Marcelle Ayo, country manager de l’IFC pour Madagascar, Maurice, Les Comores et Seychelles - "Nous sommes très optimistes grâce à la stabilité politique"


Malgré une présence à Madagascar depuis 2003, la Société financière international ou IFC (International finance corporation) est une agence du Groupe de la Banque mondiale encore peu connue dans le pays. La country manager Marcelle Ayo donne plus de détails sur l’agence et ses perspectives. L’IFC est souvent confondu avec la Banque mondiale. Pouvez-vous éclairer nos lanternes en quelques mots ? L’IFC appartient au Groupe de la Banque mondiale qui compte cinq agences. Il y a les agences de la Banque mondiale qui travaillent avec le secteur public (La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et l’Association internationale de développement (IDA) forment la Banque mondiale, ndlr), La MIGA (Agence multilatérale de garantie des investissements, ndlr) et le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, ndlr). La cinquième agence c’est l’IFC. Nous avons pour vocation de travailler avec le secteur privé en apportant des solutions de financement ou d’assistance technique. Notre assistance technique peut aller à l’endroit des acteurs du secteur privé mais également à l’endroit de l’Etat lorsque leurs activités sont en lien avec le secteur privé. Toutes les cinq agences du Groupe de la Banque mondiale ont la même mission qui est d’éliminer la pauvreté et de faire en sorte qu’il y ait un partage de richesses plus équitable. Quelles sont les actions concrètes de l’IFC à Madagascar ? IFC est à Madagascar depuis 2003. Nous intervenons dans plusieurs secteurs d’activité. Notre plus grande exposition est sur le secteur aéroportuaire. Nous avons financé les travaux de réhabilitation et les travaux de construction de nouveaux terminaux pour Ravinala Airports que ce soit à Ivato ou à Nosy Be. Nous sommes aussi présents sur le secteur de la vanille et sur la filière bovine à travers le projet Bovima. Le projet Bovima utilisera la production des paysans pour nourrir les zébus. Il y a un lien direct avec Fihariana lorsque celui-ci finance les producteurs. Nous finançons également les institutions financières. Les banques commerciales et les établissements de microfinance pour que ceux-ci prêtent aux PME et même aux MPME. C’est à travers les banques que nous finançons ces acteurs. Vous êtes présents à Madagascar depuis 2003 avec un total d’investissement de 250 millions de dollars. Pouvez-vous faire un bilan de cette présence ? Il est difficile à mon niveau de faire un bilan. Les activités d’IFC par le passé ont été également sujettes aux soubresauts politiques qu’a connus le pays. Les différentes crises politiques ont beaucoup impacté nos activités à Madagascar. Aujourd’hui nous sommes très optimistes grâce à la stabilité politique. C’est un moment historique pour Madagascar car c’est la première fois que le président sortant et le nouveau président sont élus démocratiquement. Cela nous donne beaucoup d’espoir. Cela a déjà commencé à porter ses fruits en matière de stabilité macroéconomique, en matière de réserve de change, en matière d’inflation et de croissance. Madagascar atteint des niveaux qu’on n’a pas eus depuis très longtemps. Ce sont des bases saines pour nous pour envisager l’avenir. Justement, quelles sont les perspectives de l’IFC à Madagascar ? C’est dans ce cadre que nous sommes en train d’élaborer notre stratégie pays. C’est une stratégie qui utilise le Plan émergence Madagascar (en cours de finalisation) comme base de départ. Nous nous intéressons particulièrement au pilier économique de ce Plan et c’est sur cette base que nous allons choisir certains secteurs sur lesquels nous allons apporter une attention plus accrue. Toutefois, les investissements qui seront déployés dépendront beaucoup des réformes que l’administration voudra bien mettre en place pour nous permettre de faire le maximum pour déployer les fonds parce que les fonds sont disponibles. Pouvez-vous développer ? Nous nous sommes posé la question de savoir ce que nous allons faire dans le pays, quels seront les secteurs où nous aurons le plus d’impact.Où est-ce que le secteur privé peut créer des emplois ? Ces secteurs sont le textile, l’agriculture, et le tourisme. En parallèle à la création d’emplois, il faut l’inclusion financière. Par ailleurs, étant donné la faiblesse des infrastructures, nous nous sommes engagés dans ce secteurà travers le transport entre autres mais aussi l’énergie. Nous sommes notamment en train d’envisager le financement du projet de Volobe. Enfin, il y a le développement des compétences. Nous nous penchons surtout sur le secteur manufacturier. Ce secteur, notamment le textile, a une grande qualité dans la mesure où les compétences y sont transférables partout ailleurs. Quand on soutient le secteur manufacturier, on soutient le renforcement de compétence dans tout le pays. Vous intervenez au niveau du secteur privé. Dans votre rapport annuel de 2019, vous parlez d’investir pour un impact positif. Comment faire la part des choses entre le profit et ‘’l’impact positif" ? IFC appartient certes au groupe de la Banque mondiale mais nous sommes autonome financièrement. Nous finançons nos activités grâce aux profits que nous générons à travers nos projets. Ce qui veut dire que tout projet que nous décidons de financer doit être rentable parce que c’est de cette rentabilité que dépend notre santé financière et notre habilité à financer d’autres projets. La deuxième chose c’est que dans le cadre de notre mandat qui est d’éliminer la pauvreté et de faire en sorte qu’il y ait une meilleure répartition des richesses, nous nous devons de financer des projets qui ont un impact en termes de développement économique et social. L’un ne va pas sans l’autre. Il nous faut le profit et l’impact. Le troisième point c’est l’additionnalité. Est-ce que nous sommes en train de jouer un rôle spécifique ou est-ce que nous sommes en train de concurrencer les banques commerciales ? Nous devons apporter un plus, au-delà du financement. C’est la raison pour laquelle nous combinons souvent financement et assistance technique. Parce que c’est grâce à l’assistance technique que nous rendons un projet banquable. Des projets qui n’auraient pas été banquables au départ le deviennent grâce à l’intervention d’IFC et avec la collaboration avec la Banque Mondiale.     Comment se finance l’IFC ? Nous avons une notation triple A. Grâce à cette notation, nous pouvons lever de la dette à un coût très bas. Nous levons de la dette en émettons des obligations sur les marchés internationaux. Mais nous empruntons toujours sur la base de notre bilan. C’est avec cet argent là que nous finançons les projets à travers des prêts. Nous réinjectons les marges réalisées dans nos activités pour nous permettre de nous engager dans des projets à impact. Pour les participations en capital par contre, nous utilisons nos fonds propres. Ce que nous voulons aujourd’hui c’est faire en sorte que 40% de nos activités au niveau mondial se fasse dans les pays les plus pauvres sachant qu’aujourd’hui nous en sommes à 20%. Nous ambitionnons également de faire passer nos engagements annuels de 20 milliards de dollars à 50 milliards d’ici 2030 toujours au niveau global. Comment comptez-vous y parvenir ? Nous n‘attendons plus que les projets viennent à nous. Nous sollicitons la création de nouveaux marchés comme Bovima qui est un exemple de création de marché. Nous ne sommes plus dans une approche opportuniste en attente que les clients viennent nous voir avec des projets donnés. Maintenant nous avons une stratégie, qui nous permet de créer les conditions en amont pour que les projets se réalisent. Parlant de Bovima. De grandes promesses sont liées à ce projet. Où en sommes-nous actuellement ? Le projet Bovimas’inscrit dans le cadre du renforcement de la filière bovine. Nous nous sommes engagés dans ce projet pour contribuer à l’assainissement de la filière, touchée par des faits de vols et de banditisme. Nous avons aussi observé la réduction de la taille du cheptel.Pour cela il a fallu s’appuyer sur un acteur du secteur privé qui est là pour permettre de faire en sorte que les zébus soient exploités dans des conditions qui répondent à des normes internationales sans pénaliser Madagascar.  Sous l’impulsion du Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche, nous sommes en train de faire du sud une région pilote pour l’assainissement de la filière. Le projet consiste à mettre en place une structure d’abattoir pour l’exploitation du zébu. Nous avons besoin que toute la chaîne de valeur soit  en place pour que les zébus soient exportables. Est-ce qu’on a accusé un retard dans sa mise en œuvre ? C’est un projet innovant et surtout complexe par ce qu’il nécessite une coordination avec plusieurs ministères. Le ministère de l’Agriculture de l’élevage et de la pêche joue un rôle de coordination auprès des autres ministères. Le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur et bien d’autres institutions sont parties prenantes du projet, … Il y a un gros travail de coordination à faire. C’est pour cela que ce n’est pas simple. Le projet a le potentiel de transformer le Sud. Nous avons accusé des retards du fait de la complexité du projet. Il fait intervenir d’autres parties prenantes, y compris la Banque Mondiale et d’autres agences de développement au-delà de l’IFC. . Nous restons focalisés sur l’impact de ce projet en dépit des difficultés que nous rencontrons. C’est un projet dans lequel nous sommes engagés et nous irons jusqu’au bout. Vous êtes récemment intervenu au niveau de la Banque centrale pour la mise en place d’un bureau d’information sur le crédit. Quel est votre objectif ? La Banque centrale vient de lancer le bureau d’information sur le crédit. L’IFC est venu en soutien pour permettre l’aboutissement de ce projet révolutionnaire pour Madagascar. Tout emprunteur sera enregistré dans une base de données mise à jour. Toutes les banques auront accès aux informations en matière de risque de crédit. C’est la base qui permet d’inclure financièrement le plus grand nombre de malgaches. Nous organisons également un atelier sur l’inclusion financière qui est dans la continuité de cette étape importante. Il a pour objectif de mettre autour d’une table toutes les parties prenantes en l’occurrence la Banque centrale, les différents ministères d’un côté et le secteur privé de l’autre, pour se mettre d’accord sur les réformes pour promouvoir l’utilisation des services financiers digitaux, le but étant de faire avancer l’inclusion financière. Cet atelier vise aussi à montrer aux différents acteurs locaux les énormes possibilités offertes pour Madagascar. Cependant, il y a plusieurs prérequis à mettre en place, et nous allons les aborder durant cet atelier. Que pouvez-vous dire à propos du climat des affaires à Madagascar ? Le secteur privé est créateur d’emploi et le moteur de la croissance économique dans un pays. Il est important dans un contexte comme celui de Madagascar où les ressources de l’Etat doivent être dirigées vers les investissements à but social. L’Etat doit pouvoir laisser au secteur privé le soin d’intervenir sur des secteurs où il peut le faire et où il en a l’expertise. C’est pour cela que tout ce qui ressort du partenariat public privé est de plus en plus préconisé au sein du Groupe de la Banque mondiale. Pour que le secteur puisse jouer ce rôle, il faut que le climat des affaires soit adéquat. Madagascar est classé 161 sur 190 dans le dernier classement du Doing Business. Il y a du travail à faire pour améliorer le classement. Mais on a aujourd’hui un gouvernement qui est très volontariste par rapport à l’amélioration du climat des affaires. Il y a notamment beaucoup de travail qui est effectué avec l’EDBM (Economic development board of Madagascar) mais également avec le gouvernement qui vient d’ailleurs de désigner la ministre de l’Industrie du commerce et de l’artisanat comme champion du dialogue public privé. Elle a le mandat d’organiser le dialogue pour faire avancer les problématiques liées à l’amélioration du climat des affaires.
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