et Christian. Je rêve de devenir comme eux, un jour. Te sens-tu prêt à mener tout seul ta vie ? Pour le moment, je suis encore très dépendant de mes parents. Mais un jour, j’aimerais être indépendant. Après le baccalauréat, par exemple, j’aimerais résider dans les cités universitaires. Là-bas, j’y serais maître de ma vie. J’apprendrais les tâches quotidiennes, comme préparer le repas, faire le ménage et tout… Estimes-tu être un fardeau pour tes parents ? Oui. Je pense être une charge pour eux, parce que je perturbe le voisinage et mes frères. L’autisme est une charge pour les autres, bien que pour moi, ça va. Est-ce que l’autisme te fait souffrir ? Oui. Je sens que je dérange les autres, et je me sens exclu. Certaines personnes me demandent de l'argent en contrepartie de notre amitié. Si je ne leur en donne pas, elles me disent que nous ne sommes plus amis. Et en classe de 5ème, on m’avait déchiré mes feuilles de copies. Cette discrimination, je ne l’accepte pas. Et le fait de ne pas avoir d’amis me crève le cœur, mais je n’en pleure pas, car à 17 ans, on ne devrait plus pleurer. Lorsque je suis triste, je bois un peu d’eau pour me calmer. Que supportes-tu le moins dans cette situation ? Je ne supporte pas le fait d’être taquiné, qu’on dise du mal de moi. Cela me met en colère. Est-ce facile de vivre différemment ? En général, cela ne devrait pas être difficile, sauf lorsqu’on me cherche. Quand cela arrive, je peux taper ou mordre. Mais après, je retrouve le calme. En général, je suis quelqu’un de gentil, je souris beaucoup, mais il ne faut pas me chercher. Quel est le meilleur souvenir de ta vie ? Les vacances qu’on a passées en famille à Mahajanga, l’année passée. Nous étions partis le 21 septembre et étions revenus de Mahajanga le 28 septembre. Le mariage d’un membre de la famille à Itaosy, en septembre 2018 a été aussi inoubliable. Comment se déroulera ta vie future lorsque tes parents ne seront plus là ? Je vivrais avec mes enfants. J’aurais une famille à moi. J’aurais trois enfants comme mes parents, mais au lieu de trois garçons, j’aurais un garçon et deux filles. Quels messages voudrais-tu passer, en cette Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme ? Je voudrais dire aux autres d’arrêter de me repousser. Je m’efforce de me comporter comme une personne normale, alors ne me poussez pas à régresser. À mes semblables, je voudrais leur conseiller de changer. Comme moi, ne vous découragez pas, gardez toujours la tête haute quoiqu’il arrive.  
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